Auvergne-Rhône-Alpes, Cantal (15)
Vitrac, Église Saint-Louis-et-Saint-Martial
Édifice
L’église de cette petite paroisse de la Châtaigneraie est fort peu documentée. Les Méallet de Fargues, longtemps seigneurs de Vitrac, prétendirent toujours en avoir donné le terrain, au sommet du bourg. Attestée par un acte dès 1263, cette famille resta établie à Vitrac jusqu’à la Révolution. On peut assigner les parties les plus anciennes de l’édifice au milieu du XIIIe siècle. L’église est placée sous l’invocation de saint Martial, mais aussi de saint Louis, dont le culte était particulièrement lié aux Méallet. Ils avaient sans doute construit la chapelle qui lui est consacrée.
Le chevet est de plan quadrangulaire, profond de 5,50 m et large de 4,50 m, voûté d’arêtes. La nef est composée de trois travées, sur lesquelles ouvrent quatre chapelles. Le décapage d’enduits banals et épais et la suppression des lambris ont rendu plus lisible l’histoire de l’édifice ; les deux chapelles du nord et la première chapelle au midi sont contemporaines du chevet : mêmes croisées d’arêtes en granit, qui retombent sur des culots, presque tous en forme de visage humain, discrets et sereins. L’un des culots présente trois visages accolés. La première chapelle au midi est également voûtée d’arêtes, mais celles-ci s’achèvent en petites boules. Les pierres d’attente du parement extérieur de la première chapelle au midi montrent que la seconde chapelle était prévue à l’origine. Mais elle a été réalisée plus tard, à moindres frais, avec un appareillage moins soigné et des dimensions plus modestes.
Deribier du Châtelet (1857) rapporte : « Elle (la nef) a été, dit-on, voûtée ; mais, comme le poids de la voûte surchargeait les murs et tendait à les faire écarter, on crut devoir la démolir, et elle a été remplacée par un plafond en bois à plein-cintre » : L’époque de cette transformation n’est pas précisée, mais peut remonter au XVIIIe siècle. Deribier ne date pas davantage une addition qu’il n’approuve guère : la travée du clocher, ouverte à l’ouest par un portail de style classique. Une tribune y a été aménagée. La sacristie qui s’ouvre au nord sur le chœur, est également une adjonction, qui pourrait être contemporaine du clocher.
En 1868, d’importants travaux ont été réalisés. Le plafond de bois de la nef a été déposé et des voûtements rétablis, mais en briques, y compris les arcatures. La différence entre parties anciennes et rétablies a été alors noyée sous le plâtre. C’est sans doute à cette époque aussi qu’il faut assigner l’ensemble des baies en arc brisé. Les travaux ont alors consisté à agrandir les ouvertures primitives ou en créer de nouvelles. Les vitraux, offerts par les Miramont de Fargues (successeurs des Méallet), portent la date de 1870 ; ils sont l’œuvre de l »‘ancienne maison Thibaud » de Clermont Ferrand, à l’exception du vitrail de la seconde chapelle sud, non daté, qui est de Berneix, verrier de Marseille.
Le mobilier comporte des éléments de qualité. L’ancien maître autel, au fond du sanctuaire, possède un retable de bois peint et doré du XVIIIe s., avec un tabernacle au motif du pélican et un devant d’autel avec l’Agneau pascal. L’autel est encadré par les statues en bois doré de saint Martial et d’un juvénile saint Louis, de même époque. Longtemps masqué par un rideau, le retable nettoyé a repris sa place dans l’église. La rénovation intérieure a tenté de réaliser un compromis entre le désir de conserver et celui de la place nette… La chaire du XIXe s., qui avait résisté à la mode postconciliaire, a été démontée : du moins son tambour supporte t-il désormais la table du nouveau maître-autel. Le banc des Fargues, situé dans la première chapelle nord, a été conservé. Le chemin de croix a été réduit à la vignette ovale naguère enchassée au centre de grandes croix. Une Vierge à l’Enfant bénissant, donnée en 1844, a été mise en valeur. Au total, la rénovation de cette église lui a conservé à la fois sa cohérence et sa complexité. Plus ouverte, plus claire, elle n’en est pas pour autant appauvrie.
La Sauvegarde de l’Art français a accordé en 2000 une aide de 13 720 € pour des travaux extérieurs : l’enduit des façades nord et est (les autres avaient été restaurées dans une campagne précédente), et surtout la réfection totale du clocher, charpente et couverture en petites lauzes. L’enveloppe de l’église présente désormais, malgré le « décousu » que lui reproche Deribier, un jeu séduisant de couleur et d’aspect, granits clairs et gneiss bruns, moellons et pierres de taille.
De l’autre côté du ruisseau, le château de Fargues, mélangeant XVIe et XVIIIe s., à l’abandon, attend une autre sauvegarde.
Ph. M.