Occitanie, Aude (11)
Vignevieille, Église Sainte-Eulalie
Édifice
D’après Antoine Sabarthès, Vignevieille (Vinhavielha en occitan languedocien) n’apparaît dans les sources, d’ailleurs de façon ténue, que dans le courant du XIIIe siècle : en 1214, en 1240, par de simples mentions. Quant à l’église, il faut attendre 1351, pour en voir citer le curé, d’ailleurs dans un document romain[1]. L’église, qui appartenait à l’archevêque, est dédiée à sainte Eulalie : voilà cependant une titulature qui nous renvoie à un passé beaucoup plus ancien, les martyres de Mérida en 303, Eulalie et Julie, patronnes du voisin diocèse d’Elne, étant plutôt des références du christianisme du haut Moyen Âge. Il n’est pas surprenant que dans l’ancien diocèse de Narbonne, fondé au IIIe siècle — et dont la cathédrale est d’ailleurs dédiée aux saints Just et Pasteur, autres martyrs d’Espagne — de telles dévotions président aux premières fondations de paroisses, antérieurement, même, aux regroupements villageois tels que nous les connaissons aujourd’hui. En l’absence d’autres sources, seul l’examen de l’édifice nous permettra d’en savoir un peu plus. Il ne fait pas de doute qu’il comporte au moins une partie antérieure au XIIIe siècle.
Le village de Vignevieille se situe au bord de l’Orbieu, affluent de l’Aude au parcours contrasté qui traverse les Corbières avant de rejoindre le fleuve en amont de Narbonne. Il occupe une petite croupe au-dessus de la rivière, et l’on remarquera que l’église est un peu à l’écart au sud du village, même dans son étendue actuelle qui résulte de son extension maximum du XIXe siècle. L’édifice est orienté est-ouest, perpendiculairement à la pente de la sorte de combe qui l’abrite, ce qui fait que l’édifice est assez encaissé sur son flanc, protégé par un caniveau profond et un mur de soutènement. Au sud, justement, s’étend le cimetière qui surplombe presque l’église, aujourd’hui sans usage mais où se rencontrent des sépultures, petits monuments du XIXe s. et du début du XXe, que la municipalité a prévu de préserver, en laissant le site en l’état. A quelques mètres de l’entrée du cimetière, une source captée alimente une fontaine. Malheureusement le flanc nord, par où l’on accède à l’édifice, est presque entièrement dissimulé par une construction moderne en briques qui lui est accolée, un ancien atelier qui dépare vraiment l’aspect des lieux. Sous un auvent s’ouvre la porte en plein cintre de l’église, aux larges claveaux de pierre de taille, munie d’une menuiserie et d’une serrurerie ancienne, peut-être du XVIIe siècle. Placée devant la tête du contrefort qui soutient l’auvent, à droite, on remarque une croix ancienne, moulurée et sculptée, juchée sur un haut socle.
A l’intérieur, l’édifice, net et bien entretenu, est une simple nef unique divisée en quatre travées qui possède une abside à chevet plat. Au sud, une petite chapelle étroite, dédiée à la Vierge, a été ajoutée au XIXe s. en hors-œuvre, d’ailleurs fondée à cheval sur le caniveau qui isole l’édifice des terres du cimetière. Les travées sont divisées par des arcs doubleaux en plein cintre, enduits et peints et l’on ne peut distinguer si les voûtes en berceau, elles aussi enduites et peintes, sont en maçonnerie pleine ou sont des ouvrages minces en brique, modernes. La première travée, qui accueille la tribune, possède, elle, un plafond plat, ce qui orienterait plutôt vers la seconde hypothèse.
Le sanctuaire est décoré de pilastres en gypserie supportant une corniche dont l’arrondi rachète les angles droits de la construction. Ce n’est là cependant qu’un vestige d’une décoration qui doit dater de la fin du XVIIIe siècle. Le maître-autel est en marbre blanc, production courante de la fin du XIXe siècle. Peu de mobilier et d’œuvres d’art dignes d’intérêt à l’intérieur, mais, dans la sacristie, le coffre des marguilliers est toujours là, avec les fentes où glisser les offrandes et revenus, dont on faisait l’inventaire, au jour dit, une fois par an.
Lorsqu’on observe l’édifice en amont, depuis le cimetière, on distingue très clairement que la partie est de l’édifice est un ajout qui a prolongé la construction antérieure, peut-être au détriment d’une abside hémicirculaire. A ce nouveau chevet est accolé un petit édifice qui constitue la sacristie, protégé comme l’église de murs de soutènement élevés. C’est là, semble-t-il, le développement final de cette église, cinq ou six siècles après avoir été érigée. Il semble bien, en effet et toujours sur la seule foi d’une observation rapide[2], que la partie ouest de l’édifice, au moins les deux premières travées sont médiévales et peuvent remonter au XIIe s. : sur le mur sud, apparaît en effet une baie murée étroite et haute, couverte d’un linteau échancré, qui pourrait même être plus ancienne : mais une étude d’archéologie plus soigneuse serait nécessaire. C’est dans cette partie de l’église que s’ouvre le portail, qu’on a cité au début et que se trouvent aussi les fonts baptismaux, cuve en marbre renfermée dans la maçonnerie et s’ouvrant dans un placard. Un clocher-mur est juché sur le mur ouest, percé de deux baies accueillant des cloches : au-dessus se trouve une troisième petite baie, qui semble incomplète, vide. Les travaux récents (2018) ont permis à la commune, avec l’aide de la Sauvegarde de l’Art français, de reprendre en entier la couverture en tuiles canal.
Olivier Poisson.
Notes :
[1] Antoine Sabarthès, Dictionnaire topographique du département de l’Aude, Paris, Imprimerie nationale, 1912, p. 457.