Vieux-Rue (la), Église Saint-Martin

Dans ce village-rue, l’église paroissiale Saint-Nicolas est implantée dans un endroit privilégié, le carrefour. Elle a conservé son enclos paroissial fermé d’un muret bas autour du cimetière que domine une croix monumentale dédiée à saint Michel. Sous le patronage de la riche abbaye du Bec-Hellouin (Eure), l’église est dédiée à saint Martin, soldat romain né dans l’actuelle Hongrie où son père était tribun militaire. Devenu chrétien et affecté en Gaule, il partage son manteau une nuit d’hiver avec un pauvre. Ayant quitté l’armée, il fonde un monastère près de Poitiers puis devient, par élection, évêque de Tours en 370.

De taille modeste, l’église est à un seul vaisseau. Elle est construite en moellons et rognons de silex sur un soubassement de grès. Pas de voûte mais un simple lambris de couvrement. Le chœur est presque aussi long et large que la nef, disposition d’origine préservée car la nef n’a jamais eu besoin d’être agrandie. L’édifice peut être daté du XIII^e s. dans son plan et dans sa structure ; cependant l’élévation extérieure de la nef témoigne, par sa régularité et son style, d’un remaniement du XIX^e siècle : grandes fenêtres en plein cintre, chaînes et contreforts soulignés de brique rouge. Le chœur à chevet plat a été moins touché et le mur ouest a heureusement conservé son magnifique porche à claire-voie du XVI^e siècle. Le toit à longs pans, couvert d’ardoises, intègre, sur la première travée de la nef, un élégant clocher de charpente dont la flèche polygonale s’élève au-dessus de trois abat-sons.

À la Renaissance, des embellissements témoignent d’une vie plus facile : le cimetière est alors doté d’une croix monumentale en pierre sculptée et la façade ouest de l’église est agrémentée d’un portail à la mode, en anse de panier et chambranle souligné de grès mouluré. Ce portail est précédé d’un porche à cinq pans qui couvre tout l’espace situé entre les portes de l’enclos et le portail de l’église ; véritable corps de passage, il dessert également le cimetière par des baies libres sur les côtés. Il est construit en pans de bois de chêne et toutes les poutres sont moulurées, creusées de cartouches, aux motifs géométriques et végétaux. Chapiteaux et modillons de la corniche intérieure sont ornés de feuillages. La charpente comporte des jambettes et des aisseliers courbes sur lesquels est appliqué un lambris de couvrement. Au centre, le poinçon est sculpté d’oies dans un panier. Ce curieux motif est une allusion aux oies de saint Martin qui trahirent sa présence dans une ferme où, nouvellement élu évêque, il était venu se retirer pour prier.

L’église conserve des sculptures et du mobilier intéressants, dont une statue d’applique du XV^e s. représentant un saint évêque non identifié (saint Martin ?) et un Ecce Homo du siècle suivant. Les quatre stalles sculptées datent du XVIII^e s. et l’ensemble autel, tabernacle et retable du XVII^e siècle. Quant aux fonts baptismaux gothiques, ils offrent une rare iconographie de la vie du saint patron du lieu, moins connue que son partage avec les pauvres : une suite de personnages illustrent son rôle auprès des malades.

Pour la restauration du porche et du mur-pignon ouest de l’église, la Sauvegarde de l’Art français a donné 15 000 € en 2008.

Chantal Waltisperger