Occitanie, Aude (11)
Trausse-Minervois, Chapelle Saint-Roch
Édifice
Roch, né à Montpellier vers 1350, saint pèlerin et thaumaturge qui se serait dévoué aux pestiférés, est l’objet d’un culte immense, qui a vite débordé du Languedoc et de l’Italie où sa courte vie est supposée s’être déroulée. Cette dévotion, dont les traces sont patentes dès la fin du XIVe s.[1], est marquée par d’importants et prestigieux sanctuaires qui lui sont dédiés, à Montpellier bien sûr, à Paris, à Venise – où son corps est conservé –, etc. Loin de la gloire du Tintoret, la chapelle Saint-Roch de Trausse, serait, elle, selon la tradition locale, bâtie à l’emplacement d’une bergerie où le saint, après sa conversion (il aurait distribué ses biens aux pauvres à sa majorité), aurait vécu[2]. Aucun document ou récit ne l’atteste, mais la continuité de la dévotion à cet endroit est réelle.
La chapelle Saint-Roch de Trausse n’est malheureusement pas documentée et l’élément le plus tangible qui la concerne est la date de 1774 qu’elle arbore au linteau de sa porte. Seigneurie de l’abbaye bénédictine de Caunes-Minervois, cette paroisse du Minervois (alors appelée Traussan) dépendait non de l’abbé, mais des seuls religieux. L’abbaye, riche, ancienne et prestigieuse, tombée en commende au XVe s., accueillit la réforme mauriste, en 1664, malgré de nombreuses résistances[3]. En 1755, un arrêt du parlement de Toulouse nous décrit à quelles règles obéissait la gestion de telles seigneuries détenues par l’abbé ou par les religieux qui, bien qu’ecclésiastiques, ne concédaient aux habitants ni initiative, ni avantage et les maintenaient sous un contrôle économique et juridique très strict[4]. On note dans cet arrêt que les officiers de justice seigneuriaux recevaient eux-mêmes les comptes des marguilleries et autres œuvres d’intérêt public. Si les papiers relatifs à ces activités avaient été conservés, on pourrait sans doute mieux connaître les circonstances de la reconstruction de la chapelle de Trausse au XVIIIe siècle. Malheureusement, ce n’est pas le cas.
C’est à quelques centaines de mètres au nord du bourg que s’élève la chapelle, adossée à une petite butte couverte de garrigue. L’édifice est précédé d’une majestueuse allée de platanes, qui fait tout le charme du site. On peut imaginer qu’elle a été plantée au moment de la réouverture de la chapelle au culte, au début du XIXe siècle. En effet, comme cela est arrivé souvent, ces lieux de dévotion populaire, mis en vente comme biens nationaux, puisque seuls les édifices paroissiaux étaient conservés dans le domaine public, furent rachetés grâce à des initiatives locales. Ici, après un achat en 1791 pour un simple usage agricole, l’acquisition en fut faite par soixante habitants du lieu, en 1812, pour lui rendre sa vocation première, la fête du saint étant célébrée le 16 août.
L’édifice est d’une grande simplicité et n’offre pas de particularité architecturale notable. C’est un simple rectangle, couvert en charpente sur arcs diaphragmes. Entre les diaphragmes, on a construit sans doute au XIXe s. de fausses voûtes en berceau en brique enduites. Un porche couvert en appentis s’ouvre au sud, par une simple porte dont l’arc segmentaire porte à la clé le millésime 1774, jouxté d’initiales : I, I et I, P. Une petite sacristie est accolée du côté nord. A l’intérieur, il n’y a aucun décor si ce n’est, dans le chœur, les vestiges d’une ordonnance néo-classique en gypserie esquissant par une amorce courbe la forme d’une abside. Le sanctuaire est surélevé d’une marche – en marbre de Caunes – et délimité par une grille en fer forgé moderne. L’autel, en marbre blanc, plutôt néo-roman, relève d’ une production en série de la fin du XIXe siècle. A l’est un clocher grêle, dont la silhouette dénote et dépare presque l’ensemble, a été construit en 1932, pour abriter une cloche offerte à cette occasion. On ressent, à la visite de l’édifice, l’attachement local à cette dévotion, assumé de nos jours par l’association des Amis de la chapelle Saint-Roch, créée en 1981 et qui a remarquablement agi, depuis les années 1990, pour réaliser les travaux qui ont mis hors d’eau, consolidé et réhabilité l’intérieur de la chapelle.
La Sauvegarde de l’Art français a attribué une aide de 11 000 € en 2014 pour la restauration de la charpente et de la couverture.
Olivier Poisson
Notes :
[1] Mentionné dans le « cérémonial de 1387 », document transcrit dans le manuscrit dit Petit Thalamus des Archives municipale de Montpellier.
[2] Cf. Notice éditée par les amis de la Chapelle Saint-Roch de Trausse, s.l.n.d.
[3] C.-M Robion et D.-O. Hurel, « L’abbaye de Caunes-Minervois au sein de la congrégation de Saint-Maur : de l’installation à la dispersion », dans L’Abbaye et le village de Caunes-Minervois, archéologie et histoire, Archéologie du Midi médiéval, supplément n°6, 2010, p. 153-160.
[4] E. Baichère, « Notice sur les droits et prérogatives de l’abbé et des bénédictins de Caunes dans leurs seigneuries respectives », Mémoires de la Société des arts et sciences de Carcassonne, t. 10 (1re série), 1904, p. 192-204.