Ces statues ont bénéficié d’un généreux don du Crédit Agricole – Ile de France dans le cadre de la campagne du Plus Grand Musée de France pour leur restauration.
UNE DéCOUVERTE INCROYABLE
À l’occasion de travaux de rénovation, des fouilles dans l’église Saint-Etienne de Mareil Marly (département des Yvelines) ont été entreprises. À la fin du mois de mai 2018, les archéologues font « la découverte d’une vie » : un groupe sculpté et une statue, datant probablement du XIVe siècle, dans un état de conservation captivant ! Le groupe sculpté de presque deux mètre de haut, représente le martyre de saint Etienne (un des sept premiers diacres et premier martyr cité dans les Actes des Apôtres). Un bourreau abat une pierre, faisant perler des gouttes de sang sur la tempe du saint diacre. Cette lapidation se déroule sous le regard de Dieu le Père, dont le visage apparait entre saint Etienne et son tortionnaire. Au pied du groupe, un adorateur, d’une taille significativement inférieure à l’ensemble, se tient à genoux, les mains jointes en prière.
Le second élément découvert est une statue : si la tête et une partie des bras manquent, nous pouvons toutefois identifier un diacre grâce au costume liturgique qu’il revêt : une dalmatique, un manipule, une chape mais surtout une crosse dans sa main gauche. Sans être en mesure de l’affirmer, il pourrait s’agir d’une représentation de saint Etienne, diacre en son temps et saint patron de l’église.
Enterrés à quelques centimètres sous le sol, ces deux trésors sont exceptionnels par bien des points. Tout d’abord, les dimensions de ces œuvres sont remarquables : les représentations sculptées contemporaines conservées dans les collections muséales françaises dépassent rarement un mètre de hauteur. Ensuite, nous devons mettre en avant le formidable état de conservation de ces deux œuvres même avant la restauration. Certes, la statue avait perdu plusieurs parties de son anatomie au fil des siècles, mais les couleurs des deux éléments avaient, quant à elles, traversé les époques. Sur la ceinture du saint martyr, des éléments de verroterie et des cabochons intacts relèvent la richesse du costume. Il est rare que les sculptures en pierre polychrome nous parviennent avec leurs couleurs passées. La plupart du temps, ces dernières ont disparu ou ont été enlevées pour répondre au canon de blancheur véhiculé à partir du XIXe siècle. L’état des œuvres est d’autant plus incroyable qu’elles étaient enfouies à même la terre, ainsi exposées directement à l’humidité, aux sels, aux changements de températures etc. Nous ne savons pas encore pourquoi ni quand ces trésors ont été enfouis ; ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit de témoignages miraculés.
UNE RESTAURATION quand même nécessaire
Malgré tout, des travaux de restauration s’imposaient pour conserver ces œuvres et éviter leur disparition. Plusieurs altérations menaçaient l’intégrité des œuvres. Les sels solubles, apparus à cause de variations importantes d’humidité, affleuraient à la surface des sculptures, plus particulièrement sur le groupe sculpté. Ces sels affaiblissaient grandement la matière constitutive de l’œuvre et auraient pu la conduire à la destruction.
Le restaurateur se vit donc chargé de plusieurs objectifs : tout d’abord, il avait pour mission de nettoyer les deux pièces afin de stopper l’altération causée par la poussière, les dépôts de terre et, bien sûr, les sels solubles. Il devait ensuite réaliser des prélèvements pour déterminer la nature des pigments, afin de comprendre en profondeur la composition des deux ensembles et réintégrer les matières le plus fidèlement possible. La pierre devait absolument être consolidée pour que les œuvres ne se désagrègent pas ; les éléments en plâtres ajoutés au cours de siècles ont dû être enlevés pour rendre une meilleure lisibilité aux pièces. La restauration a également permis de réintégrer des fragments retrouvés, mais aussi de maintenir et stabiliser la polychromie. Dans le respect du code de déontologie des restaurateurs, le projet d’intervention établi a permis de sauver ces deux trésors médiévaux d’une destruction assurée mais également de restituer aux Mareillois des éléments exceptionnels de leur patrimoine.
Mathilde Rétif, diplômée de l’Ecole du Louvre et de Sciences Po Paris