Normandie, Calvados (14)
Sainte-Marguerite-d’Elle, Chapelle Saint-Hubert
Édifice
Chapelle Saint-Hubert-du-Prey. Sur le rebord méridional du plateau de Sainte-Marguerite, la chapelle Saint-Hubert se niche dans un écrin de verdure et de beaux chênes, dominant le vallon où serpente agréablement l’Elle. Le site est pittoresque, mais la fondation de la chapelle sur la pente d’un talus a probablement fragilisé dès l’origine la structure de l’édifice, par un lent et sournois effet de creeping ou reptation.
La fondation remonterait à 1621, quand l’évêque de Bayeux autorisa Pierre Hue, sieur du Prey, à faire bâtir une chapelle dédiée à saint Hubert. Dans une région qui juxtapose un bocage lâche et la Forêt, où les « sangles » (sangliers) sont nombreux, la dédicace à saint Hubert peut être en rapport avec la chasse.
Les murs sont de schistes rouges ou gris, montés sans mortier dans un blocage qui paraît mal maîtrisé. La chapelle, rectangulaire, a une longueur de 15 mètres pour une largeur de 4,5 mètres. Il n’est pas impossible que l’édifice ait été plus long. Il est évident qu’il a subi de nombreux remaniements.
La façade occidentale est coiffée d’un clocher-écran à deux lancettes, surmontées d’un oculus, le tout penchant légèrement vers l’ouest. Il serait très prématuré d’y rétablir des cloches. Devant la porte d’entrée, à arc plat aux claveaux grossiers, s’élèvent deux piliers qui ont soutenu une petite toiture, faisant office de vestibule ou de préau. Ce minuscule « narthex » est aujourd’hui en cours de restauration.
Le mur sud présente des contreforts de deux époques différentes, les plus anciens engagés dans la maçonnerie, assez plats et ne dépassant pas les trois quarts de l’élévation, les autres, plus massifs, juxtaposés, et plus hauts. Ces contreforts sont actuellement très dégradés, voire ruinés . Environ au milieu de la longueur, l’un d’eux recouvre le piédroit d’une ancienne porte cintrée, aujourd’hui obstruée par des pierres en vrac. Les fenêtres les plus anciennes sont vers l’est (cintres semi-circulaires en claveaux de schiste et appuis en pierre grise) ; vers l’ouest, les fenêtres sont moins cintrées, leur base est en schiste. Globalement, il semble que le mur a été repris, dans une nouvelle phase, à partir du niveau des fenêtres. On note, à l’évidence à la hauteur de la porte comblée, que le niveau du sol a été sensiblement exhaussé (pour consolider les fondations ?) et toujours davantage en direction du chevet.
Le chevet est plat ; il présente des traces de remaniements de pierres et, surtout, une fenêtre trilobée en calcaire, ébrasée sur l’extérieur, au centre du pignon. Il s’agit d’un réemploi. Cette fenêtre a été bouchée. Il n’y a pas de contreforts sur le chevet.
Le mur nord ne diffère pas beaucoup de celui du sud : ses contreforts sont très abîmés, à l’exception de l’un d’eux, large mais peu profond, dont l’utilité n’est pas évidente. On trouve deux fenêtres identiques à celle du pignon (et également bouchées), ce qui permet de penser que les remaniements ont été contemporains. Enfin, une porte assez large, surmontée d’un linteau en pierre calcaire, émerge à mi-hauteur, au moins, du terrain.
Ainsi, au nord comme au sud, le sol a été relevé, toujours vers le chevet.
Á quelques mètres au nord, le long du chemin, un mur d’environ deux mètres, qui menace ruine, est situé plus haut côté chemin que côté enclos. Pourquoi le niveau de l’enclos est-il aussi haut par rapport aux deux portes murées ? Une recherche sur les fondations pourrait probablement le dire. On sait, toutefois, que la chapelle était entourée d’un cimetière, orné de deux ifs (aujourd’hui disparus). Au début du XXe s., l’abbé Guérin écrit : « un jeune if, qui atteint presque deux mètres de hauteur, s’est crânement planté au haut d’un contrefort » , ce qui ne pouvait qu’affaiblir l’édifice.
La chapelle était couverte d’épaisses ardoises au clou qui ont pu écraser la mauvaise structure des murs, et l’invasion d’un lierre puissant n’avait rien arrangé. Il était nécessaire de renouveler la couverture pour sauver les murs.
Une Association des amis de la chapelle Saint-Hubert-du-Prey s’est constituée en 2005. Pour une mise hors d’eau provisoire et la pose de bac acier, la Sauvegarde de l’Art français a accordé une aide de 2 000 € en 2006.
Cette modeste chapelle pose la question générale de la sauvegarde du « tout petit patrimoine religieux », à un moment où l’on donne à penser que des édifices bien plus considérables pourraient être sacrifiés sur l’autel du Budget.
S’agissant de la chapelle Saint-Hubert-du-Prey, il va de soi que remplacer la toiture n’aura servi à rien, si l’on ne s’attache pas désormais à la stabilisation des murs, voire du terrain, ce qui suppose de nouveaux efforts de financement .
Louis Le Roc’h Morgère