Pays de la Loire, Sarthe (72)
Saint-Vincent-du-Lorouër, Église Saint-Vincent-du-Lorouër
Édifice
La commune appartient au petit pays du Lorouer (S. Vincentii de Laboratorio, seu Oratorio) situé à environ 30 km au sud-est du Mans, au nord de la forêt de Bercé. À l’origine, un oratoire aurait été construit le long de la rivière, La Veuve, près de la voie romaine allant du Grand-Lucé au Loir. La création de la paroisse paraît être liée aux défrichements entrepris au XIe s. (vers 1070), sans doute à l’initiative de l’abbaye Saint-Vincent du Mans : dès la fin de ce siècle, en effet, y sont mentionnés une église et un prieuré dépendant de cette abbaye. D’après le cartulaire de Saint-Vincent, il semble que l’église était entourée, sinon de fortifications, du moins d’une levée de terre (vallum) et peut-être d’une enceinte de bois, précédant celle qui fut reconstruite autour de l’église et de son cimetière, vers 1100.
Les parties anciennes de l’église actuelle remonteraient à la fin du XIe s., ou au début du siècle suivant. De cette époque dateraient le clocher, situé à l’ouest, et la partie basse du mur gouttereau nord de la nef. À l’église du XIIe s. fut accolé un chœur au XVIe siècle ; de cette campagne pourrait dater également la surélévation du clocher, après un incendie survenu en septembre 1583. La nef fut bâtie à neuf au XVIIe s. et agrandie par l’adjonction d’un collatéral, au sud, dont le mur méridional prolonge celui du chœur ; la nef fut alors couverte d’un nouveau lambris de charpente.
L’élément fort de l’élévation de cette église est la tour-clocher massive adossée à l’angle nord-ouest de la façade ; elle est couverte d’une toiture d’ardoise à quatre pentes. Sans ouverture, la tour est épaulée par des contreforts en moellons de grès roussard, aux angles nord-ouest et sud-ouest, tandis qu’un contrefort supplémentaire s’élève jusqu’au tiers du mur occidental.
L’église se compose d’une nef rectangulaire et d’un chœur, plus court et un peu plus étroit, qui se termine par un chevet droit. Construit sur un axe légèrement décalé par rapport à celui de la nef, il est couvert d’une toiture très pentue, dont le volume domine celui de la nef. Le mur-pignon du mur occidental est percé d’une porte de type néoclassique, surmontée d’une fenêtre récente, en arc brisé. Une niche a été placée dans la partie droite du mur de façade. De part et d’autre de la porte d’entrée, se développe un décor d’inspiration Renaissance, sans doute complété au XIXe siècle ; il se compose de colonnes engagées, peu espacées, coiffées de chapiteaux cubiques. Chacun de ces chapiteaux fait office de socle et porte une figure ; celles-ci ne sont pas identifiées.
La nef est couverte d’un lambris de charpente, qui a reçu un étonnant décor peint, en 1634 : y figurent quatre-vingt-douze têtes et grotesques, certains accompagnés d’initiales, ainsi que des armes des familles de Fromentières et des Échelles, seigneurs de Lucé. Une tête féminine, à la perruque blanche, est particulièrement bien conservée. L’ensemble présente un grand intérêt en raison de la rareté de son iconographie profane et de sa facture populaire. Un lambris de charpente peint, comparable à celui de la nef, couvrait le chœur, mais il a été malheureusement supprimé en 1960, en raison de son mauvais état de conservation.
La nef est éclairée par trois fenêtres percées au XVIIe s. au nord et au sud ; elle est séparée du chœur par un mur diaphragme, sans décor, tandis que trois arcades reposant sur deux piles circulaires la séparent du collatéral. Deux baies gothiques et deux baies ouvertes au XIXe s. ont été percées symétriquement sur les murs nord et sud du chœur.
L’église abrite de nombreuses œuvres sculptées. Le retable du maître-autel est en tuffeau, avec des rehauts peints et dorés (XVIIIe -XIXe siècles). Deux retables latéraux du XVIIIe s., sont adossés au mur qui sépare la nef du chœur. Au nord, l’autel de la Vierge, porte une statue de Vierge à l’Enfant (XVIIIe s.) ; au-dessus du retable, ont été placés une Éducation de la Vierge et un saint Barnabé (?). Au sud, l’autel de saint Joseph porte une statue du saint en plâtre (XIXe s.) et un saint Sébastien en terre cuite du XVIIe siècle. L’église abrite de nombreuses statues de ce type et de cette date : un saint Jacques le Majeur, un saint évêque, un saint Jean-Baptiste, attribué au sculpteur manceau Étienne Doudieux (fin XVIIe s.), un Christ aux liens, de la fin du XVIIe siècle.
Des fragments de vitraux du XVIe s. ont été conservés : dans la fenêtre occidentale moderne, ont été placés des éléments d’une Adoration des Mages, tandis que, dans la baie centrale du bas-côté sud, une Vierge de Pitié, accompagnée d’une donatrice, fait face à un Christ Enseignant avec un donateur, accompagné de saint Philippe.
Les cinq autres vitraux de la nef, comme ceux des quatre fenêtres du chœur, datés de 1875, proviennent de l’atelier du Carmel du Mans, dont la production est bien connue des historiens du XIXe siècle. La verrière axiale est signée de Rathouis, qui dirigeait cet atelier[1].
La Sauvegarde de l’Art français a accordé, en 2010, une aide de 15 000 € pour des travaux consistant essentiellement dans la réfection des couvertures de la nef, la consolidation du mur diaphragme, entre nef et chœur, et le drainage de la partie nord de l’édifice.
Françoise Bercé
[1] Didier Alliou , Catherine Brisac, « La peinture sur verre au XIXe s. dans la Sarthe », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. 93, no 4, 1986, p. 389-394