Centre-Val de Loire, Loiret (45)
Saint-Maurice-sur-Fessard, Église Saint-Maurice
Édifice
L’église Saint-Maurice tirerait son origine d’une modeste chapelle ; celle-ci aurait desservi, dans les premiers temps du Moyen Âge, un hameau au nom de Saint-Maurice, écart du village de Saint-Vincent, lui-même situé à proximité du château de Fessard. L’existence de deux lieux de culte, le premier au château, le second au hameau, est attestée en 1169. Le pape Alexandre III ordonne alors le recensement des biens de l’abbaye de Vézelay, où figurent ceux de l’abbaye de Villemoutiers, avec ses dépendances, dont font partie les églises de Saint-Maurice et de Fessard. Puis le hameau semble prendre le pas sur le village. Vers 1220, le revenu de la chapelle de Saint-Vincent-de-Fessard est affecté au prêtre desservant l’église de Saint-Maurice, désormais paroissiale. La fusion des deux noyaux de peuplement est effective à l’issue de la guerre de Cent Ans, dévastatrice dans la région, au cours de laquelle les habitants de Fessard se sont repliés sur Saint-Maurice. La nouvelle agglomération accole le nom de l’ancien village à celui du hameau primitif. La paix et la prospérité revenues engendrent un accroissement de la population et la question d’un agrandissement de l’église se pose dès le milieu du XVe siècle. Des travaux, dont on ne connaît pas la nature, sont entrepris de 1489 à 1492, avec le soutien financier de Tristan de Salazar (1431-1515), évêque de Sens, diocèse dont relevait la paroisse.
En 1624, commande est passée par contrat à Blanchet Fourquet, menuisier, et Jean Dupuis, peintre, résidant tous deux à Montargis, pour l’exécution d’un retable peint et doré, orné de cinq statuettes qui figurent un chérubin avec une croix, saint Maurice, saint Hubert, saint Aubin et saint Sébastien. Le maître-autel et son retable sont entièrement repeints en 1751. Enfin, en 1861, une campagne de restauration de l’église est menée à bien par l’entrepreneur Heurteau, d’Orléans. À la même époque, la sacristie est érigée contre le chevet, entraînant le bouchage de la baie d’axe du chœur.
L’analyse architecturale de l’édifice corrobore en grande partie ce que la documentation nous apprend de son histoire. Dépourvu de transept, il offre, en plan, la forme d’un rectangle allongé terminé, à l’est, par un chevet à trois pans. Son aspect, en élévation, est assez singulier, en raison de sa nef surbaissée, traitée à l’économie. Bâties en maçonnerie de moellons enduite, à des époques différentes, les trois parties qui le composent se distinguent ainsi nettement. La nef est la plus ancienne, comme l’attestent les petites baies en plein cintre romanes qui sont réapparues, lors de chutes d’enduit, sur les façades nord et sud. Deux fois plus élevé, le chœur gothique est épaulé par des contreforts en pierre de taille et éclairé par des fenêtres en arc brisé. Les quelques modillons conservés de sa corniche sont ornés de têtes sculptées rudimentaires. Couvert par une flèche en charpente, le clocher-porche élevé au-devant de la nef est flanqué aux angles par de puissants contreforts en pierre de taille, également utilisée dans les chaînages d’angles, l’encadrement des baies de l’étage des cloches et le portail d’entrée. D’inspiration Renaissance, ce dernier porte, gravée sur la clé de l’arc, la date de 1547. Le clocher offre la particularité d’être séparé du reste de l’édifice par un espace laissé vide ; fermé par une maçonnerie sommaire, celui-ci indique qu’une reconstruction, à la suite, de la nef, fut un temps envisagée. De même, le rez-de-chaussée du clocher montre qu’une voûte d’ogives retombant en pénétration dans des piliers cylindriques engagés dans les angles, laissée inachevée, fut aussi projetée.
L’intérieur de l’église offre davantage d’unité. Les travaux entrepris en 1861 (date figurant sur une clé de voûte du chœur) ont consisté à couvrir la nef d’une fausse voûte de brique et plâtre en berceau surbaissé, décorée d’arcs doubleaux à caissons néo-classiques. Sa mise en œuvre a épargné les entraits et poinçons de la charpente, contrairement à beaucoup d’autres exemples d’application, en Orléanais, du « système Heurteau », que notre entrepreneur fit breveter. Les baies de la nef ont été agrandies à la même époque, pour adopter une forme en arc brisé. Enfin, un enduit de plâtre teinté avec joints d’appareil imitant la pierre a été posé sur l’intégralité des parois, y compris celles des deux travées droites et de l’abside du chœur gothique. Voûté d’ogives à profil prismatique retombant en pénétration dans les supports engagés, celui-ci n’a été achevé qu’à un moment avancé du XVe s., ce qui pourrait correspondre aux travaux mentionnés dans les textes à la fin de ce siècle.
Le mobilier comprend plusieurs éléments de grand intérêt, d’ailleurs protégés au titre des Monuments historiques. On mentionnera, en premier lieu, le maître-autel surmonté d’un tabernacle monumental (qui pourrait être le « retable » commandé en 1624), aujourd’hui séparé de son retable du XVIIe s. et de sa toile peinte représentant la Décapitation de saint Maurice, lors de la construction de la sacristie. Des statues en bois, jadis polychromé, datables du XVIe ou du XVIIe s. et qui mériteraient une restauration, retiennent également l’attention : une remarquable statue équestre du saint patron et trois autres figurant sainte Radegonde, saint Vincent et saint Sébastien.
L’église souffre depuis longtemps de graves problèmes d’instabilité qui ont conduit à la condamnation du chœur dans les années 1930. Voulant sauver et valoriser le monument, sis au centre du bourg actuel, la commune propriétaire en a entrepris la restauration globale. Une première tranche, la plus urgente, a porté, en 2013, sur le chœur. Elle a bénéficié du soutien financier de la Sauvegarde de l’Art français à hauteur de 15 000 €.
Gilles Blieck
E. Michel, « Église de Saint-Maurice-sur-Fessard », dans Inventaire général des richesses d’art de la France. Province, monuments religieux, t. I, Paris, 1886, p. 268-269.
E. Putois, « Notice historique sur Saint-Maurice-sur-Fessard (Loiret) », Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, t. IV, 1886, p. 185-205.
G. André, Étude préalable à la restauration de l’église de Saint-Maurice-sur-Fessard, Nancy, 2008, 2 vol.
L’église de Saint-Maurice-sur-Fessard, brochure de l’Association de sauvegarde du patrimoine de Saint-Maurice-sur-Fessard, 2009, 46 p.