Nouvelle-Aquitaine, Vienne (86)
Chalandray, Église Notre-Dame, Saint Jean-Baptiste dans le désert
Peinture
Cette œuvre de 160 cm de hauteur et de 90 cm de largeur représentant Saint Jean-Baptiste, réalisée par un artiste du XIXe siècle qui nous est encore inconnu, se trouve à l’Eglise Notre-Dame à Chalandray. Inscrite aux Monuments Historiques depuis le 16 octobre 1965, cette peinture à l’huile sur toile est une rare copie de grande qualité d’un tableau du XVIIe siècle du peintre espagnol José Leonardo intitulé Saint Jean-Baptiste dans le désert qui a été réalisée entre 1838 et 1848 pendant l’exposition de la galerie espagnole du roi Louis-Philippe.
Grâce à l’action des étudiants de Science Po Poitiers, 3040 euros ont pu être récoltés pour la rénovation de ce tableau.
Une œuvre qui témoigne de la galerie espagnole de Louis-Philippe
Désireux de retisser des liens harmonieux avec la dynastie espagnole des Bourbons après les sanglantes guerres napoléoniennes et de renforcer sa légitimité par sa politique culturelle, Louis-Philippe décida vers 1835 de fonder une galerie de peinture espagnole au sein du Louvre et chargea le baron Isidore Taylor, commissaire royal du Théâtre royal, d’acquérir des centaines de peintures espagnoles sur ses fonds personnels. Profitant de la sécularisation des ordres religieux qui a permis la sortie hors du territoire espagnol de nombreuses œuvres, Taylor s’est empressé d’acquérir plus de 450 toiles s’étalant des primitifs au Siècle d’or espagnol dont des peintures de Zurbaran, de Murillo, de Ribera, de Cano, de Velasquez, du Greco ou encore de Goya. A cette époque, l’art espagnol influença beaucoup les artistes européens qui y trouvèrent un naturalisme saisissant. En effet, le romantisme suscita chez les artistes européens un désir de renouvellement et une recherche de sources d’inspirations différentes de l’Italie antique et néoclassique. Cette galerie rendit la peinture espagnole accessible au public et c’est grâce à elle que Velasquez est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands maîtres de la peinture espagnole et que des artistes comme Le Greco ou Goya furent connus du public. Parmi ces toiles se trouve le tableau Saint Jean-Baptiste dans le désert peint par José Leonardo, un peintre de cour qui a, notamment, participé à un programme d’exaltation de la monarchie espagnole sous la direction artistique de Velasquez. Après sa chute, Louis-Philippe, qui se trouvait à Londres en 1850, récupéra la totalité des œuvres qui composaient sa galerie et la collection fut démantelée lors d’une vente chez Christie’s en 1853. Saint Jean-Baptiste dans le désert de José Leonardo a également été vendu et se trouve aujourd’hui au County Museum à Los Angeles.
La représentation d’un prophète itinérant
Cette peinture est une copie partielle du tableau de José Leonardo. Elle représente Saint Jean-Baptiste de face, debout. Ses cheveux sont longs, sa barbe est fournie ; il porte une tunique brune et une longue cape rouge. Dans sa main gauche, il tient un bâton de pèlerin, l’index pointé vers le haut derrière lequel on aperçoit une oriflamme où figure l’inscription « Agnus Dei ». Son bras droit, derrière lequel on aperçoit un mouton, est tendu vers la terre qu’il montre de l’index. Sa tête est auréolée d’un halo de lumière et il marche sur un sol vallonné. A droite, au premier plan, une branche apparait au niveau de ses jambes. Juste derrière, une rivière s’enfonce vers l’horizon où l’on aperçoit des arbres auréolés de lumière. A gauche, un grand arbre, plus proche, masque le ciel jusqu’au niveau de son avant-bras. Un ciel bleu et nuageux orne la partie supérieure de la toile.
Une œuvre intéressante à divers points de vue
Cette belle toile présente un grand intérêt du point de vue de l’histoire du goût car elle témoigne de l’hispanophilie au XIXe siècle et de la diffusion des œuvres des peintres espagnols grâce aux copies réalisées pendant l’exposition de la galerie espagnole de Louis-Philippe. Elle présente également un intérêt du point de vue de l’histoire de l’art puisqu’aujourd’hui l’original n’est plus en Europe. Placée en hauteur, au niveau du porche de l’église Notre-Dame, elle a une position centrale et dominante qui illumine l’église par sa beauté.
La restauration
L’œuvre avait subi une première restauration qui avait rétréci ses dimensions par un encadrement modifié, cachant ainsi un pied de Jean-Baptiste et la tête du mouton. Des pièces de toile avaient été collées pour combler certaines lacunes avec une colle inadaptée, et la couche picturale présentait de larges craquelures. Le bois du châssis du support était vermoulu et parasité.
Un nouveau châssis sur mesure a été réalisé. Le tableau a été dépoussiéré au devant et au dos, et la couche picturale consolidée. Les précédentes restaurations ont été ôtées et remplacées par des plus adéquates et pérennes. Les lacunes comblées, le tableau retouché dans son ensemble et le vernis a été remplacé, laissant se découvrir une toile splendide.
Bibliographie
Notice des tableaux de la Galerie Espagnole exposés dans les salles du Musée Royal au Louvre, Imprimerie de Crapelet, Paris, 1838
Collectif, Manet – Velasquez : la Manière espagnole au xixe siècle, Réunion des Musées Nationaux, 2002
ANGULO ÍÑIGUEZ, Diego, y PÉREZ SÁNCHEZ, Alfonso E. Pintura madrileña del segundo tercio del siglo XVII, 1983
BRYAN, Michael, «Jusepe Leonardo» (biografía), en ARMSTRONG, Walter y Robert Edmund Graves, Dictionary of Painters and Engravers, Biographical and Critical (Volumen II L-Z), Londres, George Bell and Sons, 1889
PÉREZ SÁNCHEZ, Alfonso E. (1992). Pintura barroca en España 1600-1750. Madrid : Ediciones Cátedra.
Projet mené par Nicolas Pintea, Luciana Cardoso,Marie Dupond Dinenchin, Léa Giraud, étudiants à Sciences Po