• Supprimer
  • Supprimer
  • Supprimer

Statut
Souscription fermée

C’est probablement au XIIe s. que les bénédictins de l’abbaye de Charroux construisirent (ou reconstruisirent ?) l’église d’un prieuré conventuel qu’ils avaient fondé dans un bourg alors appelé Sivrac (ou Civrac). Dans le courant du XIIIe s., la renommée d’un ermite du nom de Clodoaldus qui avait vécu au XIe s., dans les environs, et qui fut par la suite plus ou moins assimilé (avec l’accord tacite des moines de Charroux ?) avec un autre Clodoaldus, beaucoup plus illustre, fils du roi mérovingien Clodomir et fondateur au VIe s., du monastère de Saint-Cloud, aux portes de Paris, entraîna le changement de nom de l’agglomération qui devint Saint-Claud (première mention en 1273).

Il est possible que, dans l’église actuelle, les parties basses du clocher et les deux murs, très épais, de la nef centrale, soient des vestiges de cette église du XIIe s.; les murs nord et sud de la nef auraient été percés de trois grandes arcades en arc brisés, lorsque l’église fut presque entièrement reconstruite au XVe s., afin de faire communiquer l’ancienne nef unique avec les deux collatéraux qui lui furent alors ajoutés : les enduits avec faux joints, mis en place lors de la restauration du XIXe s. et qui dissimulent entièrement les maçonneries, ne permettent pas, cependant, d’être plus affirmatif. Il est possible qu’il subsiste aussi quelques vestiges de l’époque romane dans les escaliers qui, de part et d’autre du chœur et selon une disposition assez archaïque, donnent accès à la crypte dont le mur occidental abrite, dans une sorte d’enfeu comportant une table d’autel et clôturé par une claire-voie, un sarcophage qui aurait contenu les reliques de « saint Claud ».

L’église, devenue, au XIVe s., celle d’un simple prieuré-cure mais ensuite siège d’un archiprêtré, est en fait, pour l’essentiel, un édifice du XVe s. (une inscription gravée indiquerait la date de 1452), bâti en pierre blanche, d’une conception assez ambitieuse avec sa nef pourvue de bas-côtés et son large chevet rectangulaire mais de proportions un peu trapues et sans audaces architecturales (comme en témoigne l’absence de fenêtres hautes dans la nef centrale). Un vaste chœur de deux travées sous lequel est aménagée la crypte déjà citée, surplombe de huit marches la croisée du transept dont les deux croisillons sont de plans dissymétriques : celui du nord, sensiblement carré sert de base au clocher et ne communique avec la croisée que par une baie assez étroite ; celui du sud, plus ouvert et dont le mur extérieur est pratiquement aligné sur celui du bas-côté méridional de la nef, se prolonge vers l’est pour former une petite chapelle. La nef comporte trois travées ; une porte secondaire est ouverte dans le collatéral nord au niveau de la travée la plus orientale. Des contreforts, dont certains sont implantés en particulier en biais aux angles du bâtiment, probablement plusieurs fois réparés, voire modifiés, rythment l’extérieur de l’édifice. La porte de la façade occidentale, décorée dans un style flamboyant peut-être tardif (vers 1500 ?) comporte deux niches dont les dais triangulaires ont une forme assez originale ; elles ont pu contenir des statues qui, si tel était bien le cas, auraient disparu, soit durant les guerres de Religion assez violentes dans cette région, soit au moment de la Révolution : dans la partie haute de la façade on peut noter en effet que les meubles d’un blason (peut-être celui des La Rochefoucauld qui étaient barons de Saint-Claud) ont été arasés avec soin, alors que les deux figures qui l’accostent (des « hommes sauvages » ?) ont été épargnées, selon une pratique fréquente lors de la suppression, en 1791, des marques de féodalité. Les armoiries, portées par des anges, qui ornent la claire-voie de la crypte, ont subi un traitement analogue.

Peut-être qu’au cours du XVIIe s. ou du siècle suivant, un autel monumental avait été érigé au centre du chœur : ce qui expliquerait la présence, dans la crypte d’un gros pilier (1,20 x 2,10) assez grossièrement construit, destiné à supporter son poids ; la voûte sur croisée d’ogives à nervures prismatiques, partant du sol, qui couvre cette crypte (construite peut-être en 1413) n’avait, en effet, nul besoin d’un tel renfort.

Il est assez difficile d’évaluer l’importance des restaurations entreprises au cours du XIXe s., en particulier dans la réfection des fenestrages et surtout dans la reprise des voûtes et de leurs supports, pilastres couronnés de bandeaux de feuillages, peuplés parfois d’oiseaux, minces colonnettes comportant de simples bagues et consoles ornées de têtes ; beaucoup semblent cependant remonter au XVe s. de même que celle qui, dans le croisillon sud, montre un singe associé à un autre animal. Sans doute les niveaux intérieurs ont-ils été modifiés lors des travaux du XIXe s. car, dans les croisillons, les crédences sont situées à un niveau anormalement bas. La plus spectaculaire des interventions de cette période est cependant la reconstruction de la partie haute du clocher dans un style qui n’a que peu de rapport avec celui du reste de l’église mais qui complète assez harmonieusement la silhouette de l’édifice.

A l’intérieur, le chœur a été pourvu d’un lambris de style discrètement néo-renaissance qui dissimule peut-être les restes d’un décor car un fragment de peinture murale (figure très incomplète d’une Vierge de l’Annonciation ?) est visible derrière ce lambris sous la fenêtre d’axe. Dans la crypte est déposée une statue de la Trinité, très mutilée mais bien reconnaissable. La partie supérieure de la chaire, ornée d’une figure d’ange sonnant de la trompette, date vraisemblablement du XVIIe s. et a été remontée vers 1860 sur un nouvel ouvrage de menuiserie. La cuve en marbre des fonts-baptismaux (qui étaient sans doute placés à l’origine sur une sorte de podium, à l’extrémité occidentale du collatéral sud) est taillée dans un beau marbre veiné, probablement pyrénéen. Dans la chapelle aménagée dans le croisillon nord, sous le clocher, un curieux et vaste décor surmonte l’autel, associant autour d’une niche, une représentation peinte de la Trinité qui paraît couronner la statue de la Vierge placée dans cette niche et que vénèrent deux clercs agenouillés, peints de chaque côté. L’état de conservation de cet ensemble ne permet guère de juger de sa qualité picturale mais il est le témoin d’un aspect intéressant de la peinture religieuse du XIXe siècle. Les trois autres toiles conservées dans l’église sont, elles aussi, dans un état assez critique et représentent Saint Joseph et l’Enfant Jésus (assez naïf), la Prédication de saint Jean Baptiste (donnée en 1854 mais qui pourrait être d’une date plus ancienne) et une Descente de Croix avec un prêtre en donateur ; cette peinture mériterait certainement d’être restaurée.

En 2016, la Sauvegarde de l’Art Français a attribué une aide de 10 000 € pour la mise hors d’eau de l’édifice, et en 2018, un don supplémentaire de 9 000 € pour la reprise des maçonneries.

Jean-René Gaborit

Bibliographie :

Abbé J.-H. Michon, Statistique monumentale de la Charente, Paris, 1844, p. 325 (réimpr. Paris, 1980).

Abbé J. Nanglard, Pouillé historique du diocèse d’Angoulême, Angoulême, 1894-1903, t. I, p. 642 ; t. II, p. 195 ; t. IV, p. 525.

J. George, Les églises de France. Charente, Paris, 1933, p. 230-231.

J.-M. Berland, « Les cryptes de Charente », Mémoires de la Société archéologique et historique de la Charente, 1971, p. 401-419, à la p. 416.

J. Baudet, « L’énigme de l’église de Saint-Claud », Bulletins et mémoires de la Société archéologique et historique de la Charente, t. 156, 2000, p. 61-78.

P. Dubourg-Noves, Les églises de Charente (à paraître), ch. 10.

Le projet en images