Auvergne-Rhône-Alpes, Loire (42)
Sail-sous-Couzan, Chapelle Notre-Dame de Couzan
Édifice
¨POSÉE sur un éperon, hors de l’enceinte du château de Couzan, la « chapelle de Couzan » n’est pas la chapelle castrale (dont il ne reste d’ailleurs pas de trace), mais son histoire ne peut être détachée de celle du célèbre château. Aux abords et à l’abri de celui-ci se développa un village, dont elle fut l’église paroissiale.
Les origines de ce château qui commandait les passages entre Forez et Auvergne demeurent obscures. Le premier castrum a pu être une possession des comtes de Lyon. Un mariage dont il aurait constitué la dot l’aurait fait passer autour de l’an Mil chez les seigneurs de Semur (en Brionnais). Geoffroy II de Semur en est le maître en 1080, quand il donne le prieuré de Sail-sous-Couzan aux religieuses de Marcigny, qui le cèdent bientôt à Cluny. Son fils cadet Hugues Damas, neveu de saint Hugues, abbé de Cluny, est le premier d’une longue lignée dont le nom est inséparable de Couzan et qui en fit la forteresse dont les ruines sont aujourd’hui encore si impressionnantes.
La première mention qu’on ait conservée de la chapelle figure dans un pouillé du diocèse de Lyon daté de 1225 (ecclesia de Cosant). Sans doute était-elle déjà consacrée à saint Saturnin (ce que nous apprend un acte de 1467). Mais l’architecture renvoie à une époque beaucoup plus ancienne. C’est ce qu’indique la notice émanant de la Diana, attentive gardienne du château et de la chapelle : « Telle qu’elle subsiste, sa structure romane voûtée en plein-cintre est caractéristique du début du XIIe siècle. Cependant les trois fenêtres assez étroites du chœur, avec leurs archivoltes monolithes gravées de faux claveaux, paraissent plus anciennes et pourraient dater la construction du XIe siècle, sinon du Xème s. ».
On serait donc très proche de l’époque où le château commence à jouer un rôle majeur dans l’organisation féodale du Forez. D’emblée, les seigneurs veulent offrir aux habitants qui gravitent autour du château, dans ou hors les murs, une église digne du culte divin et de leur propre grandeur. Faut-il voir là l’effet des attachements clunisiens de la famille ? C’est d’ailleurs le prieur de Sail qui nomme à la cure.
L’intérieur du bâtiment donne en effet l’impression d’un grand volume, qui tire le maximum de dimensions modestes. Le chœur ne fait qu’un avec l’abside semi-circulaire, sans rien qui marque le départ entre les murs parallèles (1,25 m de longueur) et courbes (2,50 m de rayon). Abside en cul-de-four sans doute, mais l’expression est mal adaptée à cet espace ouvert, que l’arc triomphal souligne sans le renfermer. Le chœur a pour ainsi dire la même largeur que la nef. La voûte de la nef s’élève très peu au-dessus de celle du chœur, ne laissant au-dessus de l’arc que l’espace d’une petite fenêtre qui éclaire le plein-cintre et accroît l’effet de hauteur. L’arc marque le passage d’un espace fonctionnel à un autre, mais aussi discrètement que possible, comme le fait au sol la différence d’un degré, ou la différence entre les dalles de granit de la nef des fidèles et les carreaux de terre cuite du sanctuaire des officiants.
Une seconde travée ajoutait primitivement à l’ampleur du bâtiment. Ruinée pour une cause inconnue, elle n’a pas été rebâtie : il en reste l’arc doubleau, qu’un mur de remplissage a transformé en élément décoratif de la nouvelle façade. Une porte gothique y a été ménagée.
Est-ce à la même époque, fin XVe début XVIe, qu’une petite chapelle de plan barlong, à croisée d’ogives, a été construite au midi de la première travée, en utilisant les deux contreforts de l’arc triomphal et de l’arc doubleau ? Une haute arcade en tiers point l’ouvre largement sur la nef. Les travaux ont révélé que les nervures avaient été refaites en briques à une époque récente (fin XIXe siècle ?), à la suite sans doute d’un effondrement. Mais elles sont bien assises sur les départs d’origine, en granit.
La forteresse montagnarde est délaissée au XVIe siècle. Le village se dépeuple et l’église perd son statut de paroisse. Simple chapelle, rattachée à la paroisse de Sail-sous-Couzan, elle disparaît des pouillés du XVIe siècle.
Plus heureuse néanmoins que le château, elle échappe à la ruine. La piété populaire la transforme en chapelle mariale. Les deux autels en bois peint qu’on y voit datent du XVIIIe s., et la statue en bois de la Vierge qui surmonte le maître-autel, « relativement fruste, paraît ancienne » à ceux qui ont eu le privilège de la voir sans le manteau qui l’enveloppe.
La réfection des enduits faisait espérer la découverte de peintures murales anciennes. La préparation du travail a été faite minutieusement, mais il ne semble pas qu’aucune des couches d’enduits de la chapelle ait jamais été couverte de peintures. Outre quelques traces inexploitables de rinceaux entourant des ouvertures, deux décors seulement ont été révélés et sauvegardés : au-dessus du bénitier posé contre le mur-pignon, une peinture représentant un vase de fleurs et une croix (ce qui confirme que l’effondrement de la seconde travée de nef est antérieur à ce décor datable du XVIIe s.) ; sur le mur nord, un bandeau d’environ 2 rn de long et 30 cm de haut, portant une inscription médiévale qui n’a pu encore être déchiffrée.
La chapelle abrite depuis quelques années une remarquable « pierre des dîmes », venue du château. C’est un cube de granit d’environ 50 cm d’arête, évidé. Il présente sur trois faces un visage grossièrement taillé, attachant exemple d’art naïf.
La Diana a reçu en legs le château et la chapelle de Couzan en 1932. Depuis plusieurs années elle s’emploie à consolider et mettre en valeur cet ensemble exceptionnel. Les travaux de la chapelle étaient devenus urgents, les toitures étant en très mauvais état depuis longtemps. Elles ont été entièrement refaites en tuiles creuses, traditionnelles en Forez, ainsi que les enduits intérieurs, très dégradés. Pour les travaux qui se sont achevés en janvier 2002, à l’exception de la menuiserie des fenêtres, qui est en cours, la Sauvegarde a accordé 8 385 € en 2000.
Ph.M.