Normandie, Calvados (14)
Rots, Chapelle Notre-Dame de l’Ortial
Édifice
Chapelle Notre-Dame de l’Ortial, au hameau dit la Chapelle. Cette chapelle a été inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 4 octobre 1932. Après avoir servi d’étable pendant une vingtaine d’années, elle est aujourd’hui en la possession de l’association pour la sauvegarde du patrimoine naturel, historique et artistique du Calvados par un bail emphytéotique de quarante-cinq ans conclu les 1er et 7 mars 1980. Voici ce que nous écrit au sujet de cet attachant monument Mademoiselle Françoise Mosser, directeur régional des Affaires culturelles : « Située à 800 m à l’ouest du bourg, en bordure de la Mue, la chapelle de l’Ortial était une dépendance de l’abbaye de Saint-Étienne de Caen. C’est un édifice sans transept construit en pierre calcaire du pays et d’une grande pureté de style. Elle est éclairée d’étroites lancettes. Les deux pignons sont ajourés de roses. Ces lancettes, ces roses, ainsi que les corniches, les rampants des pignons et les contreforts plats sont caractéristiques du style gothique normand de la seconde moitié du XIIIe s. Le clocher-arcade qui couronne le pignon occidental ajouré d’une baie en tiers-point est un des très rares exemples de ce type de clocher qui subsiste en Normandie. La porte nord est aussi un spécimen très pur du même style. Son archivolte est décorée de pointes de diamant. Les voussures retombent sur des chapiteaux à feuillage très stylisé. À l’intérieur, on voit à droite du sanctuaire une jolie piscine avec arcs jumelés. La charpente, qui est notoirement postérieure, est aux trois quarts ruinée… »
Monsieur Lucien Musset, notre collègue de l’université de Caen, a bien voulu nous fournir d’autres précisions : « Cette chapelle semble citée pour la première fois en 1291 sous le nom de chapelle de l’Ortiei. La forme actuelle ne s’est fixée qu’au XIXe s. On rattache habituellement ce nom au thème urticetum, lieu où poussent les orties… Elle est située dans le fond de la vallée de la Mue. Actuellement, elle est isolée dans un pré, en face d’une ferme assez modeste. Diverses procédures établissent qu’elle était jadis entourée de bâtiments. Ce n’était pourtant qu’une chapelle simple, dédiée à Notre-Dame, qui appartenait comme le bourg de Rots à l’abbaye de Saint-Ouen de Rouen. C’était un bénéfice à la présentation du seigneur du fief voisin, d’abord Renaud de Saint-Valéry, puis sa fille, dame de Vatteport… Les chapelains (dont on connaît les noms et la condition) jouissaient de revenus modestes. Ils affermaient les terres (principalement situées dans le pays de Caux), ainsi que les dîmes. Ils laissaient au fermier le soin de faire célébrer une messe annuelle avec sermon à la fête de La Trinité, en se bornant à lui remettre les ornements indispensables. L’archéologie renseigne mieux que les textes sur l’origine de l’Ortial. Elle remonte au moins au milieu du XIIe s. car l’édifice actuel comporte en remploi dans ses parties occidentales une demi-douzaine de fragments romans qui présentent le décor géométrique caractéristique de cette époque, et, parmi eux, les éléments d’une voussure ayant appartenu à une porte. L’édifice actuel est entièrement gothique, de la fin du XIIIe s. ou du début du XIVe s., peut-être du temps où la dame de Vatteport, citée en 1291, en possédait le patronage. Le plan est d’une grande simplicité : un vaisseau rectangulaire à chevet plat, non voûté, où l’on entre par une porte gothique ouverte dans le mur nord. La chapelle a deux travées de long, avec à chaque travée une fenêtre en tiers-point. Des roses ajourent les deux pignons. Sur le gable occidental s’élève un petit clocher-arcade réparé au XIXe s. Bien que la chapelle ait servi jusqu’en 1937 pour la famille qui la possédait, elle a subi peu de remaniements. Il n’y a plus de traces du mobilier ancien. En 1783, le chapelain remettait au fermier, pour la célébration de la messe annuelle, “un doublier blanc fin et tissu en œuvre de haute-lisse”… Au total, une chapelle modeste mais typique d’une catégorie d’édifices religieux devenue rare. Il ne s’agit pas, en effet, d’une chapelle de manoir seigneurial mais d’une chapelle annexe d’une église-mère, remontant à l’époque où la paroisse de Rots avait conservé sa structure quasi carolingienne, avec l’église-mère au centre et plusieurs chapelles sur la périphérie. On trouve d’autres exemples analogues dans le Livre des Jurés de Saint-Ouen de Rouen de 1291 (archives de la SeineMaritime, 14 H 17). »
Les photographies que nous publions montrent l’importance des travaux de réfection. Ils ont pu être entièrement réalisés grâce aux subventions suivantes :
E.P.R. 30 000 F
État. 24 116 F
Département 24 116 F
Association locale 39 000 F
Sauvegarde de l’Art français 38 000 F
TOTAL 156 332 F
Bibliographie. – A. DE CAUMONT, Statistique monumentale du Calvados, tome I, Caen, 1846, p. 336 et 337. – P. DE LONGEMARE, Étude sur le canton de Tilly-sur-Seule, Caen, 1907, p. 266.
J. H.