Normandie, Eure (27)
Mesnil-en-Ouche, Eglise de Pierre Ronde, Le Prix Trévise 2017: la fabuleuse histoire de Pierre-Ronde
Communication
L’association de sauvegarde de l’église de Pierre-Ronde, dans l’Eure, s’occupe depuis plus de vingt ans de la restauration de ce petit édifice perdu dans les prairies normandes. Un projet mené de façon exemplaire, que la Sauvegarde de l’Art Français a désiré récompenser par la remise du Prix Trévise, d’un montant de 5 000 €.
Frédéric Epaud, président et fondateur de l’association, chercheur au CNRS, a accepté de répondre à nos questions.
Comment est né le projet de restauration de l’église de Pierre Ronde ?
« C’était en 1992. J’ai découvert au hasard d’une promenade l’église en ruine. Les toits étaient crevés et son état était tel qu’elle apparaissait comme ruinée, même sur les cartes ! Cette église m’a tout de suite plu et j’ai recherché le propriétaire. Je me suis renseigné auprès de la mairie, j’ai mené une enquête mais personne ne semblait connaître le possesseur de la chapelle.
L’église en 1993
J’avais 20 ans et je voulais faire quelque chose pour cette église. Elle se dégradait très vite à cause des trous béants des couvertures. Alors, avec quelques amis, nous avons pris sur nous de recouvrir le toit avec des bâches, pour la protéger en attendant mieux.
Puisque le propriétaire n’était manifestement pas intéressé par cette église, je pensais qu’il fallait qu’elle retombe dans le domaine public (elle avait été vendue par la commune dans les années 60). Cela nous permettrait de toucher des subventions et de monter des chantiers de bénévoles, de créer une association.
Mais pour cela, il fallait retrouver le propriétaire. Je n’avais qu’un nom. J’ai pris l’annuaire et téléphoné à tous ceux qui portaient ce nom dans toute la France. Ce fut très long, mais j’ai eu la chance de tomber sur le fils de l’ancien propriétaire, qui lui était mort depuis plusieurs années dans des conditions misérables à Paris. Il laissait des dettes et cette chapelle. Le fils, enthousiasmé par notre projet, a accepté de toucher l’héritage et de vendre la chapelle. Mais il fallait encore convaincre la mairie de l’acheter ! Elle possédait déjà une église, elle avait elle-même vendu Pierre-Ronde car elle ne servait pas. Il a fallut convaincre le conseil municipal de l’intérêt de ce projet.
Finalement c’est grâce à Mademoiselle Roux, qui était maire à l’époque, que la transaction a pu s’effectuer. Elle a elle-même fait don à la commune de la somme de 5 000 frs qui permettait de la racheter. A partir de ce moment-là, tout a été très vite. L’association a été créée, et un premier chantier de bénévoles a été organisé dès 1994. »
L’église en 2008
Et comment fonctionne votre projet de restauration ?
« Nous travaillons essentiellement avec des bénévoles, que nous recrutons par le bouche à oreille. Il s’agit d’étudiants en histoire de l’art, en architecture, en archéologie ou autre, qui viennent de Rouen, Tours, Rennes ou Paris. Ceux qui ont participé aux chantiers sont revenus et ont souvent ramené des amis avec eux. Parfois, si besoin en était, nous faisions des appels à l’université, où j’enseigne.
D’un point de vue financier, les chantiers ont tous été financés par la Direction régionale et départementale de la Jeunesse et des sports d’une part et par la Conservation régionale des Monuments historiques d’autre part, dans le cadre des chantiers de jeunes bénévoles. L’église n’est pas protégée, nous n’avons pas eu d’autres subventions mais celles-ci ont été suffisantes pendant des années car nous travaillons par petites étapes, nous-mêmes et n’avions que peu de frais de matériaux.
La commune ne participait pas, au début. C’était une des conditions du rachat de l’église : l’association devenait maître d’œuvre pour tous travaux de restauration et d’entretien pour un bail de 15 ans et en avait la responsabilité entière.
Mais depuis quelques temps, la commune a décidé de nous offrir le gîte, ce qui est précieux car c’est très coûteux pour nous.
Nous avons commencé par nous occuper des urgences : la couverture, les charpentes, puis les maçonneries, le clocher en essentes…, Maintenant nous nous attaquons à l’intérieur, ce qui nécessite l’intervention d’une restauratrice en peintures murales. »
Comment avez-vous accueilli la nouvelle du prix Trévise ?
« Nous en avons été enchantés ! Nous y avons vu la reconnaissance de notre travail. Depuis le début, nous souhaitons faire une restauration de qualité, respectueuse des matériaux anciens, appuyée sur une étude rigoureuse de l’édifice, d’un point de vue historique, archéologique et technique.
La dimension pédagogique de notre projet est aussi très importante pour nous. En plus de de la restauration de l’église, nous avons réaménagé l’environnement immédiat en plantant des pommiers et des haies. Beaucoup de jeunes que nous accueillons sont devenus des personnalités dans le milieu du patrimoine culturel : trois sont devenus ingénieurs des Monuments Historiques, un conservateur, deux architectes du patrimoine et bien d’autres artisans.
Cette reconnaissance est d’autant plus précieuse que nous avons appris que cette année, la DRAC a décidé de ne plus financer les chantiers de bénévoles sur des édifices non protégés. C’est très ennuyeux pour nous, et le prix Trévise est aussi précieux d’un point de vue financier, pour nous aider à continuer. »
Le prix Trévise a été remis officiellement à l’association de sauvegarde de l’église de Pierre-Ronde en juin 2017.
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