Centre-Val de Loire, Indre-et-Loire (37)
Preuilly-sur-Claise, Chapelle de Tous-les-Saints
Édifice
La chapelle de Tous-les-Saints se trouve à l’écart du bourg ancien, en bordure de la route menant au Grand-Pressigny et à l’angle d’une parcelle utilisée comme cimetière jusqu’au début du XXe siècle. Comme son vocable le laisse aussi supposer, elle servit de « chapelle des morts », accueillant les défunts des paroisses voisines pour le service funèbre, avant leur mise en terre. On y célébrait encore la messe le jour de la Toussaint avant la Première Guerre mondiale.
L’édifice, de taille modeste, remonte à la seconde moitié, voire à la fin du XVe siècle. A vaisseau unique et chevet plat, il est renforcé aux angles par des contreforts implantés en biais. Sa toiture de tuiles est coiffée d’un clocheton en charpente couvert en ardoise. Trois fenêtres éclairent l’intérieur ; celle du chevet se distingue par ses deux lancettes trilobées et son réseau flamboyant.
La façade occidentale s’ouvrait à l’origine par une porte en arc brisé semblable à la porte actuelle. Comme l’indique la date gravée sur la clé de son arc surbaissé, une seconde porte fut percée en 1682 dans le mur gouttereau sud, mettant la chapelle en communication directe avec le cimetière.
L’intérieur de l’édifice est couvert d’une voûte en berceau lambrissé, restaurée en 1849 par l’architecte diocésain Gustave Guérin. Les planches, maintenues par des couvre-joints, portent un décor ornemental de bandes peintes délimitées par des filets. D’inspiration végétale ou géométrique, les motifs qui les garnissent ont été exécutés au pochoir. La peinture, à la détrempe, met en œuvre des pigments en nombre limité : ocre jaune, ocre rouge, noir de fumée et blanc de chaux. Ces caractéristiques techniques s’observent également dans les peintures qui recouvrent en partie les murs nord, est et sud, qui font tout l’intérêt de la chapelle.
Elles illustrent en effet un thème iconographique et littéraire répandu dans la chrétienté occidentale à partir du XVe siècle : la danse macabre, reflet des préoccupations d’une époque où la mort est omniprésente. En France, la première représentation peinte apparaît en 1424 sur les murs du charnier du cimetière des Saints-Innocents à Paris, détruit en 1669. Elle est gravée sur bois et reproduite sur papier dès 1485 par l’éditeur parisien Guyot Marchant. La « danse des morts » y est subdivisée en tableaux mettant en scène des personnages réunis deux à deux. Figurée sous la forme d’un squelette décharné, la Mort entraîne dans chacun des couples le second personnage représentatif de l’une des couches de la société, de la plus puissante à la plus humble, qu’elle soit religieuse ou civile. Chaque sujet ainsi illustré est accompagné d’un texte en vers français rimés, comprenant le discours tenu par la Mort au personnage dont elle se saisit, et la réponse reçue en retour. D’autres éditions, augmentées de personnages supplémentaires, suivent celle de 1485. En 1486 est notamment publiée une nouvelle planche représentant quatre morts formant un orchestre. La même année paraît aussi pour la première fois une danse macabre de femmes, jusqu’alors ignorées des représentations. Femmes et hommes sont enfin réunis dans trois impressions distinctes, successivement éditées au cours du XVIe siècle.
Or, la peinture de Preuilly, qui reproduit, sur le mur du chevet, l’orchestre connu par la gravure de 1486, offre la particularité, peu courante, de comporter à la fois une danse d’hommes (mur nord) et une danse de femmes (chevet, mur sud). Son exécution doit donc se placer à l’extrême fin du XVe s. ou, plus probablement, au siècle suivant. Elle s’organise en panneaux comprenant deux ou quatre personnages, selon le principe précédemment exposé. Un badigeon blanc recouvre uniformément les fonds. Les dix-huit scènes conservées incorporent les vers mentionnés plus haut, rédigés en écriture gothique. Elles sont encadrées par des bandes jaunes soulignées de filets rouges et rehaussées, par endroits, d’un motif décoratif végétal de couleur noire, aussi présent sur la voûte lambrissée.
L’ensemble a été endommagé par un piquetage systématique de sa surface, entrepris en préalable à la pose d’un enduit qui l’a intégralement recouvert. Puis l’abandon de la chapelle au XXe s. et l’inertie de la municipalité, devenue propriétaire, ont accéléré sa dégradation. Ayant depuis longtemps cessé d’être entretenu, l’édifice échappe de peu à la démolition en 1955, après l’effondrement de son pignon ouest. Il est provisoirement sauvé par un particulier qui en fait l’acquisition en 1962 et réalise des travaux d’urgence l’année suivante. La reconstruction de la façade principale est menée à bien en 1977 par ses héritiers qui, faute de moyens, en rétrocèdent la propriété à la commune en 2001. Devant l’état de péril de la chapelle, celle-ci engage enfin une première tranche de travaux en 2017. La maçonnerie est consolidée, la charpente réparée, la couverture refaite à neuf et la voûte lambrissée restaurée. Cette opération, qui a assuré la mise hors d’eau et la stabilité du monument, a bénéficié du soutien financier de la Sauvegarde de l’Art français à hauteur de 21 000 €. Il faut désormais espérer que les travaux puissent se poursuivre et aboutir à la restauration des peintures murales.
Lydiane Gueit-Montchal et Gilles Blieck
Bibliographie :
Arch. dép. Indre-et-Loire, G 923 ; 29 J 570 ; 1061 W 56.
J.-J. Champollion-Figeac, « Notice d’une édition de la Danse macabre, antérieure à celle de 1848 et inconnue aux bibliographes », Le Magasin encyclopédique, déc. 1811, p. 355-369 (tiré à part, Paris, 1811, réimpr., Paris 2018).
A.-M. Reigneaud-Bauchet et B. Walter, « La danse macabre de la chapelle de Tous-les-Saints à Preuilly », Les Cahiers de la Poterne, n° 31, 2003, p. 15-21.
A. et N. Duthie, S. Walter et S. Brand, « Sauvons la chapelle de Tous-les-Saints et sa Danse macabre », Les Cahiers de la Poterne, n° 39, 2013, p. 7-26 (et tiré à part non paginé).
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