Bretagne, Côtes-d’Armor (22)
Ploulec’h, Chapelle Saint-Herbot
Édifice
La chapelle Saint-Herbot est l’une des deux chapelles de la commune de Ploulec’h, située à deux kilomètres du bourg, au sud-ouest de Lannion, au-dessus de la vallée où coule le ruisseau de Pontol, sous-affluent du Léguer. Elle est dédiée à saint Herbot, ermite breton qui serait venu de Grande-Bretagne au vie s., et qui est tenu pour protéger les bêtes à cornes. Son culte est répandu dans toute la Basse-Bretagne, à partir du village qui porte son nom, et qui conserve son tombeau (commune de Plonévez-du-Faou, Finistère).
La chapelle de Ploulec’h est loin d’avoir l’importance de son homonyme finistérienne, mais elle présente un grand intérêt comme témoin de la seconde Renaissance dans le Trégor. Elle s’élève dans un placitre rectangulaire délimité par un mur de clôture, qui a été restauré en 2008, ouvert par deux échaliers peut-être pour empêcher l’accès des animaux ; cependant, le mur est interrompu du côté de la route, de l’autre côté se dresse une croix, juste en face de la porte axiale. Une tradition rapporte qu’un cimetière aurait existé dans l’enclos.
La chapelle passe pour avoir été bâtie à la fin du xve s., comme le porterait à croire une inscription sur le mur sud qui porte la date de 1491. Elle est construite en granit et en schiste, selon un plan rectangulaire de modestes dimensions (10 m sur 7). En 1569, selon une date inscrite sur le clocher, la façade occidentale a été reconstruite, probablement par un maître d’œuvre inspiré par l’architecte Jean Le Taillanter : on retrouve en effet des éléments d’un style analogue dans la paroisse voisine, à Ploubezre (église Saint-Pierre et Saint-Paul, 1577) et, plus loin, dans le Trégor finistérien, à Plougasnou (église Saint-Pierre, 1582), édifices dus à Le Taillanter. Ici, la réalisation est moins élaborée, la sculpture ornementale plus fruste. Au xviie s., lors d’une dernière campagne de travaux, des fenêtres en plein cintre auraient été ouvertes dans les parties hautes des murs nord et sud.
Le contraste est frappant entre la simplicité – même la pauvreté – de la nef et l’originalité de la façade ouest. La nef, qui se termine à l’est par un chevet plat aveugle, a été construite en pierres de granit en moyen appareil, tandis que la longère sud est en grande partie constituée de schiste ou de tuf (l’inscription de 1491 a été sculptée dans le schiste). Le rampant du pignon oriental est constitué d’assises en sifflet ; il se termine au sud par une crossette représentant un animal (sans doute un chien) de style gothique. Le massif occidental, au contraire, est en moyen et grand appareil de granit, de construction très soignée. Le portail en plein cintre est encadré de colonnes et surmonté d’un fronton triangulaire (qu’on retrouve au porche ouest de l’église de Ploubezre). Le clocher carré, construit sur le mur de façade, est cantonné au sud d’une tour dans laquelle un escalier en vis débouche sur une passerelle donnant accès à la plate-forme du clocher. Au quart de la hauteur de cette tour, l’escalier desservait une tribune aujourd’hui disparue, dont il ne reste, à l’intérieur de l’édifice, que les corbeaux qui la soutenaient et la porte d’accès. La tribune était éclairée par une lucarne architecturée de style Renaissance qui rappelle, par son emplacement, celle de l’église de Plougasnou (où elle éclaire le bas-côté et non une tribune).
Cette discordance entre la nef et la façade Renaissance, ainsi que la mise au jour d’éléments de colonnes, lors de la réfection du mur de l’enclos, laisse supposer que l’histoire de cet édifice n’est pas celle qui a été admise jusqu’à ce jour. Il n’est guère pensable qu’un seigneur local, en l’occurrence le seigneur de Lezenor, dont le manoir était tout proche, et dont, selon toute vraisemblance, les armes figurent sur l’écusson presque effacé au portail occidental, ait entrepris une construction somptuaire pour cacher cette modeste chapelle. Il est probable qu’un édifice de qualité (avec bas-côté[s] et tribune) et de plus grandes dimensions existait depuis le xve s., qu’il a été orné d’une façade dans le goût de la Renaissance en 1569, puis a été ravagé (peut-être lors des guerres de la Ligue, dans la dernière décennie du xvie s.), avant d’être reconstruit à moindres frais au xviie ou au xviiie siècle − avec remploi de pierres − d’origine, dont l’inscription sur schiste et la crossette médiévale.
La restauration entreprise ces dernières années a porté sur l’intérieur de l’édifice : voûte lambrissée refaite, entraits consolidés, dallage en pierre.
Le mobilier est fort modeste : un autel et une clôture de chœur en bois ciré (fin du xixe s.), quelques statuettes de style Saint-Sulpice (Notre-Dame de Lourdes, saint Joseph, Immaculée Conception), un candélabre sur pied en métal ; plus intéressant est le grand tableau représentant saint Herbot bénissant des animaux, signé par le peintre Joseph Gouézou, et daté de Saint-Brieuc en 1841. En revanche, la statue de saint Herbot, en bois polychrome, a déserté la chapelle : elle est abritée, depuis plusieurs décennies, dans l’église paroissiale.
La Sauvegarde de l’Art français a contribué au financement de la restauration de la voûte lambrissée par un don de 4 000 € en 2008.
Tanguy Daniel