Île-de-France, Paris (75)
Paris, église Saint-Vincent-de-Paul, L’adoration des Bergers
Mobilier
Mathilde Descamps-Duval, Sofia Barilari, Margot Lecocq et Margaux Halet, étudiantes à La Sorbonne, ont participé au sauvetage d’une toile marouflée conservée dans l’église Saint-Vincent-de-Paul à Paris (75).
La commande
La commande passée en 1881 par la ville de Paris pour la réalisation d’un ensemble exceptionnel de huit peintures afin d’orner la chapelle de la Vierge était initialement revenue à Ernest Hébert (1817-1908). Pour des raisons encore inconnues, ce dernier n’avait pas pu tenir son engagement et, à la demande du curé de l’église Saint-Vincent- de-Paul, le décor mural avait finalement été confié à William Bouguereau (1825-1905).
Élève de François Édouard Picot (1786-1868) peintre néo-classique, il a remporté le Prix de Rome en 1850 et est devenu académicien en 1876. Surtout réputé pour ses nus et ses œuvres religieuses, il enseigna également à l’Académie Julian. Le budget alloué à Bouguereau pour ce projet s’élevait à 48 000 francs or, et les quatre premières toiles devaient être livrées pour le mois d’octobre 1885. Dès 1881, le peintre se met au travail et réalise une série de dessins préparatoires à grandeur d’exécution, qu’il soumet à Adolphe Alphand (1817-1891), siégeant à l’Académie des beaux- arts.
L’oeuvre
Premier panneau de ce cycle représentant des épisodes de la vie de la Vierge, L’Adoration des bergers est aussi celui dont l’état de conservation nécessite une intervention prioritaire. Cette huile sur toile marouflée, peinte par Bouguereau entre 1881 et 1884 a été exposée à l’occasion du Salon de 1885 aux côtés de L’Adoration des mages. Elle dépeint le moment où, les bergers, informés de la naissance du Christ par un ange, se rendent à Bethléem pour adorer l’Enfant Jésus avant de partir chanter ses louanges. Dans ce grand format au cadrage resserré, le peintre montre la Vierge Marie, Joseph ainsi que les bergers penchés au-dessus du berceau du nouveau-né. Une tendresse se dégage de cette scène qui prend place dans une étable baignée d’une lumière chaleureuse, et où de petits agneaux sont également représentés.
Sous la Troisième République (1870-1940) la commande publique est en effervescence et s’enracine dans une longue tradition académique, dont Bouguereau est l’un des représentants majeurs de son temps. Cependant, la seconde moitié du XIXe siècle coïncide également avec un basculement progressif de la hiérarchie des genres : la peinture religieuse autrefois noble, est reléguée comme simple scène de genre. Et cela, non sans lien avec la laïcisation du régime enplace, qui aboutira en 1905 à la séparation de l’Église et de l’État. Bouguereau, qui avait pour habitude lors du Salon annuel, d’exposer, à la fois une peinture à sujet mythologique et une peinture à sujet religieux, obtient une médaille d’honneur pour ce diptyque sur le thème de l’Adoration, non sans susciter la controverse. La critique s’est en effet montrée réservée quant à l’aspect novateur dans le choix du sujet et dans le rendu de ces deux toiles à un moment où, l’Impressionnisme existe déjà. C’est finalement à l’issue de ce Salon que L’Adoration des bergers a été minutieusement marouflée sur l’un des murs de fond de la chapelle. De nos jours, ces œuvres constituent de véritables témoins de ce qu’était la peinture religieuse en France dans le dernier quart du XIXe siècle.
Une restauration nécéssaire
Malheureusement, l’état de conservation de ces peintures devenait extrêmement préoccupant : elles restaient visuellement très sombres et présentaient noircissements et jaunissements. Depuis leur mise en place au XIXe siècle, ces toiles avaient subi une forte exposition prolongée à l’humidité, mais aussi aux fumées et à la chaleur émanant des cierges placés en contrebas. Dès le XXesiècle, deux campagnes de restauration avaient été menées, puisque les peintures étaient déjà largement dégradées. La première eut lieu en 1911, suivie d’une seconde en 1954. Toutes deux avaient consisté en des lessivages ainsi que des retouches au niveau des vernis. Une rénovation totale de la toiture en cuivre de la chapelle, menée par la ville de Paris , a permis d’écarter considérablement le risque de dommages futurs et de garantir la pérennité de la restauration du tableau.