Nouvelle-Aquitaine, Creuse (23)
Nouzerines, Église Saint-Clair
Édifice
Église Saint-Clair. Nouzerines était un prieuré de la grande abbaye de Déols, proche de Châteauroux. Fondé probablement vers la fin du XIe s. et mentionné par des chartes en 1192, 1201 et 1285, il appartenait à l’ancien archiprêtré d’Anzême. Bernard Gui, dominicain originaire du Limousin, né en 1261 ou 1262, qui deviendrait inquisiteur au siège de Toulouse en 1307, a écrit un volumineux Speculum sanctorale (le Miroir des saints) dans lequel il nous apprend que, de son temps, l’église était dédiée à saint Clérence, l’un des Saints Innocents.
Elle comportait une nef à collatéraux étroits, un transept débordant pourvu d’une absidiole sur chaque bras, qu’un clocher carré surmontait à la croisée, et un chœur terminé par une abside. La porte ouvrant sur le cloître disparu, dans le mur ouest du croisillon nord, laisse à penser que l’édifice actuel avait été commencé dans la seconde moitié du XIe siècle. Il fut terminé au début du suivant. Mais cette belle église, une des plus remarquables de la Creuse septentrionale, a terriblement souffert du temps et du vandalisme. Elle a, en particulier, perdu anciennement sa triple nef, remplacée au XIXe s. par une autre en style néo-roman honnête mais assez terne, qui tente de ressusciter avec une exactitude toute relative la partie détruite sans la faire oublier.
Ce qui reste de médiéval se compose donc uniquement du transept et du sanctuaire mais, là encore, modifications anciennes fâcheuses et restaurations indigentes pèsent sur l’édifice roman. De la nef disparue ne subsistent que les arcs doubleaux orientaux en plein cintre de la dernière travée des collatéraux, d’une largeur inférieure à 75 cm, et celui de la nef centrale, large de 5,92 mètres. Ils sont séparés par deux piles carrées qui n’offrent de colonne engagée que sur deux faces : celle qui soutient le doubleau occidental de la croisée et celle qui supporte, du côté ouest, les doubleaux qui ouvrent sur les croisillons. Deux chapiteaux romans sont restés en place. Cette croisée présente en plan un trapèze qui s’évase en direction du chœur. Le croisillon nord a été abusivement repris au XIXe s. et a perdu, de ce fait, une bonne part de son authenticité, comme l’absidiole qui ouvre dans son mur oriental. Celui du midi est mieux conservé, avec son absidiole presque intacte, qu’une cloison tardive a isolée pour servir de sacristie. Un petit retable de bois du XVIIIe siècle lui est adossé. Les croisillons ont des berceaux refaits. La croisée supporte une coupole octogonale de plan barlong où subsistent deux trompes maladroites, mais il semble, selon certains témoignages, qu’une coupole ancienne située un peu plus haut ait laissé des vestiges. La souche quadrangulaire du clocher a été reprise.
Le doubleau oriental qui ouvre sur le sanctuaire a été refait comme les piédroits qui le soutiennent. La première travée du chœur est presque carrée sous un berceau reconstruit. De chaque côté, une fenêtre romane cantonnée de colonnettes l’éclaire au nord et au midi, mais ces baies ont été modifiées sans bonheur avec des encadrements de brique et une longue lézarde menace la paroi nord. On accède à l’abside plus étroite par un arc en plein cintre sur dosserets, anciennement refaits, probablement en même temps que le cul-de-four qu’aucun bandeau ne souligne. La fenêtre d’axe a été modifiée.
Les dispositions des ouvertures entre chœur et absidiole sud laissent à penser qu’il y avait des secretaria, petites pièces basses de plan quadrangulaire intercalées en cet endroit. Ces dispositions originales apparaissent dans un certain nombre de prieurés de Déols : en Berry, il s’en conserve, aujourd’hui dans l’Indre, à Bommiers (qui relevait de Déols en 1115) et Champillet notamment, et dans le Cher, à Lignières et Saint-Hilaire-en-Lignières, Le Châtelet, Saint-Martin-d’Ineuil. À Notre-Dame-du-Chapitre de Châteaumeillant, ils ont été remplacés un peu plus tard par des absidioles. Dans la Creuse, il en existait à Maisonfeyne, selon Lacrocq. On en voit encore à Malval, qui présente avec Nouzerines bien des similitudes, alors même qu’elle relevait de la grande abbaye de Chambon-sur-Voueize depuis 1038.
À l’extérieur, outre la porte du cloître, conservée intacte dans un croisillon très refait avec son unique voussure en plein cintre sans imposte et sans archivolte, ce qu’il y a de plus authentique est la partie orientale de l’église : l’absidiole sud, avec deux contreforts plats encadrant une fenêtre romane intacte à claveaux minces, et l’abside, où une corniche à grosses billettes scande l’hémicycle.
Une élégante corniche à tablettes chanfreinées et modillons sculptés « cubistes » de facture archaïque souligne la base de la toiture en tuiles plates. L’absidiole nord a été plus touchée par les restaurations, mais l’ensemble conserve un grand charme. Il a été signalé que la toiture actuelle n’était pas primitive, des traces de solins sous les combles témoignant de l’existence antérieure d’une couverture plus basse. De même, a été repris le soubassement en pierre du clocher, actuellement de hauteur faible et portant une jupe et une flèche refaites depuis peu en ardoise, mais qui étaient probablement en bardeaux dans un état plus ancien.
Le mobilier de l’église est intéressant. Le maître-autel en bois doré, avec tabernacle orné d’un pélican sur sa porte, perpétue au début du XIXe s. les traditions décoratives du XVIIIe. L’église conserve plusieurs saints polychromes, une Vierge dans l’esprit du XVIIIe et une autre, en bois doré, du XIXe. Les peintures du cul-de-four, où figurent Dieu le Père, un ange, des étoiles, sont exécutées dans un style médiocre.
Pour la restauration du clocher et de la nef, la Sauvegarde de l’Art français a accordé un don de 9 000 € en 2011.
Pierre Dubourg-Noves
Bibliographie :
- Lacrocq, Les églises de France. Creuse, Paris, 1934, p. 114.
Légende dorée du Limousin : les saints de la Haute-Vienne, Limoges, 1993 (Cahiers du Patrimoine, 36).
- Mingaud, Églises de la Creuse, 87610 Saint-Paul, 2006, p. 180.