Normandie, Seine-Maritime (76)
Neuf-Marché, Église Saint-Pierre-aux-Liens
Édifice
Importante position stratégique sur la frontière franco-normande, Neuf-Marché possédait dès le XIe s. un château, propriété de la puissante famille de Grand mesnil. En 1160, un concile s’y déroula pour trancher entre les papes Alexandre III et Victor III, et se prononça en faveur d’Alexandre III. Les Grandmesnil, au milieu du XIe s., détenaient la moitié du patronage d’une église Saint-Pierre qu’Orderic Vital qualifie de monasterium et dont le service était assuré par quatre chanoines. Vers 1070-1080, Hugues de Grandmesnil les remplaça par des bénédictins venus de son abbaye de Saint-Évroul-en-Ouche. Ainsi se constitua un prieuré dont l’église fut partagée par les paroissiens jusqu’à la Révolution. Vers 1128, Guillaume de Roumare porta le nombre des moines à sept, ce qui fut l’occasion, selon Orderic Vital, de reconstruire le chœur de l’église. Ce chevet constitue, avec le transept, la partie la plus intéressante et la plus belle de l’édifice. Lucien Musset a bien marqué son originalité en plan comme en élévation : « A la naissance du transept s’observent d’abord, à droite et à gauche des piles supportant la tour centrale, des passages « berrichons » dont on ne retrouve en Normandie d’équivalent qu’à Saint-Généri-le-Gérei. La croisée est constituée par quatre grands arcs en plein centre non moulurés. Les croisillon s sont peu profonds mais élevés ; celui de gauche contient un escalier qui montait jadis au dortoir des moines, situé dans un bâtiment qui le prolongeait… Le chœur a une travée droite voûtée en berceau, puis une abside coiffée d’un cul-defour. Ce chœur est flanqué de deux chapelles à chevet plat, longues d’une travée et voûtées en croisées d’arêtes, qui communiquent avec le vaisseau principal par de petits arcs brisés retombant sur des tailloirs romans moulurés ». La nef unique, couverte d’une charpente carénée, a subi en 1867- 1868 une lourde restauration aggravée par une remise en état peu discrète après le bombardement de 1944. Le mur sud a été entièrement refait au XIXe s. ; celui du nord, ancien, a gardé trois fenêtres d’origine. A l’extérieur, sur une haute base de petit appareil en silex, dessinant un opus spicatum irrégulier, les croisillons, les chapelles et l’abside ont des murs de belle pierre de taille. La tour centrale carrée est réduite à un moignon. L’ancienne façade ouest possédait un décor sculpté de qualité dont le portail, déjà très mutilé du temps de l’abbé Cochet, était flanqué de colon net tes supportant une voussure en plein centre ornée de feuillages ; le tympan représentait un homme mettant sa main dans la gueule d’un lion et un Agnus Dei. Trois fragments subsistent, remployés à l’intérieur de l’église. André Lapeyre les a replacés dans un contexte plus proche de Beauvais que de Rouen. La commune a entrepris la réfection complète de la couverture, à laquelle se sont ajoutés quelques travaux de maçonnerie sur le transept et le chevet. La Sauvegarde de l’Art Français y a participé par une subvention de 120 000 F en 1994.
E. C.