Centre-Val de Loire, Cher (18)
Morogues, Église Saint-Symphorien
Édifice
L’église Saint-Symphorien de Morogues mérite beaucoup d’attention, non seulement par son architecture, mais surtout par le riche mobilier qu’elle contient.
Bâtie sur un coteau, au versant de la vallée du Collin, construite en moellons et parpaings de grès sombre d’origine locale, elle présente un aspect général assez homogène. Longue de 45 m, elle comprend une nef rectangulaire qui s’ouvre par une arcade brisée sur un chœur fermé à l’est par une abside à trois pans et à l’ouest par une forte tour surmontée à l’origine d’une haute flèche de charpente, remplacée après la Révolution par une toiture en pavillon. De part et d’autre de l’entrée du chœur, deux chapelles latérales plus tardives donnent l’illusion d’un transept.
Les éléments de datation ne sont pas nombreux. La nef est couverte d’une charpente assez légère, aux entraits apparents, sans arbalétriers ; elle est entièrement couverte d’un enduit de plâtre sur lattis et prend, à hauteur des chapelles latérales, un faux air de croisée de transept, simulée par deux baguettes de bois entrecroisées. Ce travail, dans son aspect actuel remonte à la période 1880-1885, mais la présence dans la première travée de la nef de deux colonnes engagées symétriques de celles de l’arc d’entrée du chœur, suggère que, initialement, on avait eu l’idée de placer là une voûte sur croisée d’ogives pour soutenir un clocher.
Le chœur a, par contre, conservé une belle voûte de pierre à six voûtains, dont les nervures se rejoignent à la clé autour d’un médaillon sculpté de la figure d’un Dieu le Père, pièce rapportée en 1882, comme l’indique une inscription au revers. Elles retombent aux angles des pans sur des culs-de-lampe en forme de têtes. L’arc doubleau de l’entrée repose, par l’intermédiaire de tailloirs épais, sur des colonnettes aux chapiteaux à crochets. Ces détails suggèrent pour la nef et le chœur la fin du XIIIe siècle ; les fenêtres en lancettes sous un arc brisé ne démentent pas cette datation.
La tour occidentale, ouvrage solide, soigné et même savant, paracheva l’édifice (début XIVe s. ?). Sur une base carrée, articulée sur les murs gouttereaux de la nef par des contreforts renforcés, son rez-de-chaussée ouvre directement et de toute sa hauteur sur le volume intérieur, sans qu’il y ait trace d’un mur de façade. Il est couvert d’une forte voûte sur croisée d’ogives, percée en son centre d’un grand oculus destiné à la sonnerie des cloches. En porte à faux sur les reins de la voûte s’élèvent sur trois niveaux, chacun en léger retrait, les pans d’un clocher octogone. Le passage du carré à l’octogone s’opère à l’extérieur par l’intermédiaire de pyramides engagées, hautes et pointues, articulées avec le sommet des contreforts d’angle du rez-de-chaussée. Celui-ci s’ouvre à l’ouest par une porte, malheureusement refaite vers 1870 en style pseudo-roman. Telle se présente cette pièce d’architecture fort originale.
L’église de Morogues possède un mobilier usuel dont la plupart des objets sont inscrits à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques (arrêté préfectoral du 1er mars 1977 : boiseries XVIIIe s. du chœur accompagnées de petits reliquaires et de petites statues, autel-tombeau, confessionnal, tabourets, crucifix d’ivoire, etc.), auxquels il faut ajouter deux inscriptions funéraires, la cuve de pierre décorée des fonts baptismaux et de grandes peintures du XIXe s. en mauvais état.
On y remarque surtout des œuvres d’art d’un extrême intérêt, qui passent, par tradition mais non sans vraisemblance, pour provenir de la Sainte-Chapelle de Bourges, lors de la destruction de ce monument insigne à partir de 1757. Le curé de Morogues, sans doute encouragé par le chanoine Jean-Baptiste Agard des Tureaux, doyen du chapitre cathédral et membre de la famille des seigneurs de Morogues, aurait fait l’acquisition des pièces suivantes, qui se rapportent à des dates diverses du XVe s., toutes classées au titre des M.H. : banc d’œuvre en bois de chêne ouvragé, haut de près de 5 m, dont le triple dais est surmonté de trois flèches pyramidales, découpées à jour et abondamment ornées de tous les motifs décoratifs du style flamboyant ; grand Christ en Croix en bois polychrome d’une facture remarquable ; statue en pierre polychrome d’un gentilhomme, faussement identifié à saint Symphorien ; statue en pierre polychrome de saint Jean-Baptiste ; statue en pierre polychrome de Vierge à l’Enfant. Cet ensemble exceptionnel, dans un état satisfaisant de conservation, mériterait certainement des efforts renouvelés de mise en valeur.
La municipalité de Morogues, qui dans un passé récent avait déjà procédé à la réfection de la couverture d’ardoises et au ravalement extérieur de l’édifice, a fait effectuer en 2001 des travaux sur la voûte et les murs du chœur pour assurer notamment la sécurité et la protection du mobilier précieux de l’église, travaux auxquels la Sauvegarde de l’Art français a contribué pour 6 098 € ; ils ont accessoirement révélé sous l’enduit du chœur des traces de peintures murales (litre funéraire, croix de consécration, silhouette aux traits de saint Pierre).
J.-Y. R.
Bibliographie :
A. Buhot de Kersers, Histoire et statistique monumentale du département du Cher, t. I, Paris, 1875, p. 27-30.
Fr. Deshoulières, Les églises de France. Cher, Paris, 1932, p.178-179.