Centre-Val de Loire, Loiret (45)
Montbarrois, Église Saint-Martin-et-Saint-Bond
Édifice
L’Église Saint-Martin-et-Saint-Bond relevait au XVIIIe s. du diocèse de Sens, dont l’archevêque possédait le droit de nommer à la cure. Les vastes proportions qu’elle avait alors atteintes révèlent l’importance passée de la paroisse, sans commune mesure avec celle du village d’aujourd’hui.
L’édifice actuel résulte d’une longue histoire. La partie la plus ancienne est la nef, dont le mur sud conserve deux petites fenêtres hautes en plein cintre et à claveaux étroits et, en partie basse, des assises en arêtes-de-poisson, datables du XIe s. au plus tard. Comme l’atteste la corniche d’origine, intégrée dans la maçonnerie, ce mur a été ensuite rehaussé. Trois fenêtres basses ont également été percées de part et d’autre des baies romanes à des époques différentes, comprises entre le XIIIe et le XVIe siècle.
L’élévation de la façade nord de l’église est, en revanche, homogène. Rythmée par trois contreforts et quatre fenêtres en arc brisé et à double ébrasement concave, elle résulte de l’ajout d’un collatéral à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle. Sa construction a entraîné la démolition intégrale du mur gouttereau de la nef romane. Il communique avec la nef par l’intermédiaire de quatre grandes arcades en arc brisé, dont la mouluration retombe en pénétration dans des piles rondes à base polygonale. L’amorce d’un arc doubleau au profil semi-circulaire s’observe sur chacune de ces piles, tant du côté de la nef qu’à l’intérieur du bas-côté, où des arcs formerets ont été simultanément lancés au-dessus des baies. Des voûtes d’ogives ont été, par conséquent, projetées. On y renonça finalement dans les deux cas, au profit de voûtes en berceau en plâtre sur lattis, laissant apparente une partie de la charpente. De curieux départs de doubleaux à profil rectangulaire furent entre-temps ajoutés au-dessus des piles dans le bas-côté, sans se raccorder harmonieusement aux amorces existantes. L’idée de voûter en maçonnerie cette partie de l’édifice ne fut donc définitivement abandonnée que dans un troisième temps.
Flanqué au sud par une tourelle d’escalier donnant accès aux combles, l’imposant clocher-porche qui précède la nef à l’ouest est épaulé jusqu’au faîte par des contreforts à angles droits et à retraites successives formant autant de glacis. Son origine paraît ancienne et il pourrait remonter au XIIe ou au début du XIIIe siècle. Cependant, le rez-de-chaussée a été intégralement repris en sous-œuvre à l’occasion des travaux qui ont abouti à la création de l’unique collatéral de l’église. A cette même campagne appartiennent en effet le portail en plein cintre et la petite baie d’éclairage en arc brisé qui le surmonte. C’est également le cas de la voûte d’ogives, à clé annulaire, qui en couvre l’intérieur. Ses arcs à profil prismatique retombent en pénétration dans des colonnes engagées dépourvues de chapiteaux. L’accès usuel de l’église ne s’effectue plus de nos jours par le portail du clocher, mais par une petite porte à arc surbaissé débouchant sur l’extrémité ouest du collatéral, qu’un modeste porche en charpente protège des intempéries.
De la campagne de travaux de la fin du XVe ou au début du XVIe s. relèvent aussi les voûtes d’ogives à profil prismatique des deux travées du chœur. Elles se raccordent maladroitement à des colonnes engagées flanquées chacune de deux colonnettes, supports dont les tailloirs s’ornent d’un tore. Toutefois, là encore, cette partie de l’édifice pourrait être bien antérieure, une fenêtre en arc brisé, conservée dans le mur nord de la première travée, pouvant parfaitement remonter au XIIIe siècle. Le remplage, très sobre, de la baie d’axe, n’est pas d’origine. Il a sans doute été refait au cours de la seconde moitié du XIXe s., lorsqu’ont été posés les vitraux actuels. Production de l’atelier Lobin à Tours, ceux-ci figurent, dans l’oculus, une Vierge à l’Enfant, puis dans chacune des deux lancettes, saint Martin et, non pas saint Bond, mais saint Vincent, qui semble avoir détrôné, dans le cœur des paroissiens, le second patron officiel de la paroisse.
Un placard eucharistique a été creusé dans le mur du chevet, sous le niveau de l’appui de cette baie, au voisinage du maître-autel primitif et à l’époque où celui-ci y était adossé. Ayant pu faire fonction, dans un premier temps, de tabernacle, il est surmonté d’un arc trilobé en relief qui s’inscrit dans un tympan en arc brisé. Lui était associé une piscine ménagée, à peu de distance, dans le mur sud de la seconde travée du chœur. Pourvue de deux cuvettes quadrilobées avec trous d’évacuation et d’une tablette à plate-bande et chanfrein, celle-ci affecte la forme d’une niche en arc tiers-point. S’y inscrivait autrefois une arcature trilobée à claire-voie, dont les redents ont été bûchés. L’esthétique de ces deux accessoires liturgiques, qui relève du gothique rayonnant, apporte un indice supplémentaire militant en faveur de la nette antériorité du chœur sur l’époque du voûtement dont il est couvert. Enfin, toujours dans le chœur, une porte en plein cintre, percée dans le mur opposé à la piscine, donne accès à la sacristie du XIXe siècle.
Outre une abondante statuaire, en majorité du XIXe s., l’église conserve quelques fragments de vitraux figuratifs du XVIe s. dans une baie de la nef (Crucifixion) et une autre, dans le collatéral (saint Jean l’Évangéliste ?). En outre, l’un des départs de doubleaux de la nef porte une croix de consécration peinte qui paraît ancienne. Elle pourrait avoir suivi de peu l’importante campagne de travaux de la fin du XVe ou du début du XVIe s. dont il a été question à plusieurs reprises.
Pour la réfection des enduits extérieurs du clocher, du chœur et du pignon de la nef, la Sauvegarde de l’Art français a apporté une contribution d’un montant de 15 000 € en 2016.
Gilles Blieck
Bibliographie :
Abbé Y.-B. Patron, Recherches historiques sur l’Orléanais, t. II, Orléans, 1871, p. 360-361.
E. Michel, « Montbarrois, église de Saint-Martin », dans Monuments religieux, civils et militaires du Gâtinais depuis le xie jusqu’au XVIIesiècle, Lyon-Orléans-Paris, 1879, p. 165.