Occitanie, Gers (32)
Lectoure, Chapelle du Carmel de la Sainte-Mère de Dieu
Édifice
Le Carmel de Lectoure procède de la réforme de l’ordre opérée par sainte Thérèse d’Avila en 1562. On sait que l’introduction des Carmélites en France est due à Mme Acarie, qui contribua à l’établissement du couvent parisien en 1602-1603, grâce à la venue de six carmélites espagnoles. La fondation du Carmel de Toulouse se situe autour de 1616, celui de Lectoure datant de 1623 : à la mort de la dernière carmélite espagnole, en 1644, cinquante-cinq couvents avaient été créés en France. Pour le Carmel de Lectoure, le maréchal de Roquelaure et sa femme, Suzanne de Bassabat, firent don d’une maison avec ses dépendances et d’un jardin. L’enclos s’étendait sur toute la longueur de l’actuelle rue Marès, jusqu’au rempart, au nord. La cérémonie de fondation eut lieu le 8 septembre 1623 par Mère Marie de la Trinité qui était accompagnée de six sœurs : ce Carmel était dédié à la Sainte Mère de Dieu. L’actuelle chapelle était à peine commencée lorsque, en 1625, le maréchal de Roquelaure mourut, ce qui retarda de presque un demi-siècle sa construction. La reine Anne d’Autriche visita ce Carmel le 5 novembre 1632, Louis XIV et la reine Marie-Thérèse le 5 octobre 1659. La construction de la chapelle reprit en 1666 et fut pour suivie jusqu’en 1677. Le couvent devint un foyer rayonnant de vie spirituelle : il comptait, en 1695, vingt-deux religieuses de chœur et cinq converses et apparaissait à ce titre comme le couvent le plus important de la ville, qui comportait en outre un couvent de Carmes, un couvent de Dominicains, un couvent de Cordeliers et un couvent de Clarisses urbanistes. Pendant la Révolution, la chapelle servit de grange et de théâtre. Les Carmélites purent s’y installer à nouveau en 1825, grâce au rachat d’une partie du couvent par un généreux donateur. Les travaux de restauration de la chapelle furent conduits de 1847 à 1851. La chapelle du Carmel occupe l’angle formé par la rue Marès et la rue Montebello. Comme la plupart des chapelles de couvent, elle est insérée dans le tissu urbain et ne se distingue extérieurement que par l’élégance de la porte précédée de trois marches, dont l’encadrement de pierre et la corniche en fort relief, reposant sur deux modillons sculptés, tranchent sur le mur nu en moellons. Au-dessus de la porte s’ouvre une niche cantonnée de pilastres dont la base s’épanouit en ailerons et dont les chapiteaux corinthiens supportent un fronton triangulaire orné d’un pot à feu et de deux boules. La statue de la Vierge qui occupe la niche date du XIXe s. ainsi que le blason du socle, aux armes du Carmel. De part et d’autre de la niche s’ouvrent deux fenêtres en plein cintre dont l’encadrement est en pierre. La nef de trois travées est large et peu profonde ; elle est séparée du chœur et du chevet droit par un emmarchement de dix degrés qui date des remaniements du XIXe siècle. À droite en entrant, s’ouvre une chapelle dédiée à la Vierge et l’Enfant. La clôture se situe à droite du chœur, elle communique avec celui-ci, comme il est d’usage, par une grille. Symétriquement s’ouvre de l’autre côté du chœur une petite chapelle, en encorbellement sur la rue. L’autel monumental est en marbre rose, il est surmonté de la Vision de sainte Thérèse; dans les deux niches qui l’encadrent ont été placées une statue de saint Jean de la Croix et une statue de saint Joseph.
La partie la plus remarquable de l’édifice est sans doute son couvrement, comparable à celui de la chapelle des Carmélites de Toulouse : le plafond est composé de nervures profilées, peintes et do rées à la feuille, entre lesquelles prennent place des voûtains plats en lattis, enduits de plâtre, qui portent le décor peint. Chaque élément est décoré d’anges adorateurs et d’angelots peints au XIXe s., inspirés du décor antérieur de la chapelle. Chacune des trois travées comporte huit nervures en bois qui retombent au centre sur une clef pendante : les clés, qui reprennent la charge du plafond, sont portées par un système de ferme sans entrait. Le décor des murs latéraux a été exécuté en 1886 par Quérillac d’Aiguilhon, ancien élève de l’École des Beaux-Arts de Paris, et par Omer Ricarde, de Lectoure. Il ne subsiste qu’ une frise composée d’animaux fabuleux, dans des camaïeux de gris bleuté.
Il semble que, dès l’origine, la structure du plafond a été conçue à l’économie. Les restaurations conduites sans architecte, vers 1980, ont déstabilisé les éléments porteurs de la charpente, tandis que les voûtains en plâtre souffraient des infiltrations d’eau répétées. Les arbalétriers, les clefs de voûte et le plâtre sur lattis avec les peintures marouflées se trouvaient dans un état critique. La Sauvegarde de l’Art français a accordé en 1998 une allocation de 100 000 F pour les travaux d’urgence qui consistaient à renforcer la charpente de support des clefs pendantes et à la désolidariser de la charpente du bâtiment, à consolider les clefs et à créer un système de suspente intermédiaire afin de soulager les nervures.
Fr. B.