Occitanie, Ariège (09)
Laroque-d’Olmes, Église du Saint-Sacrement
Édifice
Autrefois dédiée à saint Martin, puis à Notre-Dame, l’église de Laroque-d’Olmes est placée depuis 1896 sous le vocable du Saint-Sacrement. Elle fut construite en 1385, au sommet de la « roche » plantée d’ormes dont le village porte le nom, dans le voisinage d’un château dont il ne reste que quelques murs percés d’archères. Cette proximité indique peut-être que l’église à laquelle elle a succédé était la chapelle castrale, tandis que des ruines de l’ancienne paroisse primitive, Saint-Martin de Cirzas, se voient encore dans l’actuel cimetière. La consultation de la bibliographie existante laisse perplexe. Il se produit certainement des confusions entre les identifications et les dénominations des lieux de culte successifs de ce bourg, qui a compté au temps de sa prospérité, nous dit-on, jusqu’à sept églises. Le village actuel et l’église sont bâtis sur un plan régulier, orienté est-ouest, sur les flancs du « castella », peut-être une bastide seigneuriale, en tout cas un urbanisme qui paraît délibéré. Le lieu relevait de nombreux co-seigneurs, alors que la paroisse appartenait à Saint-Sernin de Toulouse qui y avait un modeste prieuré au XIIIe siècle. Laroque-d’Olmes a connu depuis le Moyen Âge une vocation textile, qui faisait sa richesse et son importance dès le XIVe s., et qu’atteste encore, de nos jours, la présence d’une entreprise importante de cette nature.
La haute silhouette de l’église domine l’ensemble, avec son clocher, tour carrée sommée de deux étages octogonaux. Une inscription aujourd’hui très lacunaire (relevée au XVIIIe s.) et relative à la pose de la première pierre, permet de dater l’église et indique qu’elle fut bâtie aux frais de la communauté des habitants. L’église gothique élevée alors ne comportait qu’une nef unique de cinq travées, à contreforts saillants à l’extérieur, couverte en charpente sur arcs diaphragmes, l’abside polygonale étant seule voûtée sur croisée d’ogives. Il s’agissait d’un vaste édifice : 12,50 m de large, près de 35 m de long avec l’abside. On peut rapprocher ce parti de celui de Saint-Maurice de Mirepoix, église-mère du diocèse dont relève la paroisse : le diocèse de Mirepoix avait été érigé en 1317 par Jean XXII et sa cathédrale date de la même époque. Au midi, dominant le village, un porche couvert, voûté, est orné de sculptures. Il a conservé ses vantaux en bois et sa serrure médiévale, dont la « verterelle » est ornée d’une tête d’animal. Une petite chapelle gothique, hors œuvre, de deux travées, a été greffée au nord de l’abside, ainsi qu’une étroite sacristie au sud. Ces deux constructions sont voûtées sur croisées d’ogives, qui retombent sur des culots sculptés de personnages. Au cours des siècles, et sans doute à l’époque de la Contre Réforme, d’autres chapelles ont été ajoutées entre les contreforts, jusqu’à les combler tous, et ont effacé la saillie du porche : c’est donc à tort que l’on parle au sujet de cette église d’un édifice typique du gothique méridional, si l’on définit celui-ci comme une nef unique cantonnée de chapelles. Notre-Dame de Laroque n’a pas acquis ce caractère, semble-t-il, avant le XVIIe siècle.
Mérimée n’est pas venu à Laroque dans sa tournée méridionale de 1834, mais l’église, pour laquelle existait un projet de restauration concernant le clocher, apparaît sur la première liste des Monuments historiques de la France, publiée en 1840. Les travaux projetés sont alors ajournés, jusqu’en 1855. C’est avec beaucoup plus d’ambition que l’église sera profondément remaniée à la fin du XIXe siècle (1885) : l’ancien couvrement fut démoli, les arcs diaphragmes furent repris, la nef surélevée et voûtée, et un décor peint fut ajouté. Cette intervention drastique, mais caractéristique de son époque, entraîne son déclassement . C’est à cette occasion que l’on épure aussi l’architecture extérieure de l’abside, où un chemin de ronde avait été établi sur des arcs bandés entre les contreforts. La transformation de l’édifice nous est connue grâce aux photographies anciennes commandées à l’époque par le service des Monuments historiques à Médéric Mieusement, et aujourd’hui conservées à la Médiathèque du Patrimoine.
L’intérieur recèle pourtant quelques décors anciens : un Baptême du Christ du XVIe s. peint à la base du clocher qui devait servir de baptistère, et un décor ornant le mur de l’abside d’une des chapelles nord, représentant plusieurs scènes sur trois registres. Ces peintures sont usées et peu lisibles, mais on reconnaît la Conversion de saint Paul, des figures de saints, une procession (?) où cheminent des prélats ; au sommet, la Trinité protège le peuple chrétien.
Un retable est pourvu d’un tableau du XVIIe s., un autre d’une œuvre d’Annet Auriac, saint Martin et saint Étienne montrant la Conversion de saint Paul (signé et daté 1665) ; plusieurs œuvres de ce peintre conservées dans l’Aude et l’Ariège témoignent de la présence du mobilier du Grand Siècle dans cette province. Du XVIIIe s. subsistent le maître-autel en marbre (1751), relégué depuis 1896 dans une chapelle, et trois des sept tableaux commandés pour le chœur, en 1752, au peintre toulousain Labérie. Celui-ci n’était malheureusement qu’un artiste modeste, interprétant à l’huile, et maladroitement, les compositions célèbres diffusées par la gravure, comme la Sainte Famille de Raphaël, par exemple. On est surpris de découvrir dans cette église un grand orgue acquis en 2004, qui n’est autre que l’instrument construit par Victor Gonzalez en 1936 pour la chapelle royale de Versailles, afin de remplacer l’orgue jugé « romantique » ; cet orgue de Gonzalez fut remplacé à son tour en 1995 par un orgue que l’on supposait conforme à l’instrument royal d’origine, ce qui explique son acquisition pour Laroque-d’Olmes.
L’église de Laroque est soigneusement entretenue par son équipe paroissiale et bénéficie de l’action d’une association dynamique, l’ARELO, qui, avec la municipalité, a lancé depuis plusieurs années un programme de travaux : restauration des décors des chapelles, des voûtes et de nombreuses œuvres d’art.
Pour la restauration des parties hautes du clocher, la Sauvegarde de l’Art français, a octroyé une aide de 5 000 € en 2010.
Olivier Poisson