Occitanie, Pyrénées-Orientales (66)
Jujols, Église Saint-Julien-et-Sainte-Baselisse
Édifice
Église Saint-Julien-Sainte-Baselisse. En Conflent, c’est-à-dire dans la haute et moyenne vallée de la Tet qui relie la plaine roussillonnaise au plateau cerdan, lui-même ouvert sur l’Espagne, Jujols (Juliolum, sans doute un anthroponyme de la basse Antiquité, la villa de Juliolus), sur le versant ensoleillé de la vallée et déjà à près de mille mètres d’altitude, est un vrai balcon ouvert sur les sommets des Pyrénées, qui forment son horizon, et d’abord sur le Canigou. Le Conflent fut, aux IXe et Xe s., le cœur même du comté de Cerdagne et reste au XIe s. une zone dense et peuplée, où le comte réside (en été à Hix, à l’orée du plateau, en hiver à Corneilla). Le village, ou le lieu-dit de Jujols, apparaît dans les documents en 950, dans la bulle d’Agapet II pour Cuxa, qui confirme au grand monastère proche des alleux qu’il y possédait. Sinon, tout ce territoire appartient au domaine direct du comte, inclus, comme d’autres villages contigus (Serdinyà, Flassà), dans une circonscription citée parfois dans les sources et dont il est rare que l’histoire ait gardé mémoire : la sajonia de Conflent. Il faut y voir, en effet, d’après son nom, la trace du bénéfice fiscal concédé au saig ou sagio, officier du tribunal public à l’époque wisigothique, chargé de l’exécution des décisions et surtout des saisies et paiements.
Quant à l’église, la première mention n’en apparaît qu’en 1189, indirectement, comme confrontant des terres vendues, mais déjà avec son vocable de Saint-Julien-et-Sainte-Baselisse. Paroisse du diocèse d’Elne, elle semble n’en faire qu’une, vers 1570, avec celle du village voisin de Canavelles. Cependant, en 1577, elle est unie par l’évêque à la communauté des prêtres de Villefranche, en raison d’un manque de revenus. Voilà de bien maigres éphémérides, d’un édifice modeste dont on ne connaît pas l’histoire avec plus de détails.
Á flanc de montagne, près d’un tout petit village, l’église de Jujols paraît dater du XIe s. à cause de quelques détails caractéristiques ; mais, à vrai dire, il s’agit d’un édifice profondément remanié dont l’archéologie reste à faire. Le plus assuré serait, à son abside, le décor extérieur caractéristique d’arcatures du premier art roman méridional. Cette abside jouxte une tour carrée, dont il ne reste que la base, à supposer qu’elle fût jamais achevée. Pour le reste, il s’agit de structures massives qui envahissent un peu tout, l’espace intérieur comme l’espace extérieur avec d’énormes contreforts (certains évidemment modernes). Cet aspect empirique et surdimensionné apparaît à la lecture du plan, où les piédroits de l’arc triomphal empiètent sur l’ouverture de l’abside, et de la coupe, où les formes trapues et lourdes de l’édifice s’imposent. On peut imaginer un édifice primitif tout simple, nef unique et abside en cul-de-four, peut-être cantonné d’un clocher-tour. La tour actuelle, constituée seulement d’une base haute de cinq mètres environ, a plus d’élévation sur sa face ouest, devenue un clocher-mur : cette face présente le départ de deux larges lésènes. L’ensemble serait un modèle courant dans cette région au XIe siècle. La nef unique primitive n’était pas voûtée, elle aurait pu ensuite faire l’objet d’une extension au sud, un bas-côté parallèle à la nef, venant buter sur le clocher : là encore, il s’agirait dans cette hypothèse d’un modèle de développement architectural dont on a bien d’autres exemples pour des édifices paroissiaux de ce type. Les voûtes sont-elles venues avec la construction du bas-côté, ou sont-elles plus tardives ? On peut se poser la question, car le caractère massif des maçonneries, comme le découronnement de la tour laissent supposer une reconstruction après destruction : il y a comme une hypertrophie des moyens employés, malgré la modestie des espaces, un peu comme une précaution exagérée qui suivrait l’expérience d’un désastre. On a bien évidemment en mémoire le tremblement de terre de 1428, et son cortège de destructions dans cette région. Sur la coupe, on observe combien le bas-côté couvert d’un berceau en quart-de-cercle, reposant sur un mur sud de deux mètres d’épaisseur semble conçu comme un gigantesque contrefort pour la nef. Quoiqu’il en soit, on ne décèle pas, à première vue, dans les maçonneries d’indices qui pourraient appuyer ce raisonnement de façon décisive. Une véritable étude reste à entreprendre. La porte de l’édifice est en plein cintre, appareillée, sans ornement particulier, à deux rouleaux. Il peut s’agir d’une porte médiévale, remployée si la construction du mur est plus tardive (on remarque en particulier qu’à la pierre de taille se substitue la maçonnerie de schiste à deux endroits du rouleau extérieur), mais elle n’évoque pas le XIe siècle. Les vantaux de la porte présentent des pentures de fer forgé médiévales, simples (bien moins élaborées que les célèbres ferrures romanes d’autres églises de la région), mais remployées de façon décorative, sans respecter le schéma primitif.
Á l’intérieur, le mobilier conserve d’intéressants retables du XVIIe s., à panneaux peints et statues, mais inégalement conservés, ainsi qu’une statue de la Vierge, du XIVe siècle.
Pour la restauration des maçonneries et des couvertures en lloses, la Sauvegarde de l’Art français a versé 7 000 € en 2006.
Olivier Poisson