Hauts-de-France, Pas-de-Calais (62)
Hesdin, Église Notre-Dame
Édifice
Église Notre-Dame. Entièrement rasée en 1553 sur ordre de Charles Quint, la ville d’Hesdin se situait dans la vallée de la Canche, à l’emplacement de l’actuel village de Vieil-Hesdin, au pied d’une puissante forteresse que les ducs de Bourgogne avaient humanisée et accompagnée d’extraordinaires jardins. Une ville nouvelle ne tarda pas à s’édifier en aval, et c’est le 15 juin 1565 qu’Antoine de Helfaut, gouverneur de la place, posa la première pierre de l’église, au bord de la rivière, dans un terrain particulièrement meuble, nécessitant d’importantes fondations. Une longue inscription, gravée sur un tableau de marbre, précise la chronologie des premiers travaux : construction du chœur en 1565, bénédiction en 1567, ouverture au culte en 1568, dédicace en 1573 et consécration solennelle en 1585 par l’évêque de Saint-Omer.
Représenté sur une gouache des « Albums » de Charles de Croÿ, exécutée dans les premières années du XVIIe s., l’édifice présente des maçonneries de briques rehaussées de chaînes de pierre crayeuse aux angles et autour des fenêtres. À l’ouest, les pignons correspondent à trois vaisseaux parallèles, celui du centre très développé, celui du sud limité à trois travées. Le portail Renaissance, encadré de colonnes détachées, s’ouvre devant une tour-clocher dont le comble d’ardoise se termine par une haute flèche ouvragée à l’allure encore gothique.
Les travaux se poursuivirent en plusieurs campagnes jusqu’en 1688 (adjonction d’une travée droite à l’abside) et 1708 (remaniement des parties hautes du chœur). Au début du XVIIIe s., l’église présentait son plan définitif : une nef de cinq travées flanquée de collatéraux, prolongée par un chœur de trois travées, lui aussi flanqué de collatéraux terminés par des chapelles orientées. Le chœur a été prolongé d’une travée en saillie, terminée par une abside à pans. Il n’y a pas de transept, mais une grande chapelle est venue s’accoler au sud, à la hauteur des dernières travées de la nef.
En 1767, une grande charpente unique, à deux versants, vint remplacer celles qui couvraient les trois vaisseaux parallèles, à la manière des hallekerkes de Flandre. Une vingtaine d’années plus tard, le sieur Dubois, architecte à Hesdin, reconstruisit les parties hautes du clocher, qu’il dota d’un lanternon aveugle, accompagné de quatre clochetons. On peut dater son intervention grâce au nom de l’artisan – F. Brunet – et à la date de 1786 gravés dans la charpente.
L’église eut beaucoup à souffrir de la Révolution. Démeublée et dépouillée de ses décors, en particulier de ses sculptures, brisées au burin, elle servit de magasin à fourrages, puis d’entrepôt et, à l’occasion, de théâtre et de lieu de foire. En 1800, l’une des arcades du chœur s’écroula du côté de la rivière. Les travaux de remise en état, entrepris en 1808, s’achevèrent en 1813 par une nouvelle consécration. Dans le sanctuaire furent placés divers éléments provenant d’églises détruites : des stalles transférées de l’abbaye de Saint-André-au-Bois, des lambris et un autel ayant appartenu aux Récollets, et un tableau de retable qui se trouvait dans l’église des Jésuites.
À la suite de l’affaissement partiel de la charpente, une nouvelle et importante restauration eut lieu à partir de 1854 sous la direction des architectes Bonnarel et Clovis Normand, ce dernier originaire d’Hesdin où il avait son agence. On renouvela presque entièrement la grande charpente établie au siècle précédent et, grâce à une souscription, on remplaça par des voûtes gothiques simulées, faites de plâtre sur ossature légère en bois, les voûtes en plein cintre, de structure analogue, dont on trouve des vestiges dans les combles. On renouvela le mobilier, on ajouta des lambris, des peintures et un buffet d’orgue. Seul témoin du mobilier d’origine, les fonts en grès sont datés de 1586. Mise à jour au cours des travaux, l’ancienne porte de la sacristie est datée de 1581. Quelques épitaphes anciennes ont été conservées, en particulier celles de Charles (†1695) et de Gabriel (†1705) de Calonne-Courtebourne, gouverneurs de la ville.
Placé en saillie devant le clocher, le portail Renaissance est encadré de tourelles polygonales brique et pierre, dont l’une abrite un escalier en vis. Daté de 1582, c’est une intéressante composition Renaissance dont le décor sculpté a malheureusement souffert du burin des révolutionnaires. La grande arcade en plein cintre s’ouvre entre des pilastres supportant une architrave et une large frise décorée de médaillons armoriés, restaurés par Clovis Normand. Elle précède un segment de voûte décorée de caissons, profilée pour accentuer l’effet de perspective.
Les travaux entrepris en 2010 concernent la réfection générale de couvertures, dont l’état défectueux entraîne de nombreuses venues d’eau qui dégradent les fausses voûtes et favorisent le développement de la mérule. Ils se dérouleront en trois phases, la première concernant la nef et la chapelle sud, particulièrement sinistrée, les autres le chœur et le clocher. Pour cette première phase, la Sauvegarde de l’Art français a accordé un don de 30 000 € en 2010.
Philippe Seydoux