Normandie, Eure (27)
Fourges, Église Saint-Pierre
Édifice
Le nom de Fourges proviendrait d’une déformation normande d’un vocable Forgeslié au travail du métal. Il est vrai que le site du village, au bord de l’Epte, rivière frontière entre la France et la Normandie, avec son moulin remontant au moins au XVIIIes., était fort propice à ce type d’activité. L’église Saint-Pierre, « Ecclesia sancti Petri de Forges… », est mentionnée au milieu du XIIIes. dans un pouillé précisant qu’elle forme une unique cure avec celle du hameau de Bosc-Roger, chacune desservie alternativement. L’ensemble était à la présentation du chapitre collégial de Vernon, puis à partir du milieu du XVIIes. à celle du seigneur de Baudemont. La paroisse compte au XIIIes. 87 chefs de famille, soit sans doute environ 300 habitants.
L’édifice actuel est implanté sur la pente du coteau ouest dominant l’Epte. Son plan cruciforme a été fortement modifié par des ajouts successifs. Le chœur et son abside en petit appareil calcaire à l’assise horizontale régulière datent visiblement du XIIes. et en constituent la partie la plus ancienne. La croisée du transept est surmontée d’un clocher du XIVes. en pierre de taille, à baies ogivales et toiture en bâtière. On peut attribuer au XIIIes., au vu de maçonneries proches de celle du chœur, le bras nord du transept, très court, ainsi qu’une partie du mur nord de la nef. Le pignon ouest de cette dernière, à rampant, paraît plus tardif (une reconstruction du XVesiècle ?) et a été de façon certaine repris lors d’importants travaux en 1898. La partie la plus intéressante de l’édifice reste cependant le bas-côté sud construit en pierre de taille à la fin du XVIes. et constitué de quatre hauts pignons débordants, séparés par des contreforts à gargouille. Les larges baies à remplages et les angles des pans de toiture, dominés par le clocher, confèrent à l’ensemble une silhouette à la fois élancée et spectaculaire.
L’intérieur comporte une nef, à deux travées et voûte lambrissée en berceau brisé (restauré vers 1900) ouvrant par deux arcades sur les bas-côtés ; si les piliers sont rectangulaires et chanfreinés vers le bas-côté nord, qui est couvert d’une voûte lambrissée, ils sont cylindriques du côté sud. Celui-ci se compose de deux travées ouest qui se prolongent par le bras sud du transept, intégré de fait à ce bas-côté, puis par une chapelle donnant sur le chœur. La complète homogénéité du couvrement sur croisées d’ogives, aux profils identiques pour les quatre éléments architecturaux, confirme l’unicité du parti de construction de la fin du XVIes. constaté à l’extérieur. Comparativement la croisée de transept, appuyée sur de forts piliers rectangulaires paraît plus massive. L’édifice s’achève, à l’est, par un chœur de deux travées et une abside enduite au plâtre ; le grand retable, les niches et les lambris témoignent d’un aménagement liturgique du XVIIIesiècle.
Des sondages réalisés en 2004 ont montré que l’intérieur de l’édifice avait été entièrement repeint au moins à trois reprises, la dernière datant de 1983. De ce fait, les restes de décors mis au jour se sont révélés très ténus, essentiellement constitués dans le transept de faux joints ocre rouge de la fin du Moyen Âge. Ont été dégagées les traces de deux litres funéraires notamment dans le chœur. Elles sont peu lisibles mais pourraient concerner les Montenay, famille normande qui possède depuis 1592 jusqu’à la fin du XVIIIes. la seigneurie de Fourges. Leurs armoiries (d’or à deux fasces d’azur accolé de neuf coquilles de gueule) sont en effet présentes sur une plaque de fondation de messe (datée de 1672) dans le chœur et surtout sur une clef de voûte du bas-côté sud.
Une restauration générale de l’église ayant été programmée pour 2005-2006, d’importants travaux ont été réalisés comprenant notamment les restaurations des maçonneries, charpentes et couvertures ; à cette fin la Sauvegarde de l’Art français a accordé une aide de 25 000 € en 2007.
Lionel Dumarche
Bibliographie :
- Le Prévost, Mémoires et notes (…) éditées par Léopold Delisle et Louis Passy, 1862-1869, tome II p. 127-130, notice Fourges.
- Charpillon et abbé A. Caresme, Dictionnaire historique de toutes les Communes de l’Eure, Évreux, 1867-1868, p. 216-217, « Fourges ».
- Baudot, « Les églises du canton d’Ecos », dans Nouvelles de l’Eure, n°8, 1961 p. 42.
Dossier du Service Régional de l’Inventaire Général établi en 1976-1979.
Arch. dép. Eure 5 O / 6: devis pour travaux et réparations, 1856, 1876 et 1898, avec photographies 1897.