Occitanie, Tarn-et-Garonne (82)
Espinas, Chapelle Saint-Martin-de-Cas
Édifice
L’église de Saint-Martin de Cas appartient au groupe des églises pré-romanes à chevet plat et angles arrondis, bien identifié depuis une quarantaine d’années. On compte environ vingt-cinq édifices ou vestiges de ce groupe, datés des alentours de l’an mille, dans une bande nord-sud, de part et d’autre de la limite du Quercy et du Rouergue, depuis Figeac (Lot), jusqu’au nord-ouest du Tarn. Cette densité est une énigme. La diffusion de proche en proche sur des terrains fournissant les mêmes moellons de calcaire est pour le moment la seule explication indiscutable.
L’église de Cas est bâtie sur une hauteur occupée également par un château, de construction plus tardive (XIIe s.), qui a été le siège d’une co-seigneurie dont les Templiers auraient eu une part. Ce château, en ruines il y a une quarantaine d’années, a été parfaitement restauré par ses propriétaires actuels. On peut supposer que le premier château et l’église étaient contemporains, celle-ci ayant été au départ une chapelle castrale. Elle est devenue par la suite église paroissiale (baptistère et cimetière). Elle est, avec les églises de Toulongergues, près de Villeneuve (Aveyron), et de Lugan, près de Puylagarde (Lot), une des mieux conservées du groupe. La décrire, c’est rassembler les principaux traits identitaires de cette école architecturale originale.
La construction est en moellons cassés au marteau, de dimensions presque identiques, disposés en assises assez régulières. On explique par la nature géologique de ces matériaux et par leur mode de débitage que les bâtisseurs aient préféré la technique de l’angle arrondi à celle du chaînage d’angle. Le chœur est rectangulaire, long de 5,25 m et large de 4 m hors œuvre, et voûté en plein cintre. La nef, longue de 9 m et large de 5,25 m hors œuvre, porte une modeste charpente. Il n’y a pas de contrefort extérieur, mais à l’intérieur et au milieu de la nef et en vis-à-vis deux pilastres dont un incomplet. La couverture est de tuiles canal avec, sur le mur de tête du chevet et sur les murs gouttereaux, une rangée de lauzes calcaires, selon l’usage du pays.
La voûte du chœur est marquée de chaque côté, à son départ, par un cordon chanfreiné, auquel répond, à l’extérieur et un peu plus bas, un simple cordon. Les murs latéraux sont chacun agrémentés d’une arcature aveugle assez fruste sur stylobate, formée de deux arcades qui reposent au centre sur une courte colonnette dont la base est en tronc de pyramide et dont le tailloir est chanfreiné. Elles constituent un décor et un renfort des murs, et elles servaient en outre d’armoires. C’est un élément que l’on voit dans d’autres églises de cette famille, soit avec colonnette à Ginouillac, près Espédaillac (Lot) et à Salvagnac-Cajarc (Aveyron), soit avec pilier à Belcastel (Aveyron), à Lugan, près de Puylagarde, et à Saint-Julien de Carrendier, près de Féneyrols (Tarn-et-Garonne). On accède au chœur par un arc triomphal en plein cintre, étroit (1,50 m) et élevé. Il est formé de claveaux bien taillés reposant sur des impostes chanfreinées. Il a été surmonté plus tard, à l’extérieur, d’un clocher-mur qui s’achève en triangle et qui est percé de deux arcades.
L’église conserve deux fenêtres d’origine sur le mur sud de la nef. Elles sont étroites comme des archères et largement ébrasées à l’intérieur. La fenêtre axiale du chevet, du même type, a été refaite récemment. Les linteaux sont constitués d’une pierre échancrée en plein cintre. Sur la façade occidentale, on a probablement ouvert, au moment où l’on a installé la tribune et pour lui donner du jour, une fenêtre légèrement excentrée. La petite fenêtre ouverte au côté droit du chevet est également tardive. Le mur nord ne comporte aucune fenêtre comme presque toutes les églises de cette famille. On accédait à l’église au sud, à travers le cimetière, et par une porte surmontée d’un arc en plein cintre qui est constitué de claveaux réguliers. Elle a été remplacée, au XVIIIe ou au début du XIXe s., par une porte également en plein cintre et en pierres de taille. À l’ouest, une deuxième porte, petite et étroite, a été condamnée, peut-être lors de la mise en place de la tribune. Une troisième porte a été percée au nord, au XIXe s., pour relier directement le château à l’église.
La confrontation de tous les édifices de ce groupe permet de proposer pour Cas une datation autour du Xe siècle. Le lieu est cité dans un acte de 961. L’église, toute proche, de Saint-Michel de Carrendier et assez voisine par son style de celle de Cas, est citée en 818 dans une donation de Louis le Pieux à Saint-Antonin-de-Rouergue, mais rien ne prouve de manière indiscutable qu’il s’agit de l’édifice actuel. Du fait de son état d’origine peu altéré par des aménagements postérieurs, Saint-Martin de Cas constitue un spécimen exceptionnel d’église rurale des temps carolingiens. La Sauvegarde de l’Art français a consacré au moins deux notices à des églises de cette famille, à savoir Ginouillac (Lot), dans le Cahier 1 (1979, p.79-80) et Sainte-Cécile de Mauribal, près de Puybégon (Tarn), dans le Cahier 21 (2008, p. 136-138).
Le mobilier comprend un tabernacle du XVIIIe s., qui paraît venir d’une autre église, un devant d’autel peint sur toile figurant saint Martin, des fonts baptismaux avec un curieux et rustique couvercle à verrou. Plusieurs membres des familles des seigneurs ou des propriétaires du château ont été enterrés dans l’église, et en particulier des Cardaillac, des Lacapelle (XVIIe-XIXe s.) et des Lastic Saint-Jal (XIXe s.).
En 2010, la Sauvegarde de l’Art français a donné 4 000 € pour la restauration de cette église.
Jean Delmas