Île-de-France, Yvelines (78)
Emancé, Église Saint-Rémi-Sainte-Radegonde
Édifice
Église paroissiale Saint-Remi-et-Sainte-Radegonde. Dans la vallée de la Drouette, le village d’Émancé se trouve à la jonction des pays d’Yveline et du pays chartrain auquel le rattache sans conteste son histoire puisqu’il dépendait de la châtellenie d’Épernon et du chapitre de Chartres. L’habitat est un peu dispersé le long de la route et l’église, dans l’écrin de son cimetière, occupe le haut d’une pente exposée au nord. Au vocable de Saint-Remi qui témoigne d’une fondation ancienne, a été ajoutée la dédicace à sainte Radegonde que l’on invoquait contre les maladies de peau et le rachitisme des enfants au pèlerinage local de la Fontaine aux Graviers. Fille d’un roi de Thuringe, Radegonde fut, enfant, prisonnière de Clotaire 1er avant de devenir sa femme. Mais elle désirait vouer sa vie à Dieu ; elle quitta donc la cour pour fonder à Poitiers le premier couvent de femmes de Gaule et se fit connaître par ses dons de guérison recherchés du petit peuple. L’eau jouant pour ce dernier un important rôle de médiation, il invoquait la sainte par l’intermédiaire des fontaines.
L’église paroissiale d’Émancé fut reconstruite après la guerre de Cent Ans mais, comme souvent en Île-de-France, plutôt tardivement c’est-à-dire au début du XVIe siècle. Elle présente un plan allongé très simple : nef unique, chœur à chevet polygonal et, épaulant le gouttereau sud, clocher carré bas, coiffé d’un toit en pavillon. Si les murs de la nef et du clocher sont en moellon recouvert d’enduit, le chœur présente un bel appareil de grès. Nef et chœur sont éclairés de baies régulières qui alternent avec les contreforts tandis que la façade n’est percée que d’une baie en arc brisé et d’un portail en anse de panier à mouluration concave. Un seul toit à longs pans terminé par une croupe polygonale couvre la nef et le chœur ; il est supporté par une charpente de chêne composée de grandes fermes. Il n’y a pas de voûte mais un sous-toit de lambris en berceau qui laisse apparentes ses fermes à entraits et poinçons moulurés. Il s’agit d’une disposition fréquente dans le grand ouest de la France et l’église d’Émancé fait partie des exemples les plus orientaux découverts dans la région de Rambouillet.
Transformée en Temple de la Raison, dépouillée d’une partie de son mobilier puis laissée à l’abandon, l’église suscita à nouveau l’intérêt des habitants au milieu du XIXe siècle. Le goût se répandait alors de donner un certain lustre aux églises de village : on appréciait la clarté obtenue par la peinture des murs en faux appareil de pierre et l’agrandissement des fenêtres. Celles-ci étaient garnies de verrières à personnages aux couleurs chatoyantes représentant des saints en rapport avec les cultes locaux ou les prénoms des donateurs. Réalisées en 1880 et 1889, les verrières du choeur sont signées Lorin, célèbre maître-verrier chartrain. Celle de la baie d’axe reprend l’Immaculée Conception Soult de Murillo. La clarté de l’édifice met en valeur les objets mobiliers de qualité que conserve l’église : intéressants lambris de choeur sculptés du XVIIIe s., maître-autel en bois doré orné des armoiries des Colbert et du chapitre de Chartres, statues du XVIIe s. représentant saint Remi et saint Nicolas, banc d’œuvre en place face à la chaire.
Le goût de la fin du XIXe s. était aussi à la suppression des formes rustiques comme les charpentes lambrissées. On les remplaçait par des voûtes en brique sur croisées d’ogives. Plusieurs églises de la région ont ainsi été « embellies » par des entrepreneurs qui avaient recours à des systèmes variés – parfois brevetés comme celui de Heurteau utilisé à Saint-Hilarion – pour modifier la charpente : tirants métalliques, entraits retroussés… À Émancé, les désordres apparus un siècle plus tard ont conduit à la démolition de la voûte de brique. La restitution des fermes moulurées et du lambris en voligeage a été rendue possible par l’heureuse découverte, à cette occasion, de vestiges en place de l’état d’origine.
Pour la restauration de la charpente du chœur et la charpente de la voûte de la nef, la Sauvegarde de l’Art français a accordé 6 098 € en 2001.
Ch. W.
Bibliographie :
Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France : dossiers architecture et objets de l’église.
Chanoine Tenaille, « Histoire d’Émancé », L’Indépendant, 1939.