Centre-Val de Loire, Loiret (45)
Dimancheville, Église Saint-Blaise
Édifice
L’église Saint-Blaise de Dimancheville est un modeste édifice à vaisseau unique et chevet plat. Aujourd’hui à charpente apparente, la nef était autrefois couverte d’une voûte en berceau lambrissé. Le chœur en est séparé par un arc triomphal légèrement brisé. Il est voûté d’ogives à deux tores qui retombent sur des colonnettes à chapiteaux à crochets et feuillages, attribuables à la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle. L’édifice a peu évolué par la suite, si l’on excepte l’installation, au XVIIe siècle, d’un nouveau maître-autel associé à un retable, suivie de la mise en place d’un ensemble de boiseries à décor peint en faux marbre (lambris bas, chaire, confessionnaux). Cette mise au goût du jour a entraîné le bouchage du triplet qui éclairait primitivement le chevet.
Consciente de l’intérêt de ce patrimoine, la municipalité propriétaire a entrepris, depuis plusieurs années, la restauration et la mise en valeur du monument dont elle a la charge. La Sauvegarde de I’ Art français lui a une première fois apporté un soutien financier en 2013, à l’occasion de travaux de charpente et de couverture.
L’objectif de la campagne entamée en 2017 concernait cette fois l’intérieur, avec une première tranche portant, pour l’essentiel, sur la restauration du chœur, à l’exclusion du mobilier, qui sera traité ultérieurement. Étaient néanmoins intégrés à cette tranche une étude de la polychromie du retable, ainsi qu’un diagnostic des boiseries en faux marbre nécessitant leur dépose, ceci en vue de leur restauration prochaine.
Des sondages précédemment opérés avaient mis en évidence la présence, dans le chœur, de décors peints figurés ou ornementaux de différentes époques ; certains d’entre eux affleuraient, par endroits, sous un badigeon blanc remontant sans doute au XVIIIe siècle. S’entremêlant dans une relative confusion, les peintures souffraient d’un défaut de lisibilité, accru, par endroits, par d’importantes lézardes de la maçonnerie grossièrement réparées, pour certaines, au plâtre ou au ciment, et par les effets de contaminations microbiologiques. Très lacunaire en partie basse des murs, la couche picturale y était, de plus, affectée par des problèmes d’humidité et de soulèvements d’enduits, ayant entraîné de très importantes pertes de matière.
Devant la confusion apparente de ces différentes strates historiques, le chantier a conduit à des choix déontologiques, fondés sur les états de conservation respectifs des décors identifiés et la perspective d’aboutir, dans chacun des cas, à un résultat cohérent et intelligible. En conséquence, le parti de restauration adopté a privilégié, sur les parois latérales, le décor peint posé sur l’enduit d’origine, datable du XIIIe siècle, et sur celle du chevet, les peintures ayant accompagné l’installation du retable au XVIIe siècle.
La restauration s’est appliquée à améliorer la lisibilité de ces décors, sans omettre de traiter, au préalable, les pathologies reconnues. Ainsi, les réparations de fortune ont été purgées, les lézardes colmatées au mortier de sable et de chaux, et les enduits fragilisés et en voie de désolidarisation renforcés par injection, à la seringue, d’un coulis de chaux. De même, les contaminations biologiques ont été traitées et la couche picturale consolidée. Le badigeon blanc qui la recouvrait a été éliminé au scalpel ou à la spatule, et les lacunes ne posant aucun problème d’interprétation ont été réintégrées à l’aquarelle, dans une teinte légèrement plus claire. En grande partie repris au XIXe siècle (une inscription, gravée dans le frais, indique qu’il a été « fait par Poirier Blondel»), l’enduit de la voûte, défectueux, devait être renouvelé. Les maçons ont procédé à son piochage avec beaucoup de prudence, parvenant à préserver les plages d’enduits anciens qui subsistaient encore. Cela en parfaite harmonie avec les restaurateurs, qui ont parachevé leur travail en recouvrant les parties refaites à neuf d’un badigeon d’harmonisation.
Des croix de consécration, inscrites dans des cercles tracés au compas et régulièrement espacées, ont d’abord été posées sur l’enduit primitif. Exécutées, comme le reste, à la détrempe sur un badigeon de chaux écru, elles ont été, peu après, intégrées à un décor qui n’occupe, respectivement, que la moitié ou le tiers inférieur des murs nord et sud. Assez bien conservé, le sujet représenté dans le registre supérieur de la peinture du mur nord est parfaitement identifiable. Il s’agit de la Cène, le dernier repas du Christ, épisode qui condense deux moments capitaux de la Passion : l’annonce de la trahison de Judas et l’institution du sacrement de l’Eucharistie. Dans le droit fil des peintures murales romanes où ce sujet est fréquemment repris, la scène est traitée de manière frontale et les effets de perspective sont quasi inexistants. Les convives sont rassemblés sur l’un des côtés d’une table garnie de mets, de plats et de pichets, sous des arcades voûtées d’ogives et une enceinte crénelée, hérissée de tours. De grands paniers à deux anses, sans doute chargés de pains, s’observent, en contrebas, à une extrémité, devant ce qui s’apparente à une porte d’enceinte. Reconnaissable au nimbe crucifère entourant son visage, le Christ, au centre, est représenté de face. Les apôtres auréolés qui l’entourent sont répartis en groupes. Ils semblent tout à la fuis incliner la tête pour exprimer leur affliction et s’interroger mutuellement sur l’identité du traître annoncé par Jésus. Deux d’entre eux, à l’extrême droite du spectateur, renversent leurs gobelets remplis de vin à l’écoute de cette annonce, comme pour marquer leur surprise. Un autre, placé à la gauche du Christ, appuie sa tête sur son épaule. Il doit s’agir de saint Jean. A cette exception près, l’identification précise des apôtres, dont celle de Judas, demeure problématique.
La peinture pose aussi problème sur le plan technique. La palette utilisée est très pauvre, puisqu’elle se limite au seul ocre rouge, utilisé à la fuis pour matérialiser, au trait de pinceau, les grandes lignes de la composition et pour en remplir, en aplat, certaines parties. En outre, le style de la paraît, à première vue, très archaïque : la raideur du Christ, les positions, assez statiques, des apôtres, les erreurs grossières de proportions, les effets de perspective quasi inexistants, montrent que le peintre qui l’a exécutée maîtrise mal le dessin. La couche picturale ne nous étant pas parvenue dans son intégralité, on est cependant conduit à nuancer ce premier jugement. Il manque en effet, pour achever la composition, les habituels rehauts mettant en œuvre des couleurs relativement variées et qui servent non seulement à compléter les fonds, mais également, par le travail du modelé, à former les plis des vêtements ou à mettre en évidence les carnations. Comment, dès lors, expliquer l’utilisation d’une palette chromatique aussi réduite ? L’état de conservation de l’œuvre doit, naturellement, être pris en considération. Celle-ci présente, en effet, des lacunes et des usures imputables aux dégradations diverses qu’elle a subies depuis sa réalisation. Toutefois, ce constat n’explique pas tout, en particulier l’absence totale de traces de pigments de nature différente. En définitive, l’hypothèse selon laquelle la Cène de Dimancheville serait demeurée inachevée doit être prise en considération. Pour incomplète qu’elle soit, cette peinture manifeste néanmoins une certaine force expressive et conserve un attrait certain, dû aux nombreux détails que son iconographie recèle.
Exécuté lui aussi à l’ocre rouge, un décor peint ornemental et répétitif d’une grande simplicité, contemporain de la Cène, occupait, sous celle-ci, le registre inférieur du mur nord, ainsi que l’unique registre du mur sud. Conservé à l’état de vestiges, il consiste, dans le premier cas, en un motif à base de losanges et, dans le second, de fleurs stylisées à quatre pétales. D’une tout autre nature, le décor architecturé peint, en trompe-l’œil, sur le mur du chevet, avait pour fonction de magnifier l’autel majeur. Il a été posé en complément du retable qui le surmonte et date, sans aucun doute, de la même époque. Plus fragile, il n’est que très partiellement conservé. Les pigments colorés mis en œuvre sont un peu plus variés ; s’ajoutent à l’ocre jaune, majoritaire, et à l’ocre rouge, de la terre verte, par exemple dans les vêtements des deux personnages (dont l’un, au nord, est ailé et semble tenir une lance) qui se font face au-dessus d’une balustrade, de part et d’autre du retable. On note aussi l’emploi, dans le dessin, de la sanguine. Un Christ de la Résurrection, tenant un étendard, a été réalisé en totalité avec cette technique dans la fenêtre axiale, bouchée, du triplet. En outre, un évangéliste était conservé dans deux des quatre retombées de la voûte, peintes lors de la même campagne : saint Marc, tenant un livre et assis sur son attribut, le taureau, au nord ; saint Matthieu, identifié par l’ange qui se tient à sa droite, au sud. Ajoutons enfin, pour être complet, que les scènes figurées peintes sur les deux portes en bois latérales ont été également restaurées à l’occasion de cette tranche de travaux, qui a bénéficié en 2017 du soutien financier de la Sauvegarde de l’Art français.
Gille Blieck