Bourgogne-Franche-Comté, Yonne (89)
Dicy, Église Saint-Sébastien
Édifice
Église Saint-Sébastien. Pour l’historien médiéviste, Dicy évoque l’une des étapes de Charles VII et de Jeanne d’Arc, lors d’une expédition contre les Bourguignons en 1429. Le spécialiste ou le lecteur de romans contemporains se souviendra de cette petite commune où Michel Houellebecq séjourna durant sa jeunesse, auprès de sa grand-mère paternelle Henriette Thomas, née Houellebecq, et dont l’écrivain reprit le nom. L’amateur d’art brut, lui, visitera le musée de la Fabuloserie, créé en 1983 pour accueillir et présenter les collections réunies par l’architecte et sculpteur Alain Bourdonnais (1925-1988). À proximité de cette institution quelque peu tonitruante, au centre du village, le simple flâneur poussera la porte d’un monument plus discret : l’église Saint-Sébastien, un ancien prieuré, attesté dans les documents à partir de 1107 et dépendant de la Charité-sur-Loire, l’une des cinq filles de Cluny. Construit à flanc de colline, l’édifice se caractérise par ses volumes rectangulaires : une nef unique sur laquelle se raccorde directement le chevet terminé par un mur plat.
Malgré d’importants remaniements, la nef conserve suffisamment d’éléments pour restituer son parti primitif roman. Conformément à de nombreux édifices élevés dans le domaine royal et ses marges à la fin du XIe s. ou au début du XIIe s., il s’agit d’un vaisseau unique de 9 m de haut, à l’origine simplement charpenté, aux murs inarticulés et construits en moellons. On peut encore distinguer dans les maçonneries certaines des fenêtres primitives, même si elles ont été obstruées par la suite. Comme il est souvent de règle à cette époque, les baies sont étroites, placées au sommet de la paroi, et contrastent avec le reste de la construction par l’utilisation de la pierre de taille pour les piédroits et les claveaux des arcs en plein cintre. La première travée, un peu plus large, doit avoir été ajoutée, sinon fortement modifiée, au début du XVIe s., comme l’indiquent la sculpture du portail occidental et les gros contreforts disposés en biais. Elle supporte un clocher originellement en pierre, semble-t-il, remplacé par un ouvrage en charpente recouvert d’ardoise. Les baies actuelles de la nef possèdent des réseaux remontant également aux premières décennies du XVIe siècle.
Il est probable que la nef devait servir de paroisse à la communauté villageoise alors que le chevet correspondait à l’espace dévolu aux quelques moines clunisiens. Cette partie de l’église s’élève d’ailleurs un peu plus haut : environ 13 mètres. Sa plus grande ambition s’exprime également par son mode de construction, en pierre de taille en moyen appareil, et son épaulement au moyen de contreforts très élancés. Mais ce chevet demeura lui aussi fidèle à la charpente, car nulle trace de départs d’ogives ne laisse présumer d’un projet de voûtement. Malgré la simplicité de son parti, l’abside à fond plat est percée d’une belle et vaste baie au réseau rayonnant : quatre lancettes, redentées par un trilobe inscrit dans la tête, surmontées par quatre roses découpées en cinq lobes. Cette composition, qui s’inscrit dans la suite de la Sainte-Chapelle de Paris, doit être plus précisément comparée avec les dernières chapelles orientales de la nef de Notre-Dame de Paris, ce qui permet de dater le chœur de Dicy vers le milieu du XIIIe siècle.
L’église possède une chaire du XVIIe s., plusieurs retables et tableaux ainsi que des statues de bois.
L’édifice présente actuellement une série de désordres, touchant plus particulièrement le clocher, en raison de l’état de sa charpente. La Sauvegarde de l’Art français a versé un don de 10 000 € pour sa restauration en 2013.
Philippe Plagnieux