Île-de-France, Seine-Saint-Denis (93)
Pantin, La défense de Pantin
Peinture
Cette toile marouflée a bénéficié d’un généreux mécénat du Crédit Agricole – Ile de France dans le cadre de la campagne du Plus Grand Musée de France pour sa restauration.
FRANçois SCHOMMER
L’histoire de cette composition commence en 1886, avec le concours ouvert par le Département de la Seine pour le décor de l’hôtel de ville de Pantin. L’heureux lauréat est François Schommer (1850-1935). Sa composition pour les murs du Salon d’honneur séduit le jury ; il est donc commissionné pour réaliser les murs ainsi que les médaillons ornant le plafond du Salon (L’Espérance, Le Passé, L’Avenir) mais aussi le plafond de l’escalier d’honneur (La magistrature s’inclinant devant la paix).
Parisien de naissance, François Schommer a une carrière paisible, qui correspond en tout point à celle d’un artiste officiel. Il passe d’abord par l’atelier d’Isidore Pils, à l’École des beaux-arts de Paris, auprès duquel il s’exerce à la peinture militaire. Aux côtés du peintre Henri Lehmann, il perfectionne son art du portrait. En 1878, il remporte le grand prix de Rome. Il devient à son tour professeur à l’École des beaux-arts en 1910 et membre de l’Institut en 1924. En 1890, Il est nommé chevalier de la Légion d’honneur, promu officier en 1911.
La Défense de Pantin
La Défense de Pantin est un panorama qui traite de l’invasion de l’Empire français par les pays coalisés en 1814. Sur les murs, se déploie la bataille du 30 mars 1814. Le général Compans (1769-1845) défend courageusement son secteur contre les troupes alliées – à Pantin, à Romainville, au Pré-Saint-Gervais ainsi qu’à Belleville. À pied, tête nue, Compans s’adresse à l’officier à cheval, Denys de Damrémont (1783-1837), le signataire de la capitulation de Paris. À gauche, l’infanterie impériale fait face aux armées de la coalition, tandis qu’à droite, les parisiens se mêlent au combat. Dans l’ombre, une femme récupère le fusil d’un soldat blessé. Ce spectacle illustre deux dénouements : celui de la bataille de Paris et celui de la carrière du général, dont c’est le dernier combat.
Une esquisse de 1886, conservée au Petit Palais, montre l’évolution de la pose du général Compans. Il est déjà représenté tenant son sabre levé dans une posture qui évoque le Maréchal Ney de François Rude (1853, avenue de l’Observatoire, Paris). Cependant, l’esquisse lui conserve son chapeau et ne l’anime pas encore de cette agitation fiévreuse qui fait toute la puissance de la version finale. Ce tumulte sera illustré par la suite, avec une autre toile de Schommer, La charge des grenadiers de la garde à Eylau (1897, Musée de l’Armée).
UNE OEUVRE MILITAIRE
La Défense de Pantin s’insère dans la lignée des œuvres militaires qui s’inspirent des campagnes napoléoniennes, d’Antoine-Jean Gros jusqu’à Ernest Meissonier. Mais l’épisode de la Défense de Pantin doit être rapproché du siège que vient de revivre Paris près de cinquante ans plus tard, en 1871. Les nombreuses scènes de bataille et les barricades élevées ont réveillé chez les artistes (Isidore Pils, Alphonse de Neuville, Edouard Detaille, Ernest Meissonier) une ferveur patriotique que l’on retrouve dans la toile de Schommer. En 1889, elle devient l’illustration des deux sièges de Paris, où le peuple a défendu la patrie contre l’envahisseur.
Schommer est un artiste rodé à l’exercice de la peinture murale, aussi bien pour des hôtels de ville (Tours, Roubaix, conçus par Victor Laloux – mais aussi celui de Paris et de Neuilly-sur-Seine) que pour des monuments parisiens emblématiques (la nouvelle Sorbonne, le théâtre de l’Odéon)… Si ses compositions décoratives ne sont pas reconnues pour leur originalité, elles sont louées pour leur harmonie et leur justesse.
La Défense de Pantin est sans nul doute une des plus belles réalisations de François Schommer. Cette page d’histoire remarquable fonde la réputation de l’artiste à Paris et lui vaut même une médaille d’argent à l’Exposition universelle de 1889. François Schommer est un peintre académique, mais il l’est dans tout ce que l’acception du terme peut avoir de positif. Son style sobre et soigné dote ses compositions d’une efficacité certaine. Inconnu du grand public, Schommer est pourtant un artiste dont on doit (re)découvrir l’œuvre. La restauration de cette large composition a permis d’admirer à nouveau la qualité de son coloris et la précision de son dessin.
Lili Davenas, élève conservateur du patrimoine à l’INP, spécialité Monuments historiques er Inventaire