Occitanie, Aveyron (12)
Coupiac, Église Saint-Exupère
Édifice
L’église est sous le patronage de Saint-Exupère, évêque de Toulouse, originaire des Pyrénées. Les cantons de Saint-Sernin et de Saint-Affrique portent les marques de l’influence toulousaine : saint Affrique, évêque de Comminges, saint Sernin, c’est-à-dire saint Saturnin, évêque de Toulouse, saint Exupère… Ce dernier lieu n’est cité qu’en 1341 et 1476. L’église apparaît dans les archives à partir de 1620, comme annexe de Saint-Martin de Plaisance. Au XVIIIe s., on se rendait en pèlerinage à Saint-Exupère pour guérir de la peste, à la suite d’un vœu. Les processions, interrompues à la Révolution puis rétablies au début du XIXe s., disparurent en 1840.
L’église est située dans la vallée étroite du Gos, rivière tributaire du Rance. Elle est adossée, côté nord, à la montagne, ce qui fut cause, au cours des siècles, d’infiltrations et d’humidité, contre lesquelles les curés et les paroissiens durent lutter en permanence : un abattage du rocher, en 1827, permit cependant de dégager et d’assainir l’édifice. Celui-ci mesure 15,50 m sur 6 m hors œuvre. Il présente une nef unique à deux travées, avec voûtes à croisée d’ogives, faites ou refaites au XIXe siècle. Les deux clefs de voûte portent l’une les clefs de saint Pierre et l’autre une ancre avec la date de 1878. Le chœur, probablement du début du XVIe s., possède un chevet plat qui est percé d’un oculus à quatre flammes ou à « soleil tournant ». La voûte est à croisée d’ogives. Deux chapelles latérales forment transept : celle du nord, carrée, probablement seigneuriale, a été dédiée à Notre-Dame, puis au début du XIXe s. au Rosaire ; celle du sud, plus petite, rectangulaire, porte le clocher, contrebuté côté vallée par deux puissants contreforts. Elle a été dédiée à saint Antoine ermite (XVIIe s.), puis à saint Amans (XIXe s.). C’était la chapelle funéraire des Durand, de Monteillet. La clef de voûte porte, au milieu d’une torsade, un blason à l’italienne, soit trois étoiles (ou molettes ?) à huit rayons. Ce pourrait être les armoiries des Durand.
La chapelle de Notre-Dame, fondée au XVIe s. par un personnage qui n’a pas encore été identifié, constitue, par les thèmes et la qualité de ses sculptures, la partie la plus remarquable de l’édifice. La voûte est à croisée d’ogives avec liernes et tiercerons et cinq clefs pendantes. Au centre, Dieu le Père est figuré sous les traits d’un pape barbu couronné d’une tiare, portant le globe et bénissant ; figuration qui se répand à la fin du XVe siècle. Les symboles des quatre évangélistes ornent les autres clefs : l’ange, le lion, le taureau et l’aigle. Autour de chaque clef de voûte est sculptée une couronne de feuillages, semblable à celles que l’on peut voir sur nos manuscrits du XVIe siècle. Sur les quatre culots figurent saint Pierre, saint Jacques avec son bâton de pèlerin, des animaux et des végétaux, ainsi qu’un ange à mi-corps portant sur un écu les lettres MISSA. Á côté de celui-ci, deux personnages auréolés (saints ou plutôt anges sans ailes ?) élèvent un calice. Ainsi que le souligne France Félix-Kerbrat, ce double rappel de l’Eucharistie a une signification théologique très forte. Le protestantisme ne se répand cependant en Rouergue et en particulier à Saint-Affrique qu’à partir de 1561. Au-dessus de l’arc de l’entrée de la chapelle, deux personnages, plus finement sculptés, tiennent, cette fois-ci, les armes de France, le blason étant figuré à l’italienne, comme celui de la chapelle des Durand, de Monteillet. Par cet hommage au roi de France, le fondateur de la chapelle a probablement voulu rappeler que la terre se trouvait dans le ressort de la justice royale de Saint-Sernin. Il est possible qu’il ait été lui-même juge royal.
France Félix-Kerbrat a noté, avec juste raison, que cette élégante chapelle porte la marque de deux sculpteurs ou groupes de sculpteurs différents : les uns plus savants et adroits, au fait de l’architecture, des thèmes et des décors à la mode (clefs de voûte pendantes, armes de France) ; les autres, peut-être des imitateurs locaux, habitués cependant à travailler l’excellent grès du pays (culots, personnages portant le calice). En ce qui concerne les premiers (des sculpteurs itinérants ?), on croit reconnaître leur main dans la sculpture de la Vierge à l’Enfant qui figure sur une clef de voûte réemployée à Balaguier-sur-Rance, dans le choix de clefs pendantes à la collégiale de Saint-Sernin-sur-Rance (même canton) ou dans l’image d’un Dieu le Père, également couronné d’une tiare, à Miolles (commune voisine, mais dans le Tarn). Le retable de cette chapelle est constitué par un encadrement de pierre, dont les jambages sont illustrés de scènes inspirées de la Genèse, trois d’un côté, trois de l’autre. Il faut les regarder à l’horizontale pour trouver une succession cohérente : la création d’Ève et le Paradis, le Péché originel et le Léviathan (en fait deux énormes serpents), l’expulsion du Paradis et l’institution du mariage. Mais une lecture verticale est tout aussi pertinente : la création d’Ève, le Péché originel, l’expulsion, etc. C’est l’enseignement de l’Église, repris par certains notaires rouergats du XVIe s., comme Jacques de Montéty, de Saint-Georges de Luzençon, dans le préambule de leurs contrats de mariage : Dieu a créé l’homme et la femme au Paradis et, malgré la faute originelle, le mariage reste, chronologiquement parlant, le premier des sacrements. Il devait y avoir au centre une image de la Vierge, la nouvelle Ève, ce qui pourrait être encore une affirmation d’orthodoxie. Là aussi, il faut parler de l’œuvre de sculpteurs itinérants. On trouve à Combret-sur-Rance (même canton), deux retables du même type faisant encadrement, mais ils sont sculptés uniquement de décors végétaux ou géométriques.
En 1826, l’évêque de Rodez donna à Saint-Exupère le statut d’église paroissiale. D’actifs curés et une paroisse très pratiquante se lancèrent dans des actions de restauration et d’embellissement : un porche monumental en pierres de taille, à deux arcades (vers 1839-1840), avec un bel escalier à balustres, une terrasse sur arcades, des peintures murales dues probablement à des peintre itinérants, du nom de Boretti ou Borelli (1840), une élégante tribune concave à fine balustrade (1870), les deux voûtes de la nef (1878), une chaire richement ouvragée peut-être attribuable à un artisan du pays appelé Laclau (vers 1893)…
Cette église de campagne oubliée ne devait pas disparaître. L’Association des amis de Saint- Exupère et l’architecte des Bâtiments de France, l’État, le Parc Naturel Régional des Grands Causses, le Conseil général de l’Aveyron, la commune de Coupiac ont par leur action incitative, pour les deux premiers, et leurs financements, pour les autres, contribué à la réfection complète de la couverture, mettant l’église hors d’eau. La Sauvegarde de l’Art français a accordé en 2006 pour ces travaux une aide de 10 000 €.
Jean Delmas
Bibliographie :
Fr. Félix-Kerbrat, « Saint-Exupère de Coupiac », Sauvegarde du Rouergue, n° 88, 2005, p. 32.
Fr. Félix-Kerbrat, « La chapelle Notre-Dame (XVIe s.) de l’église Saint-Exupère de Coupiac (Aveyron) », Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, 2004-2005, p. 292-297.