Centre-Val de Loire, Eure-et-Loir (28)
Nogent-le-Roi, église Saint-Sulpice, Christ en croix
Mobilier
Anne-Cécile Desbordes, Nadjet Nechadi, Coralie Adèle-Amélie et Yoann Dangles, étudiants en master d’Histoire de l’Art à la Sorbonne sont parvenues à récolter 2165 euros avec l’aide du Plus Grand Musée de France pour la restauration d’un tableau conservé en l’église Saint-Sulpice de Nogent-le-Roi.
Récit d’une rencontre
Jeudi 17 décembre 2020 : c’est avec impatience que se rassemblent Anne-Cécile Desbordes, Coralie Adèle-Amélie, Nadjet Nechadi et Yoann Dangles afin de rencontrer pour la première fois l’œuvre qu’ils soutiendront au cours de cette campagne de six mois. La traversée du centre ancien de la dynamique commune de Nogent-le-Roi laisse entrevoir l’église Saint-Sulpice, qui s’élève parmi les maisons à colombages. Après avoir été accueilli par le curé de la paroisse, le groupe se dirige vers la chapelle dite des « fonts baptismaux », dans laquelle le tableau est exposé. Ce jour-là, l’ensemble des acteurs du projet ont fait le déplacement : Fabienne Audebrand, la conservatrice des Antiquités et Objets d’Art d’Eure-et-Loir, Philippe Renaud, le maire, Elodie Delaruelle, restauratrice diplômée de l’Institut National du Patrimoine, ainsi que François Doussau, le vicaire de la paroisse. Niché au sommet d’un retable en pierre, le tableau attribué à un membre de la famille de Hoey et réalisé au XVIIe siècle surplombe l’espace. Après un décrochage laborieux, l’œuvre révèle toutes ses subtilités : la vive polychromie reste encore visible sur les vêtements de la Vierge et de saint Jean et contraste avec l’atmosphère orageuse de la composition.
Cependant, l’ensemble demeure fortement fragilisé par le temps et les restaurations passées, rendant une opération de restauration indispensable pour assurer sa pérennité, selon le diagnostic de la restauratrice. Une telle intervention permettrait par ailleurs de retrouver l’éclat originel des couleurs cachées sous les vernis et l’encrassement. Ce constat marque la fin de la visite et annonce le début d’une intense campagne de mécénat.
L’oeuvre
Le Christ en Croix de l’église Saint-Sulpice de Nogent-le-Roi est une huile sur toile datée des environs de 1600, et rattachable au style de la seconde école de Fontainebleau. Suivant les codes iconographiques traditionnels de la Crucifixion, le Christ est représenté cloué sur la croix, entre la Vierge et saint Jean ; au pied de la croix, sur laquelle est placée l’inscription “INRI”, se trouve le crâne d’Adam.
Les poses très expressives de la Vierge et de saint Jean, vêtus de drapés colorés, font ressortir d’autant plus vivement le corps du Christ, affaissé sur la croix, et dont la peau blême est relevée par la touche rouge du sang. Les trois corps, dont l’élongation rappelle le canon maniériste, sont fermement présents dans la composition grâce à la grande qualité de l’exécution : traitement attentif des carnations et de la musculature, finesse des drapés. Le paysage orageux qui accueille la scène est traité selon les règles de la perspective atmosphérique (les changements de couleur donnent l’impression de profondeur), qui accompagne le développement de la peinture de paysage au début du XVIIe siècle.
Nous sommes donc face à une œuvre à l’expressivité et à la force narrative remarquables ; sa qualité d’exécution pourrait plaider en faveur d’une attribution à Nicolas de Hoey, peintre d’origine flamande prisé à la fin du XVIe siècle.
UNE TOILE DE maître ?
L’artiste
Nicolas de Hoey est un peintre d’origine flamande, originaire de la ville de Leyde, actif entre 1580 et 1612. Installé dans la ville de Dijon où il exerce en tant que maître peintre à partir de 1575, il y est reconnu comme un artiste majeur au XVIIe siècle. Son œuvre, majoritairement exécutée en Bourgogne, est aujourd’hui conservée dans des musées prestigieux comme le Louvre, le Rijksmuseum d’Amsterdam ou le musée des Beaux-Arts de Dijon. Ses tableaux sont également visibles in situ, dans des églises, comme le Christ en Croix que nous présentons dans le cadre du programme Le Plus Grand Musée de France.
Entre influences flamandes et italiennes
Bien qu’il se place dans le sillage de peintres du Nord comme Martin de Vos, Nicolas de Hoey est largement inspiré par le style de la seconde école de Fontainebleau. Initié par des artistes italiens appelés par Henri IV pour décorer sa demeure de Fontainebleau, ce mouvement marque largement l’œuvre de Nicolas de Hoey, qu’il emprunte par exemple pour les décors peints du château d’Ancy-le-Franc, ainsi que pour son Christ en Croix, présenté cette année par notre groupe.
LA RESTAURATION
Une couche picturale menacée
Preuve de l’intérêt patrimonial porté à ce tableau, le Christ en Croix a fait l’objet, par le passé, d’une campagne de restauration. Cette dernière a opéré un rentoilage, opération consistant à coller une toile neuve à l’arrière de la toile usée. Malheureusement, ce dispositif avait vieilli et n’assurait plus son rôle de maintien de la couche picturale, voire en aggravait le sort en créant des soulèvements de la couche picturale. L’œuvre accusait donc une grande fragilité qui menaçait très directement sa pérennité. Une restauration fondamentale était devenue nécessaire à sa bonne conservation.
Retrouver les couleurs de la Renaissance française
Outre le sauvetage nécessaire de l’œuvre, l’état de présentation ne permettait plus d’apprécier les moyens techniques mis à l’œuvre par l’artiste. En effet, l’École de Fontainebleau a pour caractéristique l’emploi de couleurs vives, acides et lumineuses, inspirées des expériences de Michel-Ange pour le plafond de la Chapelle Sixtine. Hélas, le vernis, vieilli et chanci, rendait opaque et terne la vue du tableau. La restauration a permis de récupérer ces couleurs d’origine, et de pouvoir les admirer pleinement.