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Après son interrogatoire par le préfet de Judée romain Ponce Pilate et après sa flagellation, Jésus est désigné à la foule par le fameux «Voici l’homme !» (Ecce homo)- et affublé des attributs dérisoires de sa royauté: la couronne d’épines, la tunique de pourpre (réservée en principe à l’empereur) et le sceptre de roseau. Il s’agit donc d’une mise en scène organisée par les bourreaux du Christ. L’accusé est déguisé puis ridiculisé et parodié. On pense aujourd’hui que ce traitement correspondrait à une coutume ancienne qui consistait à se moquer des condamnés. (1)
Les liens qui enserrent ses poignets font référence à une autre iconographie du Christ : le Christ aux liens ou Christ de pitié, qui représente Jésus attendant son supplice, les poignets noués, assis le plus souvent. Ce tableau du Christ aux liens est peut-être une référence discrète à la dédicace de l’église dans laquelle il se trouve : Saint-Pierre-ès-Liens.

En général, le thème de l’Ecce Homo veut insister sur les souffrances du Christ. La plupart des œuvres qui traitent ce sujet montrent un Christ épuisé par la souffrance, le corps meurtri. Mais ici, le visage du Christ, d’un calme olympien, ne reflète rien sinon une confiance sereine en Dieu. Son corps, pâle et porcelainé, est indemne, alors qu’il est censé avoir été flagellé juste avant. Donc le peintre a volontairement affaibli la teneur en violence de cette iconographie. Les gardes qui l’entourent ne semblent pas non plus particulièrement agressifs. Celui dont on voit le visage (rouge comme le diable néanmoins) passe un bras faussement amical autour du Christ. La violence est plus suggérée qu’exhibée. Le fond sombre et le silence pesant de cette œuvre permettent au peintre d’exprimer la solitude du personnage mais surtout son courage, face à la mort.

Un thème de la Contre-Réforme

Ce tableau appartient à l’univers parfois sobre et sévère du XVIIème s. : même clair-obscur caravagesque, même silence, même proximité avec les personnages, même efficacité du récit (plusieurs épisodes condensés en un seul).

Au XVIème s. a émergé le protestantisme. Le Concile de Trente (1545-63) entérine le schisme entre l’Église catholique et les Réformés protestants. Ce concile établit certains aspects du Dogme catholique en insistant sur tout ce que rejettent les protestants. Dans ce contexte, la création artistique religieuse veut insister sur les souffrances du Christ et son humanité, rapprocher les fidèles des personnages sacrés, rendre le récit biblique compréhensible au premier coup d’œil. Les protestants, à l’opposé de ces prescriptions vont rejeter complètement les représentations religieuses et la peinture religieuse de manière générale. La peinture était alors un véritable outil politique entre les mains de l’Église catholique.

(1) En effet, le philosophe juif Philon d’Alexandrie raconte comment la foule se gaussait d’un malheureux durant l’été 38 apr. J.-C. : « Ils l’installèrent […] bien en vue de tout le monde. Ils aplanissent une feuille de papyrus qu’ils lui mettent sur la tête en guise de diadème. Ils lui couvrent le reste du corps d’une carpette en guise de chlamyde [un grand manteau] et en guise de sceptre, l’un d’eux lui remet un petit bout de tige de papyrus. »

Projet mené par Marie-Garance Girard, étudiante de l’École du Louvre

Le projet en images

Le Christ aux outrages avant et après restauration