Bretagne, Morbihan (56)
Sarzeau, Chapelle du château de Truscat
Édifice
Visible sur le cadastre de 1828, la chapelle du château de Truscat a été construite dans le premier quart du XVIIe s. dans la presqu’île de Rhuys, sur un domaine noble doté de marais salants. En 1623, Daniel de Francheville (1584-1656), seigneur du lieu, sollicitait de l’évêque de Vannes la fondation d’une messe pour ce sanctuaire qu’il venait de construire sous l’invocation « de saint Joseph et de la Sacrée Vierge ».
De dimensions modestes, cette chapelle domestique s’élève dans la cour d’honneur du château, à droite de l’accès aux communs qui en occupent le sud. Le chevet, en abside et à voûte en cul-de-four, occupe un tiers de la longueur totale de l’édifice. L’intérieur est éclairé par deux baies en cintre brisé ouvertes sur les murs gouttereaux et par un oculus percé dans le mur ouest. L’utilisation du tuffeau (calcaire du val de Loire), notamment pour les corniches à consoles de la chapelle, est cohérente avec la datation mentionnée ci-dessus. En effet, ce matériau exogène à la Bretagne est largement utilisé à cette époque par les riches propriétaires de Vannes pour la construction de leurs résidences urbaines. Il est à noter que les modillons reprennent le dessin caractéristique des consoles à degré de certains mâchicoulis bretons, en pyramide inversée ; ils imitent sans doute ceux du château de Suscinio dont la gestion militaire et financière fut confiée, au tournant du XVIe s., à plusieurs membres de la famille de Francheville. Le clocheton, en forme de lanternon à dôme, peut être également daté du premier quart du XVIIe s. et rapproché du modèle de dôme des échauguettes. En revanche, au nord et au sud, les baies à cintre brisé sont des créations du XIXe s. : leurs remplages néo-gothiques en calcaire reprennent les motifs de remplages du gothique flamboyant.
Sur le mur nord de la chapelle, la porte est encadrée de deux pilastres et surmontée d’un fronton en plein cintre. Ce dernier comporte une niche où a trouvé place une pierre portant des armes en alliance, avec la couronne de marquis et le collier de l’ordre de Saint-Michel : on y reconnaît celles de Claude de Francheville († 1682) et de son épouse Perrine Huart. La pierre fut sans doute installée au-dessus de la porte lorsque Claude devint seigneur de Truscat en 1656. Les armes de Claude-Vincent de Francheville († 1686), neveu du précédent, et époux, vers 1679, d’Anne de Goulaine, veuve de Sébastien de Rosmadex, sont également présentes, mais à l’intérieur de l’édifice. Les armes des deux familles figurent de part et d’autre du chœur, en alliance, sur la sablière de la chapelle ; elles sont surmontées des couronnes marquisales.
Claude-Vincent de Francheville fut sans doute seigneur de Truscat de 1682 à 1686. C’est peut-être lui qui fit réaliser une nouvelle charpente pour la chapelle, ainsi que le lambris de couvrement. Celui-ci, en bois polychrome, ne subsiste actuellement que sur le chevet. Il est décoré d’étoiles sur un fond bleu illustrant la voûte céleste, ce qui semble être un apport du XIXe s., au même titre que l’autel néo-gothique en calcaire et que le tableau représentant la Vierge à l’Enfant qui le surmonte. Les vitraux appartiennent à la même période ; leurs motifs sont librement inspirés de l’art du vitrail du XIIIe siècle. Trois statues en bois polychrome semblent être contemporaines de la construction de la chapelle : un Christ en croix ; une statue d’évêque (dite de saint Éloi) surmontant la console aux armes de la famille de Goulaine ; une Vierge à l’Enfant, du même atelier régional que la précédente et installée au-dessus des armes des Francheville. La position étrange, au niveau de la sablière, des deux dernières statues pourrait dater de la seconde moitié du XIXe siècle.
Les travaux réalisés sur cette chapelle ont été de deux ordres : tout d’abord une consolidation de la charpente, par l’adjonction de tirants métalliques, puis la consolidation de la partie supérieure des baies en cintre brisée, affaiblie par la poussée de charpente. Pour ces travaux, la Sauvegarde de l’Art français a apporté une aide de 5 000 € en 2016. Cette chapelle, modeste par sa taille, témoigne de l’attachement de la famille de Francheville à celle-ci, et pour laquelle chaque génération a apporté son œuvre architectural.
Diego Mens