Normandie, Seine-Maritime (76)
Ouville-la-Rivière, chapelle du château de Tous-les-Mesnils
Édifice
CHAPELLE DE TOUS-LES-MESNILS. Le plateau de Caux est constellé de grands domaines, sièges de vastes exploitations agricoles établies sur cette terre riche. Dominant la vallée de la Saâne, le domaine de Tous-les-Mesnils présente encore un ensemble architectural bien préservé, dans des dispositions très proches de sa période d’apogée, au début du XVIIIe siècle.
Il s’agit d’un ensemble parfaitement ordonnancé, axé sur une longue avenue aboutissant au château, grande et sobre demeure, sans fronton, traitée en briques à motifs géométriques au niveau de la corniche, dont le soubassement et les encadrements de baies sont réalisés en grès aux tonalités cendrées.
De part et d’autre de l’allée centrale, après avoir franchi la grille de la cour, se dressent en symétrie la chapelle au sud et le colombier au nord.
Simple chapelle seigneuriale, c’est un édifice modeste, édifié avec les même matériaux que le château. Elle se compose d’un vaisseau unique, d’une seule travée, complété par une abside à trois pans. La toiture en ardoises porte un élégant clocher quadrangulaire posé au milieu du faîtage, ménageant une partie ouverte à mi-hauteur faisant office d’abat-son. L’édifice est éclairé par quatre fenêtres en plein cintre, deux dans les murs latéraux et dans les pans coupés de l’abside, et par un oculus au-dessus du portail d’entrée. Le caractère de chapelle seigneuriale est souligné par les deux carreaux de pierre saillants, au-dessus du portail occidental et de la petite porte latérale – accès privé du seigneur du lieu – sur lesquels étaient vraisemblablement peintes ses armoiries.
Les murs extérieurs sont constitués d’un soubassement en blocs de grès appareillés, puis d’une maçonnerie de brique sur laquelle se détachent de grands cartouches verticaux, dressés sur toute la hauteur des murs : deux d’entre eux encadrent le portail et le retour des murs latéraux, et un dernier vient occuper le pan axial de l’abside. Ces cartouches sont traités en enduit de chaux lissé, aujourdhui sans décor apparent, mais qui ont pu recevoir à l’origine un badigeon ou un léger décor peint dont il ne subsiste aucune trace. La corniche est simplement traitée avec une alternance de lits de brique saillants, autour d’une frise de petits blocs de grès.
Sur le pignon ouest, les rampants découverts sont stabilisés par des coins de brique disposés obliquement, selon la pratique en usage dans les provinces du nord, tandis que se détache sur le fond de brique orangée une grande croix en abouts de brique vernissés, reprenant les discrets motifs losangés disposés dans les écoinçons des cartouches.
Les trois baies de la chapelle ont conservé leurs vitraux à bornes, dont le motif a été étonamment et magnifiquement repris pour la composition des vantaux du portail.
L’édifice ne porte aucune date, mais ses caractères stylistiques – grands cartouches verticaux, décors de brique losangés, utilisation du motif à bornes dans les vitraux et le portail – inciteraient à dater sa construction du début du XVIIIe s., ce qui correspondrait à l’achèvement du château, vers 1720.
L’intérieur de la chapelle a conservé un ensemble décoratif très sobre, son dallage de pierre en losanges, l’emmarchement du chœur marqué par son banc de communion à balustres de bois découpé ; une large voussure de gypserie entoure le plafond, peint d’un ciel nuagé. Les murs enduits à la chaux sont rythmés par des pilastres de bois jumelés, cannelés et rudentés, soulignant les pans de l’abside ; leurs chapiteaux ioniques portent une large corniche en faible relief. À cet ensemble, très soigneusement restauré, ne manque que l’autel et son retable qui venait s’appliquer sur le mur nu du pan axial de l’aside.
Après des années d’abandon – comme l’ensemble de la propriété – la chapelle a bénéficié d’une restauration discrète et très soignée, qui est allée jusqu’à la refonte de la cloche ancienne, brisée, qui sonne de nouveau dans le petit beffroi. La Sauvegarde de l’Art français y a contribué par une somme de 4 000 €.
Yves LESCROART