Normandie, Eure (27)
Brestot, Église Sainte-Marie
Édifice
Un clocher à deux étages, daté du XIIe s., confère son élégance à cette église, tandis que le jeu de ses deux matériaux de construction rappelle par leur discrète polychromie que nous sommes en Normandie. L’église est encore entourée de son cimetière. Placée sous la titulature de la Vierge Marie, elle figure pour la première fois dans une donation faite en 1040 par Onfroy de Vieilles, seigneur de Pont-Audemer, à l’abbaye de Saint-Léger de Préaux où deux filles d’Onfroy avaient pris le voile. De l’église du XIe s. il ne reste qu’une partie du mur nord de la nef, le chœur et le clocher datent du XIIe s., la nef a été en partie reconstruite au XVIIe ou au XVIIIe siècle. Au XIXe s., le comte de Cossé-Brissac a participé à des travaux importants de restauration, au moment où il faisait construire une chapelle funéraire (1867).
Le plan de l’église est allongé : il se compose d’une longue nef, d’un chœur un peu plus étroit, comportant deux travées, avec chevet plat. Un clocher de plan carré s’élève au sud ; il communique avec la travée occidentale du chœur. Une sacristie a été construite au XIXe s., dans l’angle formé par la travée orientale du chœur et le clocher. Enfin, au nord de cette travée de chœur, s’élève la chapelle funéraire des Cossé-Brissac.
La façade occidentale se compose dans sa hauteur, de part et d’autre d’un cordon en fort relief, d’une partie basse construite d’un blocage de silex rythmé par des assises horizontales de pierre de taille, qui ont été poursuivies au-dessus du cordon, dans la partie droite du mur-pignon. La façade est épaulée par deux contreforts à glacis. Arcisse de Caumont datait le portail, en arc brisé, du XIVe siècle ; ses chapiteaux ont été restaurés au XIXe siècle. Dans le mur-pignon a été ouverte une grande fenêtre en arc brisé dans laquelle s’inscrit une étroite arcade en plein cintre, cantonnée de deux pilastres reposant sur des bases à décor anthropomorphe ; cette tentative de décor de la grande fenêtre au tracé gothique semble dater du XVIIIe s. plutôt que du XVIe siècle.
Le mur nord, le plus ancien, porte plusieurs traces d’ouvertures du XIe siècle. Il est construit en rognons de silex noyés dans de la chaux. À la jonction du chœur et de la nef, on lit encore le tracé d’une petite fenêtre murée. Dans les trois ouvertures en plein cintre du chœur s’inscrivent des fenêtres très étroites qui font presque figure de meurtrières,
Le mur sud est constitué d’une partie occidentale, construite en assises alternées de silex et de pierre, comme la façade occidentale, et d’une partie orientale plus ancienne. Comme dans le mur nord, on retrouve dans cette partie la présence de deux anciennes baies bouchées qui, au sud, ont été agrandies au XVIIIe, selon un tracé en plein cintre, avec clef saillante. Une porte ouverte au XVIIIe s., faisant sans doute communiquer le chœur avec le cimetière, a été condamnée par l’ajout d’un contrefort. À la jonction de la façade occidentale et du mur méridional, a été placé un très beau cadran solaire qui porte les dates de 1697 et 1760.
Le chœur est généralement daté de la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle. L’élévation du chevet est divisée par plusieurs lignes horizontales de cordons ; le premier sépare la partie basse du mur, en moellons de silex, et un beau parement de pierre de taille, dans lequel a été ouverte une fenêtre de type roman ; le second est constitué par une corniche peu accentuée, reposant sur des modillons sculptés. L’arc en plein cintre de la fenêtre est orné de bâtons brisés dont le systématisme paraît avoir été fortement restitué au XIXe siècle. À la base de l’arc court, de chaque côté, une ligne ornée d’un motif de petits triangles. De même, au-dessus de la corniche, un étroit cordon de pierre sans décor sépare la base du mur des assises alternées de silex et de pierres du pignon. Des contreforts à glacis décroissants encadrent le mur du chevet. L’ensemble paraît avoir fait l’objet de restaurations.
Le clocher en ardoises s’élève sur une belle tour carrée, comportant deux niveaux. Chaque angle est orné d’une colonne engagée. De forts cordons séparent le premier et le second étage. La partie basse, construite en pierre et silex, est soutenue par sept contreforts de pierre à un seul glacis ; elle comporte quelques vestiges d’un opus spicatum. À l’ouest, une porte permet d’accéder directement à l’intérieur de la tour. La façade méridionale est soutenue par trois contreforts. Une petite fenêtre a été ouverte dans le contrefort du milieu, c’est sans doute une copie d’une ouverture plus ancienne, exécutée au cours de la restauration de la fin du XIXe s., qui a été exécutée par les soins du comte Charles de Brissac. Sur la façade est, à laquelle est accolée la sacristie, Mme Philippe-Lemaître, auteur d’une monographie de l’édifice, mentionne la disparition d’une porte de type roman entourée de plusieurs rangs de bâtons rompus ; on peut se demander si l’encadrement de cette porte n’aurait pas été remonté autour de la fenêtre de l’abside, ce qui expliquerait l’absence de décor sur la partie droite de la fenêtre, qui correspondrait à la partie de la porte amputée par l’adjonction d’un contrefort au XIVe siècle. Le premier étage du clocher est orné sur chacune de ses faces d’une arcature de cinq arcades, tandis que le second étage est éclairé sur chaque côté par deux fenêtres ornées de colonnettes de style roman.
À l’intérieur, la nef est couverte d’une charpente lambrissée reposant sur six entraits. Les sablières sont ornées de motifs végétaux. Au mur séparant la nef du chœur sont appuyés deux autels datant du XIXe s., dédiés à saint Nicolas et à saint Joseph. Les voûtes du chœur, sur croisées d’ogives, reposent sur des piles à colonnes engagées, par l’intermédiaire de tailloirs cubiques et de chapiteaux figurés ; les bases des colonnes à décor annulaire ont 30 centimètres de hauteur. Au sud, l’ouverture est encadrée de deux colonnettes surmontées de chapiteaux. Au-dessus du maître-autel repose un retable en bois daté de 1655, de Pierre Lambert. De part et d’autre du retable ont été placées les statues de saint Michel et de saint Jean à la Coupe. L’église contient également plusieurs statues en pierre du XVIe siècle : un groupe figurant saint Côme et saint Damien (XVIe s.), sainte Clotilde, sainte Catherine, la Trinité, et un saint Sébastien en bois du XVIIe siècle.
Les maçonneries de l’édifice nécessitaient des reprises et une intervention importante à la jonction du chœur et de la chapelle des Cossé-Brissac. La Sauvegarde de l’Art français a accordé, en 2010, une aide de 4 000 €.
Françoise Bercé