Beaumont-sur-L’Osse, Église Notre-Dame de Vopillon

Église Notre-Dame de Vopillon. Une tradition, fondée sur quelques documents, raconte l’histoire de la fondation de cette église[i], autrefois siège d’un monastère féminin. Le seigneur du lieu, Arnaud de Vopillon aurait fondé ce dernier en 1140, après un pèlerinage décisif au prieuré du Paravis[ii], alors qu’il était accompagné de sa femme et de ses trois filles. Le Paravis était un prieuré de l’ordre de Fontevraud, le grand monastère double, féminin et masculin, qui, fondé en 1101 et favorisé par les Plantagenêt, bénéficia bientôt de nombreuses fondations en Aquitaine et dans tout l’espace occidental dépendant du roi d’Angleterre. Double lui aussi, et établi par Robert d’Arbrissel lui-même en 1130, le Paravis, et donc par ricochet Vopillon, appartiennent ainsi à la première expansion de l’ordre fontevriste au XII^esiècle. Double lui aussi, et établi par Robert d’Arbrissel lui-même en 1130, le Paravis, et donc par ricochet Vopillon, appartiennent ainsi à la première expansion de l’ordre fontevriste au XII^esiècle. Les familles s’efforçant de placer les cadets, tout particulièrement les filles, dans l’église, sans partage du patrimoine familial, on peut supposer que la nouvelle fondation monastique accueillit de nombreux membres de la famille fondatrice.

L’édifice subsistant n’est qu’un modeste vestige d’un établissement qui prit sans doute son essor au XIII^es., mais dont l’histoire a surtout retenu les malheurs. Il eut, dès le XIV^es., à souffrir des hostilités franco-anglaises : ainsi, vers 1370, les moniales, qui vivaient selon la tradition dans le plus grand dénuement, ne pouvaient subsister à cause de la guerre. En 1569, ce sont les troupes protestantes de Montgomery qui incendient et pillent église et bâtiments; les religieuses s’enfuient, certaines sont pourchassées et tuées. En 1790, enfin, le monastère est saisi comme bien national et les dernières religieuses le quittent. Il sera vendu en 1792, et à peu près complètement démoli par son acquéreur, pour la vente des matériaux composant les bâtiments devenus inutiles. L’église semble avoir été convertie en grange, et n’a conservé que ses deux travées orientales et son abside. Elle a été rendue au culte au XIX^esiècle.

L’église de Vopillon ne nous a pas été transmise intacte. La voûte de la nef passe pour avoir été détruite durant le pillage de Montgomery. Le cul-de-four s’est effondré en 1826. L’abside, lézardée, aux parements soufflés, a subi une restauration importante en 1966. Quand on observe le mur-pignon ouest, on remarque d’ailleurs une importante déformation de l’arc doubleau prisonnier de ce mur, qui semble montrer que l’édifice a connu anciennement des problèmes de stabilité, liés ou non aux agressions qu’il a subies.

Malgré toutes ces mutilations, l’église de Vopillon est intéressante à deux titres : c’est une construction romane, où l’on a découvert en 1966 des peintures murales gothiques.

La qualité de son architecture se remarque par ses proportions, et le soin de son appareil. Même réduite à une abside dépourvue de voûtes, la construction reste impressionnante par son élévation et sa régularité. C’est un bel exemple du « style lisse » du XII^es., qui met en évidence les valeurs plastiques du mur nu et uni, renonçant à toute décoration superflue : il n’y a ni impostes sculptées ni chapiteaux. Les baies à double archivolte se détachent dans le parement, comme en creux, symétriques sur les trois côtés de l’abside (et la première travée de la nef). Elles sont séparées par des contreforts peu saillants, dont les retraites successives font tout le luxe et toute l’élégance du dispositif. Évidemment, il est difficile d’appréhender cet édifice sans connaître tout ce qui a disparu du monastère. Au fond du cimetière, à l’ouest, un mur en grand appareil est sans doute un vestige médiéval qui en dépendait.

En 1965-66, la restauration bien nécessaire de l’édifice mit au jour des peintures murales à l’intérieur, décorant notamment la porte gothique qui mène aujourd’hui à la sacristie. Il semble que bien d’autres murs de l’église, en particulier dans l’abside (où elles ne sont qu’en partie dégagées), recèlent d’autres décors sous les badigeons.

La porte qui conduit aujourd’hui à la sacristie, laquelle n’est qu’une construction moderne rapportée sur le flanc nord de l’abside, est une grande baie en arc brisé, d’un mètre soixante d’ouverture et de près de trois mètres de haut. Décorée sur sa face antérieure, elle a surtout conservé un décor historié sur son intrados, large puisque le mur a, ici, près de deux mètres d’épaisseur. Dans ce qui n’était qu’un passage, peu visible, on a cependant voulu représenter un cycle presque complet de « l’histoire du Salut », de l’Annonciation à la Flagellation, sans que l’on devine à présent où avaient été placées les scènes de la Crucifixion et de la Résurrection, indispensables pourtant à la conclusion et à la portée symbolique et théologique d’un tel cycle. Les scènes, qui ne sont pas très bien conservées, avec de nombreuses lacunes, sont réparties sur quatre registres horizontaux, de part et d’autre de l’arc. Ces registres possèdent tous un décor d’architecture semblable, qui les redivise en deux parties, sous un arc trilobé, avec des fonds alternativement verts et rouges : mais une même scène (du point de vue iconographique) utilise, ou non, une seule ou les deux parties. Sur la retombée ouest, c’est un cycle lié à la Nativité, où l’on voit successivement l’Annonciation, la Visitation, la Nativité, l’annonce aux Bergers, l’adoration des Mages, enfin la Présentation au Temple. Sur la retombée est, c’est un cycle de la Passion, au sens large, qui commence avec l’Entrée à Jérusalem, la Cène, le Lavement des pieds, l’Agonie au Jardin des Oliviers, l’arrestation du Christ, une scène difficile à interpréter (Dérision du Christ, Comparution devant Pilate ?), puis la Flagellation. Ces peintures datent sans doute du début du XIV^esiècle. Il est évidemment souhaitable qu’un travail approfondi permette de reconnaître si d’autres décors significatifs sont conservés sur les murs de cette église, l’ensemble pouvant prendre alors une meilleure signification.

Pour des travaux de renforcement des combles et de drainage périphérique, la Sauvegarde de l’Art français a apporté, en 2007, une somme de 6 000 €.

Olivier Poisson

Bibliographie :

Mesplé, P., Églises du Gers, Paris, Nouvelles éditions latines, [s.d.], p. 6.

Mesuret, R., Les peintures murales du Sud-Ouest de la France du XI^eau XVI^e siècle, Paris, Picard, 1967, p. 54.

Lassure, J.-M.,«Les peintures murales de l’église de Vopillon (Beaumont-sur-l’Osse, Gers)», Bulletin de la Société Archéologique, Historique, Littéraire & Scientifique du Gers, 85,1984, p. 171-203.

Suau, J.-P.,«Notes sur l’iconographie des peintures murales gothiques de l’église de Vopillon (Gers)»,Bulletin de la Société Archéologique, Historique, Littéraire & Scientifique du Gers, 89,1988, p. 74-81.