Nouvelle-Aquitaine, Gironde (33)
Arbis, Chapelle du Château de Benauge
Édifice
Le château de Benauge est situé au cœur de la région géographique que l’on appelle l’Entre-Deux-Mers. Sa notoriété historiographique est telle que Léo Drouyn lui a réservé un chapitre dans son célèbre ouvrage, La Guienne militaire (1865). Forteresse puissante, datant peut-être du XIe s., c’était une des seigneuries importantes de la région, qui prit rang de vicomté au XIIIe s., puis de comté au XVe siècle. Le château, qui est implanté sur une colline aux pentes assez raides, occupe une position qui le rendait aisément défendable. Dans la première moitié du XIIe s., la seigneurie était passée à la famille des Bouville-Gabarret. En 1252, le roi d’Angleterre, duc d’Aquitaine, Henri III Plantagenet, assiège et prend le château et confisque les biens de Bernard de Bouville. En 1266, le château est donné par le duc à Jean III de Grailly, « le captal de Buch », pour services rendus. C’est à ce grand capitaine que la forteresse doit la construction d‘une première enceinte de pierre et de la basse cour attenante, après nivellement des anciens fossés du côté est. Jean de Grailly participe aux meurtrières campagnes du Prince Noir ; c’est à lui qu’on attribue la manœuvre qui, à Poitiers, permit la capture du roi de France, Jean le Bon. En1453, Benauges se rend au roi de France, Charles VII, après un mois de siège et, en 1462, Jean IV de Foix-Grailly fait hommage au roi de France, Louis XI. Ce Jean IV est le père de Gaston de Foix, Grand Sénéchal de Guyenne. En 1587, Marguerite de Foix-Candale épouse Jean-Louis Nogaret de La Valette, duc d’Épernon, le colonel général de l’infanterie d’Henri III. Le château, qui avait fait l’objet de transformations importantes, est progressivement abandonné par les Lavalette au cours du XVIIe s. et passe en 1700 à un parlementaire bordelais, Étienne de Gombaud. Les nombreux travaux effectués alors rendent très difficile la compréhension du monument médiéval, d’autant que pendant la Révolution, le château est confisqué et vendu à un démolisseur. Celui-ci vend les éléments de décor et le mobilier du château du XVIIIe s., mais utilise comme carrière de pierres la partie médiévale. Seules demeureront certaines parties de l’enceinte fortifiée du XIIIe siècle.
Le dossier proposé à la Sauvegarde de l’Art français est celui de la chapelle du château. Au revers de l’enceinte, entre la tour nord-ouest et la tour nord, s’élevait le logis médiéval dont il ne reste que les murs extérieurs : le rez-de-chaussée avait une fonction résidentielle, « comme en témoigne une large fenêtre à coussiège », notait Léo Drouyn, tandis que l’étage est identifié comme la grande salle médiévale. Celle-ci communiquait avec un petit oratoire construit dans la partie haute d’une tour de plan carré, en saillie par rapport au rempart, à l’ouest du logis. Pour Léo Drouyn, la tour était construite sur deux arcs en demi-berceau prenant eux-mêmes appui sur un muret élevé sur l’escarpe du fossé… Cette chapelle est couverte d’une voûte sur croisée d’ogives et arcs doubleaux, reposant sur des chapiteaux à feuillages. Une très belle clef ornée d’un feuillage enserrant une tête, actuellement déposée, sera remise en place. La chapelle était éclairée par deux baies en arc brisé, la plus large comportant trois lancettes surmontées de trois quadrilobes, la seconde de deux lancettes surmontées d’un quadrilobe : les remplages de ces fenêtres, parfaitement lisibles de l’extérieur, sont de qualité. Ces réseaux, condamnés par mesure de sécurité, seront dégagés. Les murs portent encore les traces d’un décor polychrome, à dominante rouge. L’ensemble de la chapelle, dont la surface est d’environ 22 m², pourrait dater de la fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle. Son histoire est peu documentée ; cependant la visite pastorale de l’archevêque de Bordeaux, le 18 juillet 1783, nous assure qu’elle était en usage à cette époque. Parmi les objets liturgiques attachés à l’exercice du culte, Mgr Champion de Cicé notait alors un calice et une patène en vermeil. Dans le compte rendu, il est noté que « la chapelle est de toute ancienneté, » bien que la date n’en fût pas précisément connue.
Les travaux, commencés il y a vingt-cinq ans, ont permis de reconstruire la voûte de cet oratoire : les arcs formant la croisée ont été restitués ainsi que les voûtains. À l’extérieur, les murs de soutènement ont été consolidés et les glacis repris. Cette restauration a été conduite avec un très grand respect pour les témoins anciens de la construction et tout permet d’espérer que la chapelle pourra être utilisée en 2013.
La Sauvegarde de l’Art français a accordé, pour ces travaux de consolidation conduits par des propriétaires privés, un don de 20 000 € en 2011.
Françoise Bercé