Bourgogne-Franche-Comté, Haute-Saône (70)
Anjeux, Église Saint-Rémi
Édifice
L’église d’Anjeux est érigée sur un petit tertre de sol calcaire à 280 mètres d’altitude. Son clocher atypique, carré, est travaillé en grand appareil de grès gris. La disposition originale de ce clocher, implanté sur la partie droite de l’édifice, avec un toit en bâtière, ne se rencontre que très rarement dans la région : à Marey, Bletterans, Saint-Rémy avant le XVe s. et à Val-Saint-Eloi, Bourbévelle, Montdoré mais aussi autour de Dôle, à Chaussin, Souvans, Vaudrey pour les XVe et XVIe siècle puis Santans pour le XVIIe siècle.
Deux volées d’escalier donnent accès à l’entrée, ceinte d’une archivolte en accolade encadrée de pinacles. Moulures et feuilles d’acanthe ornent la baie tandis que la pointe de l’arc supporte un petit chapiteau et une pierre monolithe servant d’appui à un Christ sur croix latine.
Entre l’arc infléchi de la première partie de cette ouverture et le sommet de l’extrados de la seconde partie, l’effigie tricéphale d’un évêque, portant sa mitre est sculptée. En façade, deux corbeaux proéminents en pierre marquent l’emplacement d’un ancien auvent protégeant l’entrée
Le vaisseau
La nef est voûtée d’ogives. Les trois travées qui la composent sont séparées par des demi-colonnes. Les nervures des voûtes viennent se fondre dans chacune d’elles. Cet abandon du chapiteau caractérise les édifices religieux des XVe et XVIe siècles.
Dans la première travée, côté sud, deux trous, destinés au passage des cordes et une trappe, pour accéder aux cloches, s’ouvrent au centre d’une voûte sur croisée d’ogives. Ils surplombent les fonts baptismaux du XVIe siècle classés au titre des monuments historiques en 1974, accessibles sous le clocher grâce à deux arcs faiblement brisés, montés en équerre sur un gros pilier. A l’intersection des arches et du pilier, sur la face nord-est sont visibles : la sculpture d’un écu à la surface lisse, un animal fantastique de type salamandre à la tête tronquée et le visage d’un personnage montrant les dents de sa mâchoire supérieure. Ils dominent l’évidement du pilier où se loge le récipient en plomb contenant l’eau bénite. Un second visage, tourné vers le sud, semble tirer sa langue au visiteur.
La lumière traverse deux ouvertures, voûtées en plein cintre et visibles sur les faces ouest et sud du clocher.
Sur la façade nord, chaque travée est percée d’une baie aveugle en arc brisé à l’intérieur de laquelle s’inscrit une baie jumelée aux arcs trilobés, entourée d’une torsade. La partie supérieure des baies offre au regard les lignes sinueuses du gothique flamboyant évoqué par l’ondulation des ouvertures dans la pierre rappelant l’aspect d’une flamme agitée par le vent.
La seconde travée est occupée au sud par la porte donnant accès au clocher et aux combles de l’édifice. Son linteau de pierre taillé forme une accolade. L’accès aux étages s’effectue par un escalier qui se loge dans une tourelle carrée, dissimulée dans la maçonnerie. Les murs s’allègent en se retraitant sur des glacis. Une meurtrière éclaire l’étage et une baie avec ouïes diffuse une lumière sur le dernier niveau. Cette baie en plein cintre en ajour est réutilisée sur la façade latérale du premier niveau.
Dans l’église, au dessus du mur aveugle côté sud qui masque l’accès au clocher, la voûte sur croisée d’ogives lie les deux côtés de la nef dans la travée centrale en dessinant une étoile composée de liernes tiercerons. Au centre, trois lapins, sculptés sur la clef de voûte, s’inscrivent dans un cercle en se partageant trois oreilles.
La troisième travée est ouverte au nord par une baie identique aux précédentes alors que celle de la façade sud diffère de façon notable au niveau de la torsade dont les brins sont beaucoup plus lâches que ceux des baies opposées. La facture de la torsade de l’unique baie de la façade sud est semblable à celle que l’on peut observer à l’intérieur de l’archivolte encadrant l’entrée de l’église.
Les chapelles latérales
Le faux transept est marqué au nord par une chapelle consacrée à la Vierge du Saint-Rosaire, pourvue d’un portique à quatre colonnes composites. A l’entrée de cette chapelle et appuyées sur l’arc doubleau qui matérialise les modifications de destination des espaces dans la maçonnerie des parties aériennes, des marches en chêne permettent d’accéder à la chaire hexagonale. Façonnée dans la même essence que les marches, la chaire est surmontée d’un dais ajouré.
Au sud, la chapelle dédiée à Saint-Hubert et au Sacré-Cœur est agrémentée tout comme la chapelle sud, d’arêtes en grès rose intense, quasiment violet. Ce sont les seules parties de l’édifice à présenter ce particularisme lithique. L’origine des blocs de pierre ne faisant aucun doute, il est certain que le simple examen visuel indique pour le moins une reprise des travaux à une période différente du reste du bâtiment, avec une origine des blocs différente. A cet endroit, la brisure des voûtes ogivales est davantage accentuée que dans les autres parties de l’édifice.
Une baie, identique à celles de la façade nord illumine chacune des chapelles. Les sources écrites révèlent que cette campagne de travaux est le fait d’une décision municipale du 2 mai 1843 : « La population de la paroisse allant toujours en augmentant et l’église déjà spacieuse, il sera construit à neuf deux chapelles latérales en dehors des murs de l’église ». Le cadastre de 1828 témoigne effectivement d’un plan présentant un vaisseau longitudinal d’un seul tenant du portail d’entrée au chœur. Au cours de ce XIXe siècle, « le gros mur qui séparait la partie basse de l’église du sanctuaire, faisant obstacle à la vue des fidèles pour voir le prêtre à l’autel, fut détruit afin de laisser le coup d’œil d’un bout à l’autre de l’église ».
Le choeur
L’entrée du chœur au chevet plat est marqué au sol par deux marches que borde au sommet de la seconde un chancel de pierres sculptées. L’ensemble était autrefois fermé par une porte à deux battants guidés au sol par deux demi-cercles métalliques plats, incrustés dans les dalles du sol. La lumière provient alors de baies latérales aux lignes moins élancées que les baies précédemment décrites. Alors que les parties ajourées des baies de la nef évoquent de courtes flammes ascendantes, les trois ouvertures révélées par les sculptures de la baie sud du choeur, s’inscrivent dans un cercle qui rappelle la mise en scène des trois lapins de la clef de voûte centrale. Sur la baie nord, l’originalité de la sculpture est donnée par une sorte d’étoile à six branches, aux extrémités arrondies. Ces baies éclairent une table de communion en pierre et le maître-autel en marbre blanc. De part et d’autre, la porte d’un placard et celle donnant accès à la sacristie, surmontées chacune par une statue, donnent à l’ensemble une symétrie parfaite, accentuée par les stalles en bois sculpté. Au centre, le retable offre au visiteur l’image peinte sur toile de la Résurrection du Christ. Un globe surmonté d’une croix est porté par la pointe de l’ogive du retable. Un globe identique surplombe le sommet du dais de la chaire.
Dans cet espace, trois niches, toutes différentes et placées sur chacun des trois murs complètent l’ensemble. La première sur la face nord, possède un encadrement de pierre rectiligne dont le montant droit a été particulièrement martelé. De part et d’autre de cette cavité et sur toute la profondeur, des encoches, destinée à maintenir une étagère, confirment la fonction utilitaire de rangement. La niche, située à gauche de l’autel sur le mur est, reprend les lignes du portail d’entrée avec un arc en plein cintre infléchi encadré de montants de pierre évoquant les lignes des pinacles de la façade extérieure. Un crépi blanc cassé recouvre les moellons pour s’arrêter au ras des pierres de taille. Des traces d’une fresque sur la pierre formant la tablette de cette niche sont encore visibles. Cette fresque, dans sa partie visible se compose de motifs végétaux de couleur or sur fond pourpre. L’encadrement de la troisième et dernière niche est composé de pierres de taille sculptée de sorte qu’apparaissent quatre lignes brisées successives formant un arc infléchi. Le fond de cette niche est enduit d’un mortier de couleur ocre rouge.
La rosace qui s’ouvre à la verticale du portail d’entrée diffuse une lumière colorée par les six flammèches ajourées enroulées autour d’un cercle évidé.
Le clocher, les façades nord, sud et est
L’accès au clocher est assuré par un escalier en colimaçon, monté en pierres de taille. Il s’interrompt dans la partie inférieure des voûtes du vaisseau. Un petit palier permet d’avancer jusqu’à l’embrasement d’une porte qui donne sur les voûtes du rez-de-chaussée du clocher. La montée se poursuit par une large et haute échelle de chêne. A l’extrémité de cette échelle une trappe dans un plancher en chêne permet d’atteindre un second niveau. Une deuxième échelle, plus courte conduit au dernier plancher situé en haut du clocher.
De l’extérieur, le clocher offre au regard sa haute et massive silhouette percée de baies longitudinales voûtées en plein cintre. L’étroitesse de ces ouvertures a parfois incité certains auteurs à les nommer meurtrières, cependant l’inadaptation totale de leur forme à la fonction réservée à cette appellation ne nous permet pas d’employer le terme de meurtrière. Nous utiliserons celui de rayère, plus adapté à leur configuration. Il se partage horizontalement en cinq parties. La première est constituée par le soubassement marqué d’un chanfrein, la seconde accueille une baie voûtée en plein cintre sur la façade ouest et percée d’une rayère sur la façade sud. Le troisième niveau, toujours en pierre de taille est marqué par une moulure qui ceint l’édifice. Il domine le toit en bâtière du vaisseau. Percée d’une rayère à mi-hauteur pour la face est, et d’une autre, dans la partie supérieure du niveau sur la face sud, cette partie de l’édifice accueille, sur la façade est une rayère surmontée d’une horloge monolithe en grès blanc fixée au mur par des agrafes métalliques. Le quatrième niveau séparé du troisième par une moulure possède sur chacune de ses faces une baie aveugle qui s’ouvre sur des baies jumelées aux arcs trilobés. Mis à part ces petites corniches qui ceinturent le bâtiment, l’appareil extérieur des murs est homogène sur l’ensemble des façades et les singularités observées à l’intérieur du clocher ne trouvent pas de correspondances à l’extérieur.
La façade de droite du vaisseau se partage verticalement en quatre parties. Accolé au clocher et situé dans son alignement, un appentis protège la montée d’escalier qui donne depuis l’intérieur de l’édifice accès au clocher. Le toit en bâtière se prolonge et recouvre cette structure qui possède le même soubassement chanfreiné que le clocher. Au centre et à mi-hauteur, une rayère en ajour voûtée en plein cintre diffuse la lumière sur les marches qui permettent d’accéder aux cloches. Une corniche, supportée par cinq corbeaux, identique à celle du clocher complète cette sensation d’homogénéité entre le clocher et l’appentis.
Le gouttereau de la nef, en retrait de 2,45 mètres par rapport à l’appentis ne repose sur aucun soubassement apparent. La baie qui le perce est travaillée en grès jaune. Un contrefort sans retraite équilibre la poussée de la nef voûtée. L’appareil constitué de gros blocs de pierre présente à mi-hauteur une moulure en talus de 45° séparant la partie haute de la partie basse, plus épaisse.
Un conduit de fumée marque l’angle entre le mur gouttereau et la chapelle sud. La façade latérale gauche de la chapelle est orbe. Le soubassement chanfreiné et maçonné en grand appareil ceint l’ensemble de la structure. Les angles extérieurs de la chapelle sont soutenus par des contreforts inclinés à 135 °. Ils encadrent la baie aveugle à l’intérieur de laquelle s’ouvre la baie jumelée dominée par une petite rosace identique à celle du pignon de la nef. Sur toute la largeur, le mur entre la nef et le chœur est visible au-dessus de la toiture de la chapelle.
L’angle extérieur du chœur est quant à lui soutenu par un contrefort incliné de 135° et présentant une profondeur de plus de 2 mètres sur 62 centimètres de large.
Conclusion
D’après l’étude des églises comtoises de René Tournier, l’église d’Anjeux, de style gothique flamboyant, s’inscrit dans le groupe du « Bas-Pays ». Elle a cependant connu plusieurs phases de construction. Celle qui a modifié le plan de l’édifice, attestée par les registres communaux et datée de 1843, a respecté lors de la création des chapelles latérales le style architectural initial offrant un ensemble esthétiquement homogène.
L’intégralité des baies fermées par des vitraux contemporains inspirés de l’histoire du village ou de scènes bibliques, renforce cette sensation de cohérence et d’homogénéité de l’édifice.
Sources:
– Tournier (R.), Les églises comtoises, leur architecture des origines au XVIIIe siècle, Paris, 1954, 448 p.
– Reyboz (J.), Anjeux dans la vieille terre abbatiale de Luxeuil, histoire d’un village Comtois aux limes de Lorraine, éditions Dominique Guéniot, 1992, 288 pages
Le projet en images
Actualités liées
Communication
La Sauvegarde récompense deux projets lors du prix du Pèlerin magazine 2017
La Sauvegarde a rejoint le concours en 2013 en finançant le prix de la transmission et du partage voulant ainsi mettre en valeur […]
Immobilier
Comité d’action février 2021
Malgré le contexte sanitaire, le comité d’action de la Sauvegarde de l’Art Français a pu se réunir à distance et étudier les projets de […]
Immobilier
Comité d’action de mai 2022
Eglise Saint-Martin ou Sant-Martí de Corsavy, dans les Pyrénées-Orientales Balade printanière dans nos campagnes, à la découverte des églises et chapelles rurales aidées […]