Cette statue représentant la Vierge et son fils est conservée sur la façade de l’église d’Allainville (28). Elle a été sélectionnée dans le cadre de la campagne « les lycéens à la découverte du Plus grand Musée de France ». Grâce à l’implication des élèves de seconde du lycée Edouard Branly de Dreux, elle a pu bénéficier de 1 361 euros pour sa restauration. Quatre autres projets de restauration ont également été récompensés.
LA COMMUNE
Logé au creux des terres agricoles de l’Eure-et-Loir, à quelques kilomètres de Dreux, le village d’Allainville émerge comme un îlot au milieu des champs. Noyée dans les grandes cultures et la géométrie des parcelles, c’est face à un horizon en deux parties, terre et ciel, azur et blé-paille, que l’église Saint-Samson toise les siècles qui passent. Datée du IXème siècle, sur son terrain de pelouses vertes piquées de stèles et de sépultures éparses, cette église affiche un style roman. Dans l’unité pleine de texture de ses murs épais, une petite niche, logée dans la façade occidentale dénote de la rudesse chaleureuse de l’église. Cerclée de briques, petit mirador sur les choses d’Allainville, sur les vies des femmes et des hommes qui se sont succédé dans le village, cette niche accueillait une Pietà du XVIème siècle.
L’oeuvre
Cette statue est arrivée en seconde position dans le suffrage des lycéens. Trop basse pour le ciel, trop haute pour la terre, parfaite pour le regard, la position occupée dans l’espace par la sculpture évoque elle-même son sujet. La vierge Marie tient dans ses bras le corps de son fils Jésus-Christ mort sur la croix. A la croisée du ciel le domaine de son père et des bras de sa mère éplorée et si humaine, le corps sculpté fixe l’attention du passant. Ce qui le frappe d’abord, c’est la richesse des détails de cette scène de piété. Thème récurrent dans l’iconographie chrétienne, elle est l’évocation de la douleur immense de la vierge Marie. La blanche nudité du Christ, son corps étendu de tout son long sur les genoux de sa mère ; même à plusieurs siècles d’intervalle, on ressent le déchirement universel, toute la force et le sentiment que le sculpteur anonyme a voulu communiquer. La Pietà de l’église d’Allainville a donc traversé les âges. Sa réalisation est d’une grande finesse, en témoignent la richesse du drapé de la vierge, la raideur arquée du corps de son fils ou encore l’effort de représentation de ses muscles et de sa cage thoracique.
La restauration
Pourtant, écumer l’Histoire ne laisse pas indemne. Les pluies des automnes à Allainville, les soleils qui dorent les blés, les vents qui bousculent les futaies, et partout, cette nature domestiquée qui s’installe dans chaque affleurement des pierres : sans que jamais sa puissance ne s’émousse, l’apparence de la Pietà avait été mise à rude épreuve. Comme sa niche rongée par les entrelacs des plantes grimpantes, toute sa blancheur d’opale était mouchetée de mousses vertes. Pire, les circonstances l’ont fragmentée, rognée, ne restaient qu’une tête séparée du corps et des débris qui s’écoulaient et tombaient sur les pelouses. Les élèves du lycée Edouard Branly à Dreux ont permis à ce binôme intemporel de retrouver son lustre blanchi d’antan. Grâce à leur engagement, elle a quitté sa niche, et est descendue parmi nous afin de rejoindre un atelier spécialisé. Nettoyée, polie, réparée, mais surtout retrouvant enfin sa tête, la sculpture a réintégré Saint-Samson. Son toit la protègera de cette même nature qui l’a usée.
Cette fois-ci, la niche restera vide sur la façade de cette église qui chante pour tous les clochers solitaires de nos campagnes. Une page se tourne pour cette œuvre. Elle quitte cette niche qui lui donnait des yeux pour voir Allainville mais retrouve sa jeunesse, la promesse de douceur pour les décennies à venir. Désormais à l’abri, ils seront nombreux à pouvoir continuer à l’admirer, à nouer leurs émotions à l’universelle douleur qui s’en dégage, et cela pour longtemps. Cette sculpture ancienne au milieu de ce cimetière communale projette un fragment d’éternité accessible à chacun. Le temps pourra couler sur Allainville, par leur Art, leurs traditions et leurs profondes racines, ses habitants continueront toujours à vivre, dans cette plaine jaunie, au rythme des saisons qui se succèdent.
Découvrir les quatre autres projets récompensés par les lycéens :