Un assureur mécène du patrimoine local

Lancée en septembre dernier, la campagne Le Plus Grand Musée de France avec Allianz France a rencontré un grand succès auprès du public : 67 843 personnes ont donné leur voix pour un des 39 projets finalistes proposés dans cette opération en faveur du patrimoine local. Marie-Doha Besancenot, directrice de la Communication, de la Marque et de la RSE d’Allianz France, et Lionel Bonneval, directeur de la Sauvegarde de l’Art Français, ont répondu aux questions de Juliette Singer, Conservatrice en chef du patrimoine au Petit Palais, sur cette campagne en faveur du patrimoine local.

Juliette Singer : Lionel Bonneval, vous dirigez depuis six ans la Fondation pour la Sauvegarde de l’Art Français. Quel est son cœur de mission ?

Lionel Bonneval : La Fondation est l’une des premières organisations en France à s’être préoccupée de la conservation du patrimoine. Ses actions tournent aujourd’hui autour de trois axes :

– La restauration du patrimoine rural, qui concerne principalement des églises et des chapelles, à travers toute la France. Elle leur consacre plus d’un million d’euros par an, pour financer leurs travaux.

– Le rayonnement du patrimoine : la Sauvegarde de l’Art Français s’applique à faire toujours mieux connaître et apprécier l’existence d’un patrimoine exceptionnel. A cette fin, elle remet de nombreux prix pour récompenser ou encourager des initiatives en faveur du patrimoine.

– L’aide à la restauration du patrimoine mobilier au travers d’une campagne intitulée « le Plus Grand Musée de France, les trésors de nos communes ».

Marie-Doha Besancenot est Directrice de la Communication, de la Marque et de la RSE d’Allianz France. L’assureur compte 9000 employés en France et un réseau de près de 6500 agents généraux et conseillers ancrés dans les territoires.

Lionel Bonneval est Directeur Général de la Fondation pour la Sauvegarde de l’Art Français depuis 2015. La Sauvegarde est une fondation reconnue d’utilité publique créée en 1921 sous l’impulsion d’Édouard Mortier, duc de Trévise, afin de porter secours au patrimoine national menacé d’abandon et de destruction.

Juliette Singer est Conservatrice en chef du patrimoine au Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Elle a travaillé dans de nombreux musées de territoire tels que le LAM de Villeneuve d’Ascq, le Musée-Château d’Annecy et les musées de Boulogne-Billancourt, avant de devenir Directrice chargée des collections de Paris Musées en 2013 puis Conservatrice des arts modernes et contemporains du Louvre Abu Dhabi (2016 -2019).

Juliette Singer : La Fondation s’est fait connaître ces dernières années à travers un projet tourné à 100 % vers les régions, qui s’intitule « Le Plus grand Musée de France ». Quel est son objectif ?

Lancée en 2013, « le Plus Grand Musée de France » est une campagne au bénéfice des œuvres d’art de nos communes : tableaux, sculptures, tapisseries, tissus… Elle a d’abord mobilisé des étudiants, puis des salariés au sein de grandes entreprises, des élèves du secondaire et bien entendu tous les amateurs d’art désireux d’y participer. Leur mission : identifier des œuvres en péril et trouver les moyens de les sauver. Les participants, plus de 3 000 à ce jour, ont déjà permis la restauration de près de 200 œuvres d’art en réunissant plus de 1 200 000 euros. Grâce à eux, non seulement des œuvres ont pu être sauvées mais des métiers d’art sont préservés. Ce sont surtout des villages entiers qui ont ainsi découvert l’existence de leurs propres trésors et pris conscience de leur immense valeur.

Juliette Singer : En septembre 2021, Allianz France a rejoint l’aventure du Plus Grand Musée de France. Qu’est-ce que ce partenariat a apporté au projet ?

Lionel Bonneval : C’est la première fois que la Sauvegarde mène un projet d’une telle ampleur : toutes les régions de France métropolitaine ont été concernées par cette grande chasse au trésor.

Fort d’un réseau de collaborateurs et d’Agents Généraux engagés sur tout le territoire national, Allianz a souhaité leur permettre de s’impliquer dans la protection du patrimoine local. Ces derniers ainsi que le grand public ont été invités à participer à une grande chasse au trésor nationale en proposant des œuvres d’art nécessitant une restauration. Plus de 100 œuvres ont ainsi été repérées. 13 d’entre elles, une par région métropolitaine et à l’issue d’un vote populaire, ont été récompensées d’un mécénat de 8 000 euros pour leur restauration généreusement offert par Allianz France.

Ce qui est vraiment novateur dans l’approche menée avec Allianz, c’est que les votes ont été ouverts à tous ! Le grand public a été invité à se prononcer et à prendre une part active dans le résultat de concours. Avec un enthousiasme qui a dépassé nos attentes : plus de 68 000 personnes se sont spontanément exprimées.

Juliette Singer : Marie-Doha Besancenot, comment Allianz s’est intéressé à ce projet, et plus généralement au « patrimoine culturel » ?

Marie-Doha Besancenot : En effet, le groupe Allianz est traditionnellement un acteur du Sport ! Un mécène important du sport, un partenaire mondial des Jeux Olympiques et Paralympiques, qui prête aussi son nom à de nombreux stades à travers le monde, comme l’Allianz Riviera à Nice.

Mais à l’échelle nationale, Allianz France se caractérise avant tout par son ancrage territorial hors du commun. Sur la quasi-totalité du territoire français, on est à moins de 20 minutes de route d’un agent général Allianz. Le dynamisme de l’entreprise repose largement sur la présence dans les régions de son réseau d’agents généraux et de ses conseillers commerciaux. Pour cette raison, Allianz est sensible au sujet de la cohésion nationale et de la proximité territoriale.

L’existence d’un patrimoine local menacé, en manque de restauration nous a touché. Tout comme l’approche de la Fondation pour la Sauvegarde, qui est résolument non élitiste, participative, et entièrement fondée sur des propositions qui remontent du terrain. Le postulat de base est : qui, mieux que ses acteurs économiques locaux, peut faire revivre le patrimoine des régions ?

Juliette Singer : Qu’attendiez-vous comme résultat ? Avez-vous eu des surprises … ou des regrets ?

Marie-Doha Besancenot : C’était une première ! On espérait une belle mobilisation, et elle a largement dépassé nos attentes. Que 68000 voix aient été déposées, c’est vraiment le signe d’une réponse affective, subjective et spontanée au sujet patrimonial. Nous avons vu un vrai engagement pour le destin de certaines œuvres très dégradées. Nul besoin d’être expert en histoire de l’art pour avoir un avis personnel. Le projet a aussi révélé la force d’entraînement des associations locales, des groupes affinitaires « d’amis de »…

Nous avons eu des surprises, oui, par exemple avec la statue de Bernadette proposée à Lourdes par une agent général, qui a recueilli plus de 6000 suffrages à elle toute seule !

Je pense aussi à l’association des anciens sous-mariniers, qui a mobilisé la communauté des sous-mariniers de façon impressionnante autour d’un monument qui commémore un drame oublié du grand public, celui d’un accident dans le port de Calais qui coûta la vie à 26 marins en 1910.

Des regrets ? Oui, nombreux, parmi ceux qui n’ont pas été retenus cette fois ci… Pour autant, cela nous rappelle la double vocation du projet : le mécénat bien sûr, puisque nous finançons les restaurations, mais aussi faire connaître un patrimoine méconnu auprès de ceux qui le fréquentent au quotidien.

Juliette Singer : Le bilan est donc très positif, et par l’engouement qu’elle a suscité, cette initiative semble amenée à se poursuivre et se développer. Quelles sont les prochaines étapes ?

Marie-Doha Besancenot : D’ici l’été auront lieu les remises des chèques aux treize municipalités lauréates. Parallèlement, les appels d’offres seront lancés pour engager les restaurateurs qui vont mener à bien les restaurations. Puis il y aura le temps de la restauration, ponctuée par des points d’étape quand l’œuvre peut être exposée, et enfin, le dévoilement des œuvres restaurées !

Quant à l’année prochaine… nous espérons ancrer ce sujet dans la durée bien sûr !

Pour cette première année pilote, nous n’avions pas ouvert à l’Outre-Mer : ce serait évidemment une piste très intéressante de valoriser aussi le patrimoine d’Outre-Mer dans une prochaine édition !

Juliette Singer : Lionel Bonneval, quels points essentiels retenez-vous de cette session du Plus Grand Musée de France ?

Lionel Bonneval : Ce succès prouve sans conteste l’attachement des Français à leur patrimoine. Le concours a mobilisé des votants partout en France mais aussi à l’international. De nombreux particuliers mais aussi des associations et collectivités ont aidé les porteurs de projets à diffuser l’information afin de fédérer les communautés autour de ce projet commun : restaurer le patrimoine de proximité, celui qui appartient à tous. Les retombées dans la PQR, près de 200, prouvent également ce sentiment très fort qui lient les Français et les territoires à leurs objets d’art. Le patrimoine est définitivement le ciment des communautés locales.

Juliette Singer : Merci à tous les deux, bravo pour cet enthousiasmant projet, et longue vie au Plus Grand Musée de France !