Édouard Mortier, premier président de la Sauvegarde de l’Art Français
À l’occasion du centenaire de la Sauvegarde de l’Art Français, nous vous proposons un retour sur les hommes et les femmes qui ont contribué à sa création. Instigateur énergique de l’association en 1921, Édouard Mortier est un pionnier de la défense du patrimoine et des arts en France. Son action contribuera à la sensibilisation de l’opinion et à l’évolution des lois de protection.
Édouard Mortier, duc de Trévise (1883 – 1946)
Cinquième et dernier duc de Trévise, Édouard Mortier grandit dans le cadre prestigieux des élites parisiennes de son temps. Diplômé d’une licence en droit et d’une licence en histoire, érudit et orateur naturel, il se passionne pour l’art et l’architecture qu’il défend avec ferveur dès l’après-guerre.
Avec la Sauvegarde, il s’engage dans d’énergiques campagnes pour sauver des monuments menacés : la vache d’Alan, sculpture ornant le Palais Épiscopal d’Alan (Haute-Garonne), les statues de la cathédrale Notre-Dame de Rouen, la maison Philandrier à Châtillon-sur-Seine et bien d’autres. Durant sa présidence, il n’a de cesse de parcourir les routes de France pour apporter son aide et mobiliser l’opinion sur les menaces qui pèsent sur le patrimoine.
Un des combats fondateur de la Sauvegarde, le Vache d’Alan (Haute-Garonne), photographiée par Édouard Mortier. Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine / Archives de la Sauvegarde de l’Art Français
Elle va porter des combats d’importance majeure contre le pillage du patrimoine et militer pour l’évolution des lois de protection. Dans un contexte de manque de moyens publics et de dispositifs de protection réels, la France en reconstruction est en effet un terrain propice aux divers trafics d’œuvres d’art, d’éléments architecturaux, voire au démontage complet de monuments.
Autour d’un cercle d’intellectuels et d’érudits, Édouard Mortier va mettre toutes ses forces au service de la défense du patrimoine et des arts. La nouvelle association croît rapidement, trouvant sur le terrain le renfort de correspondants qui structurent son action dans les territoires, et mobilise dans la capitale des mécènes et des personnalités influentes. Ainsi, un « comité de propagande » est mis en place dès 1922. Il s’attache à développer des opérations de communication résolument modernes, interpellant la presse et les élus sur les dégradations du patrimoine et mettant en place expositions et conférences.
Ses 25 années de présidence ont profondément marquées la Sauvegarde, organisation de combat pour la défense et la protection de notre patrimoine. Le duc se lance dès la création de l’association dans de grands projets et notamment deux expositions ambitieuses pour soutenir l’action naissante de la Sauvegarde (Exposition des Maréchaux présentée au Palais de la Légion d’Honneur en 1922 et Géricault en 1924).
Ouverture de l’exposition des Maréchaux au Palais de la Légion d’Honneur en 1922. Médiathèque de l’architecture et du patrimoine / Archives de la Sauvegarde de l’Art Français
Afin de sensibiliser les opinions américaines sur les dégâts causés au patrimoine français par l’elginisme, il parcourt le pays durant l’année 1925. Il y donne ainsi 51 conférences qu’il illustre de ses aquarelles et panneaux, récoltant près d’un million de francs et aboutissant à la création de douze comités dédiés à la protection du patrimoine français.
Le duc de Trévise en tournée aux États-Unis, 1926. Médiathèque de l’architecture et du patrimoine / Archives de la Sauvegarde de l’Art Français
Dans un rapport pour les soixante ans d’existence de la Sauvegarde, le président Cossé Brissac estime ainsi que près de la moitié des fonds alloués par l’association provient à ses débuts des États-Unis et des différents comités qui parrainent chacun un ou plusieurs projets de restauration.
Infatigable malgré une santé fragile, Édouard Mortier se retire au Maroc durant la seconde guerre mondiale et disparaît en 1946.
« Ce n’est donc pas nous targuer d’un orgueil excessif mais élémentaire justice rendue à nos prédécesseurs que de rappeler combien ils ont contribué à sensibiliser l’opinion publique à cette notion même de « patrimoine », au long de toutes ces années d’efforts méritoires, voire ingrats, suivis de réalisations efficaces » Charles de Cossé Brissac, troisième président de la Sauvegarde, à l’occasion des 60 ans de l’association.