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Quessoy est une commune située à 15 km au sud-est de Saint-Brieuc, dans le pays appelé traditionnellement le Penthièvre. Sous l’Ancien Régime, la région était particulièrement prisée par les parlementaires rennais dont plusieurs y avaient leur résidence de campagne. Au XVIIIes., ils s’y firent construire (ou agrandir) des châteaux dont un certain nombre subsiste encore de nos jours : les La Noue à Bogard (en Quessoy aussi), les du Merdy à Catuélan (dans la commune voisine de Hénon), les Visdelou au Colombier (Hénon), etc.

Les Le Vicomte, également parlementaires, seigneurs de la Houssaye (Quessoy) depuis la fin du XVIIes., se font construire eux aussi une nouvelle demeure, dans le style classique en vogue à l’époque. C’est peut-être Jean-François Le Vicomte (1690-1753), conseiller au parlement en 1731, ou plus vraisemblablement son fils Jean-Baptiste (1739-1810), président à mortier au parlement en 1775, qui fait appel à René de Brilhac (1713 – apr. 1783), prêtre et architecte, fils d’un premier président au parlement[1]. Le château – on ne connaît pas la date exacte de son édification – ne remplace pas l’ancien manoir, mais est élevé à proximité et se trouve par sa situation même à mi-chemin entre le colombier[2]et la chapelle. Un grand parc, réaménagé au XIXes. ou au début du XXe, entoure le château ; il est ouvert au public en été.

La chapelle qui subsiste aujourd’hui fait donc partie de l’ensemble de l’ancien manoir et a été transformée à plusieurs reprises au cours des siècles, servant même de grange jusqu’au milieu du XXesiècle. Historiquement, la première mention remonte à 1606 : Andelle de Coetquen fonde deux messes annuelles et perpétuelles en sa chapelle de la Houssaye. En 1779, Renaud, fils de Jean-Baptiste Le Vicomte, est baptisé à la Houssaye. Le culte, supprimé pendant la Révolution, est rétabli en l’an XI (1802-1803), à l’époque du Concordat, mais la chapelle est désaffectée, sans doute dans la seconde moitié du XIXesiècle ; la tradition rapporte que son retable est alors transporté dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste de l’Hôpital, village voisin de la Houssaye.

C’est un petit édifice (onze mètres de longueur sur six de largeur) de plan rectangulaire, construit en moellons de granit (sauf les chaînes d’angle, les rampants et les entourages des baies, qui sont en pierres de taille). Il s’ouvre par deux portes toutes proches l’une de l’autre : une porte principale à l’ouest, une autre porte dans le mur gouttereau sud, à proximité de la façade ouest. L’éclairage intérieur est assuré par des baies dans les quatre murs, trois dans le chœur, et un œil-de-bœuf au-dessus de la porte ouest. La couverture en ardoise a été refaite à la fin du XXesiècle. Un clocheton surmonte le pignon ouest. Une litre extérieure court le long des murs sud, nord et est : elle est recouverte d’un enduit à la chaux d’où ont disparu toute décoration et tout signe nobiliaire. À l’intérieur, le sol est dallé de grandes pierres de granit dans la moitié ouest (dont une pierre d’autel), et reste en terre damée dans la moitié est. La charpente comporte de nombreux éléments anciens, et sa disposition lui permettait de recevoir un lambris, aujourd’hui disparu. Une grande tribune avec balustrade surplombe le fond ouest de la chapelle : on y accède par un escalier, dans l’angle nord-ouest, sous lequel est aménagé un confessionnal ; ce mobilier très simple peut dater du XVIIIesiècle. Il n’y a plus d’autel, plus de statues non plus ; seuls subsistent une niche-crédence dans le mur est, et un bénitier en pierre encastré dans le mur, à gauche de la porte ouest.

L’analyse architecturale, de rares documents d’archives et la tradition orale de la famille des propriétaires actuels permettent de poser quelques jalons de l’histoire de la chapelle. Les éléments les plus anciens sont constitués par la baie jumelée ménagée dans le mur du chevet, et par la porte occidentale, dont la mouluration des bases et des chapiteaux des colonnettes engagées dans les piédroits peut remonter à l’époque de la construction du premier manoir, soit à la seconde moitié du XVeou au début du XVIesiècle. La litre, qui vraisemblablement a porté les armoiries des seigneurs de la Houssaye (les Malestroit au XVIes., les Coetquen au XVIIe, avant les Le Vicomte), est aussi un vestige intéressant qui a orné les édifices religieux jusqu’après la Renaissance[3]. Sans doute auXVIIIes., lors de la construction du château, les deux baies latérales furent ouvertes : elles ne comportent ni meneau ni réseau. Après la Révolution, il semble que la chapelle ait perdu sa fonction religieuse et ait servi de bâtiment agricole. N’étant pas entretenue, elle a dû attendre la fin du XXes. pour faire l’objet de travaux de restauration. La couverture d’ardoises vers 1990 a permis la mise hors d’eau, mais son poids, le manque d’éléments structurants de la charpente et l’absence de contreforts ont provoqué de graves désordres dans la maçonnerie, aggravés par un tremblement de terre en 2002 et une canicule en 2003 suivie de pluies, de neige et de gels dans les années suivantes. Il a donc fallu entreprendre des travaux importants en 2007, pour consolider la charpente, reprendre une partie de la maçonnerie et drainer les abords. Les propriétaires actuels ont, de plus, fait faire des vitraux colorés pour toutes les fenêtres, et ont mis en place deux portes neuves en bois, répliques à l’identique de celles d’origine.

Pour la consolidation de la charpente et de la maçonnerie, ainsi que pour le drainage, la Sauvegarde de l’Art français a accordé une aide de 6 000 € en 2007.

Tanguy Daniel

 

 

Bibliographie :

  1. Couffon, Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, Saint-Brieuc, 1939-1941, p. 424 et 653.
  2. Le Levier, Quessoy de ses débuts à 1700, s.l., 1992, p. 89-91.
  3. de Mauny (dir.), Châteaux et manoirs en Bretagne profonde, Mayenne, 1991, p. 164-165 (notice de G. Guyon, illustration de C. Jemain).

 

 

[1]Cet architecte, parfois prénommé Louis, parfois Hippolyte, est plus connu sous la dénomination de chevalier de Brilhac (il est chevalier profès de l’ordre du Mont-Carmel). Bien que prêtre, il a dessiné les plans de plusieurs hôtels particuliers et de plusieurs châteaux, plans qui sont conservés aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine. Le plan de la Houssaye ne s’y trouve pas, mais la comparaison avec d’autres châteaux qu’il a construits laisse penser que le château des Le Vicomte à Quessoy est son œuvre.

[2]Le colombier, classé parmi les Monuments historiques par arrêté du 13 octobre 1982, a été restauré en 2006 ; le château, inscrit à l’Inventaire supplémentaire depuis le 22 mars 2002, est aussi l’objet de travaux de restauration.

[3]Il est curieux de noter qu’un bandeau semblable ornait aussi le colombier de la Houssaye.

Le projet en images