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Chapelle Notre-Dame de Lugan. La butte de Lugan, à 1 km au nord de Puylagarde, a toutes les caractéristiques d’une motte castrale. Un fossé en demi-cercle la sépare nettement, au nord et à l’ouest, du plateau voisin. Les aménagements du site, au siècle dernier, pour en faire un lieu de pèlerinage ont été discrets ou bien ont été corrigés depuis. Ils respectent l’atmosphère de sérénité qui s’attache à cette petite colline inspirée. Une couronne de grands cèdres ajoute une note de majesté et de poésie. Les particularités de la chapelle permettent de dire que c’est un édifice du Xe siècle. Son orientation inhabituelle vers le sud-est est probablement due à des contraintes imposées par des édifices antérieurs, aujourd’hui disparus. La motte dut être abandonnée très tôt par le seigneur  au profit de Puylagarde. Le fief appartenait au XIIIe s. à la famille du troubadour Bertrand de Paris (Parisot), qui en faisait hommage au comte de Toulouse (ainsi en mai 1259), ce qui n’implique pas qu’elle y ait résidé. Les routiers s’y seraient établis et y auraient entassé leur butin en 1381-1385, ce qui laisse supposer qu’à ce moment-là des bâtiments existaient encore à côté de l’église.

Sur le plan religieux, Lugan aurait dépendu de l’abbaye Saint-Pierre de Marcilhac (Lot), mais divers droits auraient été cédés à la commanderie du Temple de Lacapelle-Livron, en 1236 et 1276. À côté de l’église, un sarcophage, datable des alentours du XIe s., rappelle sa fonction paroissiale primitive. Elle devint simple annexe de Puylagarde, où la population s’était regroupée, et subsista comme chapelle de dévotion, apparemment sous le patronage de Notre-Dame de l’Annonciation. Une curieuse statue de la Vierge orante, à genoux, les mains levées vers le Ciel en signe d’acceptation, attribuable au XVIIe s., témoigne de la permanence du culte en ce lieu. L’ange Gabriel qui devait figurer près d’elle a disparu. La partie inférieure de la statue a été sciée au XIXe s., soi-disant pour assurer sa stabilité lorsqu’on la portait dans les processions. Les vraies raisons sont que le bas devait être très endommagé et surtout que cette position à genoux choquait désormais, car hors contexte ; et l’on aurait alors « redressé » la statue.

Sous la Révolution, un prêtre réfractaire venait dire une messe clandestine à Lugan. L’abbé Joseph Delmas, curé (de 1878 à 1896), ému de l’état de la chapelle, dont le chœur avait perdu sa voûte, décida, vers 1878-1882, d’en faire un lieu de pèlerinage et la releva, grâce à l’aide financière d’une de ses paroissiennes. On peut vraisemblablement lui attribuer l’allongement de la nef, avec un nouveau mur-pignon, agrémenté d’une  porte en plein cintre et d’un clocheton. L’ouverture de six fenêtres, deux au chœur, quatre à la nef, la mise en place de deux fausses voûtes de lattis et de plâtre, sur le chœur et sur la nef, la réfection de la charpente et de la couverture et peut-être l’acquisition d’une copie d’un tableau du XVIIIe s. figurant l’Annonciation pourraient faire partie de la même campagne. Le premier pèlerinage eut lieu le 24 mai 1882. Il a lieu,  depuis, tous les ans, le premier dimanche de juillet. En 1888, une petite sacristie, à gauche du chevet, avec toit à quatre pentes, compléta l’ouvrage,

L’église de Lugan est, avec celles de Toulongergues (Villeneuve, Aveyron) et de Cas (Espinasse,Tarn-et-Garonne) une des mieux conservées du groupe des églises de l’an mil, à chevet plat et angles arrondis, que l’on trouve à la rencontre des quatre départements de l’Aveyron, du Lot, du Tarn et du Tarn-et-Garonne[1].  Leurs traits communs ont été rappelés dans la note qui a été consacrée à l’église de Cas : un chevet quadrangulaire avec deux angles arrondis et une nef plus large avec quatre angles arrondis.

L’église est bâtie en moellons cassés de petites dimensions, suivant la technique propre à ce genre de construction[2]. Le chevet était éclairé par une petite fenêtre axiale en archère, aujourd’hui bouchée, dont on voit encore le linteau échancré en plein cintre. À l’intérieur,  l’embrasure de cette baie sert de niche à la statue de la Vierge. Les murs latéraux sont décorés de chaque côté de trois arcatures aveugles portés par un stylobate très primitif. On voit la même disposition sur un côté du chœur de Carrendier, près de Feneyrols (Tarn-et-Garonne), église de la même famille. La première arcature à gauche a été ouverte en 1888 pour faire la liaison avec la sacristie. Ainsi que nous l’avons vu, la voûte en plein cintre du chœur, qui est habituelle dans ce type d’édifice, a été remplacée vers 1880 par une fausse voûte. L’arc triomphal, large d’1,90 m, probablement dégradé par l’effondrement du chœur, a également été refait. La nef qui a 6,80 m hors œuvre a conservé ses deux angles arrondis, côté chevet, et ses murs latéraux. Celui du nord-est, à gauche, devait être primitivement aveugle. Celui du sud-ouest, à droite, côté cimetière, était percé de la porte d’entrée, avec arc en plein cintre, et d’archères. La première aurait été murée vers 1880 et des fenêtres ont remplacé les meurtrières. Un beau dallage couvre le sol.

Dès 2010, l’Association pour la Sauvegarde du Patrimoine de Lugan et la Commune de Puylagarde ont entrepris la remise en état de l’édifice. Une partie de la toiture a été restaurée.  L’inesthétique ciment gris, dur et étanche, a été enlevé et les pierres ont été rejointoyées avec un mortier de chaux aérienne de couleur ocre. La Sauvegarde de l’Art Français a attribué une aide de 5 000 € en 2011.

Jean Delmas

 

Bibliographie :

 

  1. Bongiu, dans Caylus et Saint-Antonin-Noble-Val, Tarn-et-Garonne… dir. B. Loncan, Paris, Inventaire général, 1993 (Cahiers du patrimoine, 29).
  2. Laurière, Les églises à chevet plat et angles arrondis en Rouergue, 2e éd., Rodez, 2008, p. 55-56.

Notes inédites de M. Antoine Galan.

 

[1] Trois ont déjà fait l’objet de notices dans La Sauvegarde de l’Art Français : Ginouillac (Lot) dans le cahier 1 (1979, p. 79-80), Sainte-Cécile-de-Mauribal, près de Puybégon (Tarn), dans le cahier 21 (2008, p. 136-138) et Cas, près d’Espinas (Tarn-et-Garonne)

[2] L’édifice, long primitivement de 14,90 m hors œuvre, mesure aujourd’hui 17,90 m. La nef primitive avait  9,70 m et l’actuelle 12,70 m. La différence réelle est donc de 3 m, à laquelle il faut ajouter 0,90 m de muraille, correspondant à l’épaisseur du premier mur-pignon démoli. Cet ajout se reconnaît bien à l’extérieur (lignes verticales et surtout soubassements apparents). Le chevet est large de 5,00 m et long  de 5,20 m hors œuvre.

Le projet en images