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Le Yaudet, où est implantée la chapelle, est un hameau de Ploulec’h, commune du Trégor située à environ cinq kilomètres à l’ouest de Lannion. Le Yaudet, qui occupe un promontoire dominant l’embouchure du Léguer au nord et le vallon de la Vierge au sud-ouest, est l’un des sites majeurs de l’archéologie armoricaine, largement ouvert sur la Manche et ses voies maritimes, ce qui explique son importance ; il a été occupé depuis l’âge du fer jusqu’à la période romaine, et a fait l’objet de fouilles approfondies à la fin du XXe siècle.

La chapelle se dresse à l’intérieur de l’ancien site gallo-romain, au croisement de deux axes de l’oppidum, en bordure de la route actuelle, sur une plate-forme qui a été agrandie au XIXe s. pour la reconstruction de l’édifice. En effet, celui-ci a été détruit sous le Second Empire, puis reconstruit et sans doute agrandi au même endroit tout en conservant des éléments anciens : deux portes de style gothique flamboyant, le pignon occidental et le clocher de la fin du XVIe s. ou du début du XVIIe siècle. Légèrement en contrebas, à proximité de la chapelle, subsistent plusieurs maisons de la seconde moitié du XVIe s. qui servaient peut-être de résidence au clergé local.

On ne sait que très peu de choses sur le (ou les) édifice(s) qui ont pu précéder la reconstruction du XVIe siècle. A titre d’hypothèse, on retiendra que l’absence de dédicace à un saint breton permet de penser que la christianisation de ce lieu pourrait remonter à l’époque romaine, mais les documents ne mentionnent la chapelle du Yaudet qu’à partir de 1480. La chapelle connut – grâce aux pardons annuels – une prospérité certaine avant la Révolution, notamment au XVIIe siècle. En 1799, elle fut acquise par un Lannionnais qui la mit à la disposition de l’évêque après le Concordat ; acquise par la fabrique en 1829, elle devint « chapelle de secours » en 1832. Sans doute mal entretenue, elle fut détruite en 1858, puis reconstruite en 1859-1861.

C’est cette chapelle qui existe toujours au Yaudet. De plan rectangulaire, elle comprend une nef avec bas-côtés de six travées et un chœur à chevet plat, dans le prolongement du vaisseau central. Une sacristie a été ajoutée au milieu du XXe s. contre le mur est. Le pignon occidental porte un clocher de type trégorrois en encorbellement, flanqué à gauche d’une tourelle d’escalier en vis, qui date de l’édifice antérieur. La maçonnerie des murs est constituée de moellons de granit, hormis les contreforts et les entourages des baies qui sont en pierre de taille. Les deux portes nord et sud, à arc en anse de panier en accolade, datent de la première moitié du XVIe siècle. Les piliers et les arcs brisés intérieurs sont en granit soigneusement taillé, avec chapiteaux (ce qui peut en dater certains du XIVe s., donc d’un édifice de la fin du Moyen Age). La voûte de la nef est lambrissée en berceau, celles des bas-côtés en demi-berceau.

Les éléments remarquables du mobilier sont constitués par le retable du maître-autel et par les ex-voto. Le retable, du XVII s. (cl. MH 1996), est très célèbre pour la représentation d’une Vierge couchée, iconographie assez rare mais non unique en Bretagne, qui occupe la partie centrale : la Vierge est couchée avec l’Enfant Jésus dans un lit que surplombe la colombe du Saint-Esprit, tandis qu’un personnage est assis au pied du lit, tenant de sa main droite un sceptre, la main gauche posée sur un livre, vraisemblablement saint Joseph ou Dieu le Père ; de part et d’autre de cette scène figurent les statues de sainte Anne et de saint Joachim. L’ensemble symboliserait ainsi les mystères de la Sainte Trinité et de l’Incarnation. Les six ex-voto qu’abrite la chapelle ne sont pas inattendus dans cette région maritime : un bateau de guerre et des bateaux de grande pêche ou de cabotage gréés en trois-mâts goélette, suspendus aux voûtes ; ils datent très probablement de la deuxième moitié du XIXe s. ou du début du XXe siècle.

La Sauvegarde de l’Art français a fait un don de 6 000 € pour les travaux de restauration de la chapelle en 2017.

Tanguy Daniel

 

Bibliographie :

R. Couffon, Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, Saint-Brieuc, 1940, p. 379.

Le patrimoine des communes des Côtes-d’Armor, Charenton-le-Pont, 1998, t. I, p.548-549.

G. Meirion-Jones et M. Jones, « L’église du Yaudet et la Vierge couchée », Bulletin de l’Association bretonne et Union régionaliste bretonne, t. 109, 127e Congrès, Guingamp, 2000, p. 285-300, ill.

G. Provost, « Un lieu saint et ses représentations : le Yaudet », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. 110/2, 2003, p. 209-228.

P. Galliou, B. Cunliffe, Le Yaudet en Ploulec’h, Côtes-d’Armor, Rennes, Saint-Brieuc, 2015.

 

 

Le projet en images

Plan : G. M.-J.