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Église de Chastel-Marlhac. Le chef-lieu de la commune a été transporté en 1903 de Chastel-Marlhac au Monteil, hameau plus central et mieux desservi. Chastel-Marlhac demeura quelque temps paroisse, inséparable de son église dédiée à sainte Madeleine et saint Victor. Malgré l’usage hésitant, la fête patronale fixée au 22 juillet donne la primauté à sainte Madeleine ; on notera que la fête de saint Victor, pape et martyr, tombe le 28 juillet, dernier jour de l’octave de sainte Madeleine. Le lien entre l’une et l’autre est donc de caractère liturgique.

L’église était un prieuré des bénédictines de l’abbaye de Blesle, éloignée d’environ 80 km à l’est. Faute de cartulaire, la documentation est presque muette sur le domaine et la mouvance de cette abbaye. Il n’est pas interdit de penser que le lien a pu être très ancien.  On remarquera que Blesle fut fondé vers 860 par Ermengarde, sœur, épouse et mère de comtes d’Auvergne et que Chastel-Marlhac, le « castrum meroliacum » évoqué par Grégoire de Tours,  enjeu des luttes fratricides entre les enfants de Clovis, a pu être une forteresse publique, et passer plus tard entre les mains des comtes d’Auvergne.

Ajoutons que le vocable conjoint de Madeleine et de Victor se retrouve tout près de Blesle : deux chapelles, posées en face à face sur les deux éperons de plateaux basaltiques qui encadrent l’accès à la Haute Auvergne, sont consacrées, l’une (qui subsiste) à sainte Madeleine ; l’autre à saint Victor. La coïncidence est pour le moins suggestive.

Delalo, auteur de la notice sur Chastel-Marlhac dans le Dictionnaire statistique du Cantal de Deribier du Châtelet (1855), affirme sans preuves qu’il y eut là, à une époque indéterminée, « un couvent de filles qui dépendait de l’abbaye de Blesle ». L’aspect général ne corrobore pas cette indication, et en tout cas ne permet pas de relier cet éventuel couvent à l’édifice actuel. L’église s’élève au centre du village construit au pied du plateau basaltique. Elle est bien dégagée et l’on n’y voit pas trace de bâtiments conventuels. Peut-être ce « couvent de filles » n’est-il que l’amplification rhétorique d’un prieuré bien réel. L’édifice quant à lui propose surtout une histoire des styles. Toute la partie orientale est romane et forme un ensemble cohérent : porche, clocher-peigne et nef.

L’entrée est dans l’axe ; elle est protégée et soulignée par un porche assez monumental (2,5 m de profondeur, 3 m d’ouverture extérieure, 1 m à la porte), animé par deux niches et trois archivoltes.  l’arrondi de la voûte répond dans le parement extérieur une corniche.  Cinq degrés dont trois hors œuvre mènent au niveau du sol de la nef, renforçant l’aspect monumental. La toiture de ce porche est un glacis, encadré par deux contreforts en plus forte pente. Quoique romane, cette structure a pu être rajoutée.

Le clocher-peigne à trois arcades cintrées est bâti en fort retrait, sur le mur de ce qui a pu être la façade primitive. La nef est un vaisseau simple, long de 8,5 m et large de 4, à l’intérieur ; elle est couverte d’une fausse voûte en lambris. Deux paires de fines colonnes animent les parements intérieurs et répondent aux discrets contreforts de l’extérieur. Deux baies en vis-à-vis, cintrées, sont le seul éclairage. Les restaurations passées et présentes n’ont pas révélé de décors peints. Il faut considérer comme perdue l’inscription que Delalo voyait dans le chœur sans pouvoir la déchiffrer.

La partie ogivale de l’édifice se développe dans sa moitié orientale. Elle se compose d’une travée carrée, à laquelle deux chapelles latérales donnent un air de transept, et d’un chœur. Le transept a perdu sa croisée d’ogives, mais les arcs doubleaux et formerets indiquent suffisamment qu’elle a dû exister. Les deux chapelles, de plan barlong, d’une élévation modeste, ont gardé leurs arêtes et clefs de voûte. C’est dans le chœur que le gothique se déploie, tout en respectant la largeur commandée par la nef romane. Il est formé d’une travée droite, rectangulaire, et d’une abside polygonale à cinq pans. L’ouverture centrale est à trois lancettes, les deux ouvertures latérales à deux lancettes. Le rythme des croisées d’ogives et des trois ouvertures confère à l’ensemble un caractère de qualité.  l’intérieur comme à l’extérieur, l’élévation inégale des deux parties de l’église met en évidence les deux campagnes de construction. L’addition d’une sacristie a malencontreusement noyé le côté sud de l’abside.

D’une façon générale, les parements sont en pierres de taille, soigneusement appareillées. Les couvertures sont en lauzes de basalte local et en ardoises de Corrèze (le porche et le clocher). La structure complexe et le manque d’entretien ont provoqué des désordres divers, auxquels les interventions antérieures n’ont pas toutes remédié. Une reprise d’ensemble devenait indispensable. Les travaux ont d’ailleurs été plus importants que prévu : on a constaté qu’une poutre maîtresse du clocher, pourtant refait à neuf en 1996, était cassée. Sa réfection a apporté un coût supplémentaire à l’évaluation initiale. La Sauvegarde de l’Art français a accordé une aide de 8 000 € en 2004.

 

Philippe Moret

 

 

Le projet en images