• Supprimer
  • Supprimer
  • Supprimer

 

Église Saint-Quentin. Le village de Montcavrel, relativement récent, a remplacé celui d’Emy, suffisamment important pour avoir été le siège de foires commerciales, qui fut ruiné en 1544 et non relevé. Il se constitua autour de l’église dont on attribue la construction à Aymon de Monchy, après son mariage, célébré en 1431 avec Jeanne de Montcavrel, héritière de la terre de Montcavrel et du puissant château voisin, fondé au XIe siècle. Le premier mourut en 1473, la seconde en 1462.

L’église eut très gravement à souffrir en 1544, lorsque les Anglais vinrent assiéger Hesdin et ravagèrent le pays alentour. La restauration qui suivit sacrifia la nef, trop ruinée, mais releva le chœur et le faux transept dont le bras Nord formait la chapelle de la Vierge qui devait être chapelle seigneuriale. En 1585, Antoine de Monchy demanda dans son testament « qu’en ladite église soient faites et posées deux verrières, en l’une desquelles seront mises les remembrances de feu son père, de sa mère et de feus ses trois frères, morts pour le service du Roy, et l’autre verrière qu’il soit mis sa remembrance, celle de sa deffunte femme et de leurs trois enfants encore vivans ».

En 1689, une restauration générale eut lieu à l’initiative de Louis-Charles de Mailly, acquéreur de la terre, érigée en marquisat. D’après les comptes de la fabrique, « on démolit les vieux atachements des piliers où étoient les vielles vouttes » et on fit livrer « 17 000 cloux de plusieurs espesse pour les vouttes de l’église ». C’est très probablement alors que furent posées les voûtes de bois, fabriquées par des menuisiers de Montreuil, qui remplacèrent les voûtes de pierre disparues. Dotées de dix-neuf pendentifs d’un style clairement Renaissance, ces voûtes étaient peintes, comme l’atteste une pièce de 1715. On renouvela également les couvertures d’ardoise et on ajouta une sacristie.

Régulièrement entretenue au XVIIIe s., l’église fut saccagée, pillée et privée de ses sépultures à la Révolution, avant d’être affectée à un atelier de salpêtre. Rendue au culte en 1802, elle fit l’objet d’importants travaux, effectués suivant l’urgence et au coût minimum, jusqu’au milieu du siècle où l’on prit conscience de son intérêt archéologique et historique, justifiant le lancement de véritables campagnes de restauration. En 1969, la découverte par Charles Waldschmidt, architecte en chef des Monuments historiques, de dégâts dus au mérule dans le bois des voûtes, ne fut malheureusement pas suivie de traitements adaptés.

L’église possède un chœur élevé et lumineux, terminé par une abside à trois pans épaulée par de hauts contreforts carrés, terminés en éperons formant pinacles. Ses grandes fenêtres, hautes de huit mètres, ont retrouvé à la fin du XIXe s. leurs élégants remplages flamboyants, restitués sur le modèle de ceux des travées droites. Les voûtes retombent sur de petits dais qui, à l’origine, couronnaient les statues placées entre les fenêtres, suivant une disposition que l’on retrouve à l’église de Douriez, élevée vers 1510 par François de Créqui, à celle d’Hestrus, dont les voûtes ont été rétablies en 1621 par la famille du Bois de Fiennes, et à celle de Brimeux dont le chœur a été élevé entre 1495 et 1524 par Hugues de Melun et Jeanne de Hornes.

La chapelle de la Vierge, qui occupe le bras nord du faux transept, possède elle aussi un chevet à pans. Le bras sud a conservé son plan rectangulaire, mais ses murs extérieurs ont été rehaussés en briques en 1869 et dotés de grandes fenêtres flamboyantes, pour faire pendant à celles du bras nord.

Découverts en 1868 derrière l’ancien autel, mais malmenés au cours de leur restauration, les vestiges des verrières ont été intégrés dans la fenêtre axiale. Ils correspondent à « une des vitres d’icelle église de Mont-Cavrel, remplie de portraits, chargée de blazons et armoiries », signalée dans une pièce de 1703. Le décor comprend également quatre statues anciennes et une cuve baptismale octogone en calcaire, décorée d’arcatures trilobées.

Mais ce sont surtout les chapiteaux des piliers octogones et des demi-piliers du faux transept qui retiennent l’attention. On y trouve, présentée en une succession de scènes très vivantes, formant frises historiées, la vie de la Vierge au nord : la rencontre d’Anne et de Joachim, la naissance, le mariage, la dormition, l’assomption, l’annonce aux bergers, l’adoration des Mages et la fuite en Égypte. Dans le croisillon sud, les scènes illustrent le martyre de Saint-Quentin : prêche, arrestation, écartèlement, supplices de l’eau et de l’huile bouillante, invention du corps du saint. On relève plusieurs incohérences dans la succession des scènes, conséquence probable de la réinsertion d’éléments provenant de la nef disparue.

L’église fait aujourd’hui l’objet d’une importante campagne de restauration générale, en particulier des toitures et des voûtes, gravement attaquées par le mérule. La Sauvegarde de l’Art français y a participé en 2011 par un don de 30 000 €.

 

 

Philippe Seydoux

 

Bibliographie :

  1. Rodière, Le Pays de Montreuil, Amiens, 1933, rééd. 2003, p. 352-363.

 

Le projet en images